Entre redditions et éliminations de ses chefs, l'ex-GSPC, dont le noyau dur se trouve en Kabylie, semble engagé dans une courbe défensive après avoir fait régner la terreur sur la région à travers des actions aussi spectaculaires que meurtrières. Le déchaînement de violence a débuté en juillet 2007 avec l'attaque de la brigade de gendarmerie de Yakouren, un échec « militaire » pour les terroristes, mais une démonstration de leurs forces, puis l'assaut d'une banque à Tizi Rached, en mars 2008, une attaque qui avait pris la forme d'un siège dans cette ville située à une vingtaine de kilomètres du chef-lieu de wilaya. Tizi Ouzou. De notre bureau Le tournant a eu lieu en août 2008, lorsque la ville de Tizi Ouzou s'est réveillée sur une explosion dans le quartier le plus sécurisé du chef-lieu de wilaya. L'attentat kamikaze qui avait ébranlé le siège des Renseignements généraux (RG), le 3 août 2008, avait fait l'effet d'un séisme dans les rangs des services de sécurité. L'attaque n'avait fait que des blessés et des dégâts matériels, mais les différents corps de sécurité avaient encaissé un revers sans précédent en subissant un attentat à la voiture piégée entre la direction des RG et le secteur militaire Les groupes terroristes défiaient tout l'appareil sécuritaire de renseignement et d'opération. Depuis, une « obligation de résultats » est assignée aux différents services de l'Etat. Les services de renseignement redécouvrent leur métier, « lâchent » les politiques et les syndicats pour filer les groupes criminels qui mènent droit au maquis islamiste. Deux jours après l'attentat de Tizi Ouzou, deux terroristes ont été interceptés et abattus à la périphérie de la ville, sur la rocade sud. Cinq jours plus tard, ce sont douze terroristes qui ont été calcinés dans leurs véhicules atteints par des tirs à partir d'un hélicoptère de l'ANP. Une riposte foudroyante arrivée au bon moment, montrant que l'appareil sécuritaire garde sa force de frappe et peut se montrer efficace lorsque le cap est clairement défini par les autorités. La visite effectuée à Tizi Ouzou en septembre 2008 par le chef d'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah, a été perçue par les observateurs comme une volonté de mettre en place un véritable plan de riposte aux groupes armés écumant encore la région. Signe de cette nouvelle stratégie sécuritaire, la multiplication des barrages militaires sur les principaux axes routiers. Mis à part quelques contestations des archs en raison du « retour des gendarmes », le renforcement du maillage sécuritaire a rassuré la population qui a retrouvé une certaine liberté de circulation. Amoindris dans leurs effectifs, pourchassés dans les maquis, les terroristes ont toutefois gardé une capacité de nuisance, notamment celle de poser des bombes sur les chemins empruntés par les convois militaires. Des attentats parfois meurtriers ayant coûté la vie à plusieurs éléments de l'ANP. Les explosions ont souvent lieu au cours d'opérations de ratissage, les repaires des terroristes étant fréquemment minés avant d'être désertés. C'est ce qui s'est passé ces derniers jours à Iflissen près d'Azeffoun et à Aït Chaffaâ près de Tigzirt, où les forces de l'ANP sont en opération. Si les terroristes qui se sont rendus sont rassurés sur leur sécurité, ce n'est pas le cas des militaires qui engagent des opérations de ratissage sur la base d'indications recueillies auprès des repentis. Plusieurs soldats ont sauté sur des bombes aux abords des casemates. La mission la moins périlleuse pour les services de sécurité, au lendemain des redditions de terroristes, est le démantèlement des réseaux de soutien. Ils sont cueillis par les services de police sans aucune résistance, sachant sans doute que l'appareil judiciaire est loin d'être implacable s'agissant des affaires liées à la subversion islamiste. Six réseaux d'approvisionnement ont été mis hors d'état de nuire depuis l'été dernier (Tadmaït, Fréha, Draâ Ben Khedda, Iflissen…). L'arrestation des groupes de soutien aboutit parfois à la mise hors d'état de nuire de groupuscules circulant avec armes et explosifs sur les routes nationales. Quatre terroristes ont ainsi été abattus à Fréha à bord d'une camionnette, en décembre 2008, et trois autres ont subi le même sort à Tadmaït le mois dernier. Incapable de mener des actions d'envergure, le GSPC a recours à des sorties nécessitant moins de logistique. Dans des affiches placardées récemment à Aïn El Hammam, les terroristes menacent de représailles « ceux qui collaborent » avec l'Etat. Plusieurs camions servant à l'approvisionnement des campements militaires ont été incendiés, comme à Mizrana et Aghribs. Revenant à des pratiques vieilles de 15 ans, les groupes armés s'attaquent à des infrastructures n'ayant aucun lien avec la lutte antiterroriste. Ainsi, il y a une semaine, dans la commune de Aïn Zaouïa, près de Draâ El Mizan, un camion-citerne et un bus de ramassage scolaire ont été incendiés dans le parc communal, lors d'une descente nocturne, comme au temps des terroristes sortis des APC FIS. Autre signe de la déliquescence du maquis de Droukdel, l'attaque du bâtiment de la Protection civile à Azeffoun, il y a un mois et demi ; du matériel de communication et de secours a été subtilisé. Le GSPC évite d'envoyer ses troupes contre les positions des services de sécurité, des actions qu'il avait multipliées il y a deux ou trois ans lorsque des attaques simultanées pouvaient être perpétrées dans plusieurs wilayas du Centre. Mise en difficulté par les redditions, les éliminations et la destruction de ses bases arrières, l'organisation de Droukdel n'a cependant pas abandonné son activité lucrative, les kidnappings. La psychose du rapt pèse toujours sur les entrepreneurs et les commerçants de la région, cibles vulnérables de la horde islamiste qui s'est transformée en organisation mafieuse. Le dernier enlèvement remonte à un peu plus d'un mois, dans la localité de Aït Yahia. Le précédent avait eu lieu à Aïn Zaouia en novembre 2008. Au total, ce sont près d'une quarantaine de citoyens qui ont séjourné entre un jour et un mois dans le maquis terroriste avant d'être relâchés contre forte rançon. Les services de sécurité n'ont toujours pas trouvé de parade à ce phénomène qui plombe la vie économique locale et fait fuir des dizaines de promoteurs. Les milliards amassés lors de ces rapts ne sont pas toujours destinés à « renflouer les caisses du GSPC », mais sans doute aussi à préparer le retour dans la société des terroristes. Il est peu probable que les redditions soient mues uniquement par un désir de répondre aux appels lancés par des ex-émirs qui ont tué par le passé des milliers d'Algériens. L'argent est le nerf de la guerre, mais aussi celui de la paix. Le retour en force du GSPC ne peut être rendu possible que par un relâchement spectaculaire de l'effort de renseignement et de lutte sur le terrain, qui ne peut être dicté que par des considérations politiques.