Mardi 3 août. Nous empruntons la nationale 24 pour rejoindre Béjaïa par Azeffoun. A partir de la commune de Fréha, à une trentaine de kilomètres du chef-lieu de wilaya de Tizi Ouzou , nous constatons un renforcement du dispositif sécuritaire. Un bataillon de parachutistes de l'Armée nationale populaire (ANP) est installé à Fréha. Des barrages routiers mixtes, gendarmes, policiers et militaires, sont implantés tout au long de la route reliant Freha à Azeffoun en passant par les Aghribs, une localité réputée par le nombre important d'enlèvements ayant ciblé des hommes d'affaires et des entrepreneurs. Ces dernières années, les rançons payées par les proches des personnes enlevées assurent une partie importante du financement des groupes terroristes en Kabylie. Parfois, la population de ces régions, durement touchée par l'insécurité, se révolte après le rapt d'un des leurs. Une mobilisation très souvent payante aboutissant à la libération des otages sans contrepartie financière. Nous sommes au début du mois d'août et à quelques jours du mois du Ramadhan et toute la région vit au rythme des vacances. Tout au long du trajet qui sépare la ville de Tizi Ouzou à celle d'Azeffoun et en dehors des barrages routiers dressés par les services de sécurité, rien n'indique que cette région vie une situation sécuritaire particulière. Face à la mer, nous débouchons à l'intersection de la RN24 étroitement surveillée par une importante présence de gendarmes et de militaires. Un panneau nous renseigne que la ville balnéaire de Tigzirt est à 35 km à l'est d'Azeffoun. Nous sommes sur la nationale 24 qui relie Bordj El-Kiffan dans la wilaya d'Alger à la capitale des Hammadites, Béjaïa, en passant par les importantes villes de Boumerdès et de Dellys avec son port. Cette route nationale longe le littoral sur une distance qui dépasse les deux cents kilomètres. C'est une route touristique par excellence. Mais au début des années quatre-vingt-dix, cette route va subir les conséquences de l'implantation des groupes terroristes dans les massifs montagneux limitrophes entraînant sa dégradation en l'absence de toute opération de maintenance. Jusqu'au jour d'aujourd'hui les 26 kilomètres qui séparent la ville portuaire de Dellys à la ville balnéaire de Tigzirt sont rarement ouverts à la circulation. Une présence plus ou moins importante des groupes terroristes rend cet axe routier risqué pour les automobilistes. Une situation qui pénalise sérieusement cette région aux grandes potentialités touristiques. . Contrairement aux 26 kilomètres qui séparent Dellys de Tigzirt les 35 kilomètres de la route nationale qui relient Tigzirt à Azeffoun sont dans un parfait état et entièrement sécurisés. En ce début du mois d'août, la ville d'Azeffoun respire les vacances. Les plages accueillent un nombre important d'estivants. Les quelques hôtels qui longent la côte affichent complet. Un panneau publicitaire fait même l'éloge d'une promotion immobilière. Une promotion destinée à ceux qui ont les moyens de se payer une résidence secondaire en bordure de la mer. Des policiers tentent tant bien que mal de réguler la dense circulation. Se trouvant sur les hauteurs, l'ancien village d'Azeffoun a été, plus où moins, épargné par la frénésie immobilière et touristique. A la sortie est de la ville, des restaurants spécialisés dans le poisson ne cessent d'accueillir des clients, dont beaucoup sont des émigrés. En face, le nouveau port de pêche dont la construction a duré près de vingt ans. La jetée de ce port a englouti, il y a près de cinq ans, le mythique restaurant-bar de Boudjemâa. Un restaurant qui avait les pieds dans l'eau et qui a même fait de la résistance durant la décennie noire. Sa disparition est une grande perte pour cette ville balnéaire. Au large, à quelques milles de la côte, les bouées de la première ferme aquacole de la région sont visibles. Ici on élève de la dorade et du loup de mer. Un littoral épargné par le béton Un panneau annonce Béjaïa à 95 kilomètres. Nous traversons le phare puis la gigantesque plage de Sidi Khelifa et le pont qui enjambe la rivière qui porte le même nom. Un peu plus loin, la plage du Petit paradis. Nombreux sont les estivants qui peuplent ces magnifiques plages en cette saison estivale. En dehors de quelques commerces en bordure de la route et de maisons récemment construites par des particuliers originaires de la région, rares sont les opérateurs qui se sont aventurés, en dehors de la ville d'Azeffoun, à investir dans la construction de complexes touristiques. Refaite à la fin des années quatre-vingt, la RN24 présente aujourd'hui des fissures et des dégradations sur plusieurs kilomètres. Mais dans l'ensemble cette important axe routier est carrossable et permet de traverser les 95 kilomètres qui séparent Azeffoun de la ville de Béjaïa en moins de deux heures. La traversée nous permet surtout d'admirer les beaux paysages côtiers de cette région de Kabylie. Un important barrage des forces de sécurité annonce la commune d'Aït Chafaà . Notre véhicule avale les kilomètres tout en appréciant les multiples plages et criques rocheuses qui défilent. Les plages de Beni Ksila avec ces estivants. Nous remarquons même le retour en force des campeurs qui ont disparu durant les années noires du terrorisme. Au fond d'un oued et abrité par les maquis, un campement militaire chargé de sécuriser la grande plage de Beni Ksila. Un peu plus loin, Cap Sigli et les forêts qui descendent .du massif de l'Akfadou. Magnifiques paysages à vous couper le souffle et où la mer épouse le relief avec ces innombrables petites plages et falaises. Et c'est le choc. Tout au long de la route des tonnes et des tonnes de déchets sont jetés un peu partout, défigurant les paysages. Sur des kilomètres, en bordures de la route, des bouteilles en plastique, des cannettes et des bouteilles de bières vides encombrent les côtés de la chaussée. Parfois, ce sont carrément des décharges sauvages qui agressent l'œil de ceux qui empruntent cette route. Il est certains que cela fait longtemps que les collectivités locales n'ont pas pris la peine de nettoyer les bordures de cette route. Le manque de civisme des estivants et l'inconscience des automobilistes, qui jettent leurs déchets par les fenêtre de leurs véhicules, dépassent tout entendement. Et il y a menace sur les forêts vu que ces déchets facilitent les incendies. (A suivre)