La loi de Finances complémentaire de fin juillet 2010, entend faire du credoc, le seul mode de paiement. La majorité des importateurs algériens avant la loi de Finances complémentaire 2009, qui a introduit cette procédure, n'utilisait pas la procédure du crédit documentaire (credoc), mais beaucoup plus celle de la remise documentaire (remdoc). Dans ce contexte, le crédit documentaire (CREDOC) instauré par la loi de Finances complémentaire 2009, peut être d'une faiblesse opérationnelle face au fonctionnement du système bancaire algérien. En effet, le système documentaire est une procédure normale lorsque existent des banques qui fonctionnent normalement au sein d'une véritable économie de marché concurrentielle, étant dans cette interminable transition depuis 1986, ni véritable économie de marché ni économie administrée qui ont leurs propres règles de fonctionnement expliquant les difficultés de régulation économique et sociale et que les banques sont souvent soumises à des interférences politiques et sont actuellement avec leurs lourdeurs bureaucratiques des guichets administratifs qui favorisent l'import au lieu d'être un partenaire actif pour l'investissement productif. D'ailleurs, cela est confirmé par les déclarations officielles du ministre des Finances algérien qui a expliqué que si l'Algérie a été épargnée partiellement par la crise mondiale, elle le doit au fait que le système financier algérien est déconnecté des réseaux internationaux et que le dinar n'est pas convertible, comme s'il fallait s'en réjouir, l'importance des réserves de change étant due à une ressource éphémère, les hydrocarbures, l'Algérie exportant hors hydrocarbures depuis des décennies moins de 3%. Or, l'efficacité du CREDOC s'inscrit dans le cadre justement d'une connexion au réseau mondial de la finance. Comme l'exigence du CREDOC sans transition et sans préparation des banques risque d'étouffer les PMI/PME notamment, privées majoritaires actuellement opérant dans la sphère réelle en les poussant à aller dans la sphère informelle où existe des institutions et des intermédiations financières informelles, qui constituent la majorité des entreprises privées algériennes déjà soumises à d'importantes contraintes bureaucratiques. Car peu d'entreprises sont insérées dans le cadre des valeurs internationales comme le montrent les données au niveau du registre national du commerce pour fin 2008, la structuration des entreprises y compris publiques étant la suivante : -49,90% personnel, -32,14% SNC, -13,32% SARL, -4,64% SPA dont Sonatrach et Sonelgaz. Mais cette mesure pénalise également les entreprises publiques soumises à des interférences administratives, difficultés accentuées par la faiblesse du management stratégique et non libre de leur gestion pour s'adapter à l'évolution rapide du commerce international. La voix du secteur public a rejoint celle du privé. Tour à tour, le Dg de la SNTF, relayé par le Pdg d'Air Algérie et le directeur de la recherche scientifique au ministère de l'Enseignement supérieur, ont tous évoqué des difficultés à s'approvisionner en pièces de rechange pour les deux sociétés et de pièces neuves acquises pour la fabrication de matériels technologique pour le secteur de la recherche scientifique. Interpellé sur cette question, le ministre des Finances n'a pas exclu d'apporter quelques ajustements dans le cadre de la loi de Finances complémentaire 2010. Le nouveau texte accordera une concession aux opérateurs via l'assouplissement du transfert libre qui sera revu à la hausse, étant actuellement à hauteur de 150 000 dinars. Aussi, pour la majorité des opérateurs, je ne parle que d'une minorité de monopoleurs qui trouvent avantage auprès des banques publiques, le Credoc ne faciliterait pas la tâche du fait de contraintes bureaucratiques. Et pour les grandes entreprises, le risque est des surstocks avec des surcoûts et pour les PMI/PME étant contraints de mobiliser le montant de la transaction au niveau de la banque qui garantit le paiement pour le fournisseur, la grande majorité ne peuvent mobiliser de grands montants d'où les risques de rupture des stocks pour les entreprises n'ayant pas de fonds de roulements importants. Car, la lettre de crédit, pour ces entreprises est coûteuse et le gouvernement invoquant la traçabilité supplémentaire, mais qui ne garantit en rien la possibilité de fraudes. Or, avec un transfert libre ou de remise documentaire, il y a domiciliation à la clé de la même façon que la lettre de crédit et donc l'enregistrement sur les livres comptables avec transfert et assainissement dans les six mois par la Banque centrale, la lettre de crédit n'étant pas l'antidote du transfert libre, car dans les deux cas de figure, des circuits bancaires sont utilisés, connus et répertoriés par les banques. Par ailleurs, toujours selon certaines organisations patronales privées, le crédit documentaire, outre qu'il ne garantit en rien les surfacturations invoquées par le gouvernement, ne répond pas à ceux des clients mais aux fournisseurs étrangers qui se retrouvent avec un risque commercial zéro et qui, souvent, ne font pas confiance à la banque algérienne et demandent une confirmation de cette lettre de crédit par un établissement bancaire étranger. Et là, on revient à l'efficacité du système financier qui a certes des cadres valables qui n'ont rien à envier aux managers étrangers, mais évoluent dans un environnement paralysant. Quelle conclusion en tirer ? Un texte juridique que contredit souvent les pratiques sociales, car la société comme l'a démontré avec des enquêtes internationales précises, le grand spécialiste Hernando De Soto, enfante ses propres règles qui lui permettent de fonctionner dans une sphère sociale de non-droit, et ce, afin de contourner la myopie de certains gouvernants, n'a pas les mêmes effets dans une économie où existe un Etat de droit, la transparence, une économie structurée et un pays comme l'Algérie dominée par le monopole qu'il soit public ou privé et une bureaucratisation étouffant toute énergie créatrice. L'intelligence suppose en cette période de transition difficile de s'adapter aux situations spécifiques en prévoyant des paliers successifs car tant la gouvernance centrale que locale, des banques que la gestion des entreprises publiques que privées est caractérisée par des lourdeurs administratives où la notion du temps et le management stratégique sont presque quasiment absents alors que le système financier mondial implique justement la maîtrise du temps si l'on veut évier des pertes financières et économiques considérables, le temps ne se rattrapant jamais en économie. En fin de compte, tout cela renvoie à l'urgence d'une gouvernance rénovée s'adaptant tant aux mutations sociales internes qu'aux mutations mondiales afin de lutter efficacement contre la corruption, l'insécurité juridique qui sont des phénomènes qui entravent l'émergence d'un climat des affaires transparents en Algérie dont la valorisation du savoir, un système bancaire performant et la réhabilitation de l'entreprise créatrice de richesses, sont l'épine dorsale des réformes et d'un développement durable hors hydrocarbures. (Suite et fin)