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Un tabou à briser
Le phénomène d'abandon d'enfants.
Publié dans La Nouvelle République le 23 - 08 - 2010

C'est le cas pour ces mères célibataires qui, face au regard de la société et, par peur d'entacher l'honneur de la famille, ne trouvent de solution que dans l'abandon de leur bébé. Et là commence le calvaire pour cet innocent. A travers ce dossier, nous avons voulu d'abord présenter le phénomène de l'abandon d'enfants en Algérie (données chiffrées, efforts de l'Etat pour garantir la protection à ces enfants, etc), ensuite, nous avons abordé le sujet de la kafala, avec tous ses avantages et ses inconvénients. Enfin, nous nous sommes entretenus avec un psychologue qui nous a donné un point de vue scientifique sur la question, tout en proposant des solutions permettant l'atténuation de ce fléau social. Le phénomène d'abandon d'enfant a pris de l'ampleur, en Algérie. Pas moins de 3 000 naissances hors mariage s'y enregistrent, annuellement. L'Algérie qui est un pays musulman et connu par ses traditions et ses coutumes! Rien qu'en 2009, il a été recensé, 2 275 enfants abandonnés au niveau des FEA (Foyers pour enfants assistés). Aussi, il a été noté, au premier semestre 2010, 1 345 enfants délaissés dont 186 dans la wilaya de Sétif, 169 à Alger, 63 à Annaba et 62 à Oran. Ce sont là des chiffres recueillis auprès du ministère de la Solidarité nationale et de la famille. C'est-à-dire qu'ils ne reflètent que les cas recensés et déclarés par les instances en charge, mais la réalité et bien loin de là, car il y a des cas qui sont toujours dans la rue avec leurs mères célibataires. Il en y a d'autres qui sont confiés à des familles juste après leur naissance, c'est à dire sans passer par les procédures de la kafala, c'est juste un accord entre la mère célibataire et un couple privé d'enfants. Comment, sommes-nous arrivés à cette situation? Pourquoi tout ce nombre, lourd à digérer? Où réside la faille? Ce sont des tas de questions qui restent sans réponses. Et cela parce qu'il s'agit, bien d'un sujet tabou, mais jusqu'à quand ?
17 établissements d'accueil programmés à l'horizon 2014
L'Etat a construit des établissements spécialisés pour accueillir ces enfants. Ils sont en nombre de 44 répartis sur le territoire national dont 24 pouponnières s'occupant des enfants de la naissance à 6 ans et le reste s'occupe des enfants âgés de 6 à 18 ans, et ce, selon toujours les données du ministère de la Solidarité nationale et de la famille. Aussi, le département de Saïd Barkat a engagé, dans le cadre du programme quinquennal 2010 –2014, des projets visant la construction de 17 établissements dans différentes wilayas. Mais faut-il se contenter seulement de construire des centres d'accueil ? Ces enfants sont en général abandonnés pour différentes causes: naître sous X, être issu d'une famille en difficulté financière. Il y a ceux dont les parents sont en situation de divorce, ou encore l'un d'entre eux est veuf.
C'est bien beau de subvenir à leurs besoins matériels mais l'affection des parents est irremplaçable. «Nous favorisons le placement familial et nous souhaiterions que l'établissement ne soit qu'une phase transitoire», nous indique une responsable du ministère en charge. Et d'ajouter: «Nous favorisons le placement familial pour répondre à leurs besoins sur le plan affectif».
La kafala : avantages et inconvénients
La loi sur la kafala a évolué depuis 1992, année où l'Algérie a ratifié la Convention internationale des droits de l'enfant, basée sur quatre principes : la survie de l'enfant, sa protection, son développement et sa participation à la vie. L'évolution s'est concrétisée par un décret reposant sur une fatwa du Haut-Conseil islamique. Cette nouvelle disposition théologique permet à l'enfant makfoul de porter le nom des parents kafile mais sans affiliation. Grâce à la kafala, les enfants adoptés n'ont plus la mention SNP ou «nés sous X» sur les documents de l'état civil puisqu'ils peuvent porter le nom de la famille adoptive sans que cela n'induise une filiation. C'est-à-dire la concordance de nom conformément à la loi 92.
Aujourd'hui, les parents souhaitent que l'enfant adopté soit porté sur le livret de famille. Une autre bataille à gagner. Les directions de l'action sociale des wilayas, habilités à délivrer les agréments de kafala, ont enregistré, ces dix dernières années, une très forte demande, en matière d'adoption d'enfants délaissés.
Sur le total de 2 275 enfants abandonnés, en 2009, pas moins de 1 236 ont été adoptés localement. Même les Algériens vivant à l'étranger adoptent des enfants abandonnés en Algérie. L'année précédente, 126 enfants abandonnés ont bénéficié d'une kafala à l'étranger.
Selon notre interlocuteur, pour pouvoir adopter un enfant, il faut satisfaire certaines conditions, entres autres, l'âge, c'est à dire le couple ne doit pas être âgé (incapable de prendre en charge cet enfant) et être financièrement aisé mais aussi stable (avoir un logement). Ce sont là certains critères à satisfaire pour adopter un enfant. Une enquête sociale se fait au niveau des DAS et si tous les critères sont réunis, le dossier sera au niveau de la commission qui décidera à donner ce bébé pour adoption.
Mais, des problèmes aussi cruciaux sont posés. Parmi ces derniers, l'action en révocation de la kafala est toujours soumise à la seule appréciation du juge sans que l'Etat lui fixe les limites. Quant à la mère adoptive, elle est exclue de l'acte judiciaire de kafala alors qu'elle donne à son enfant autant d'amour sinon plus que son mari. En cas de décès du kafil, elle ne dispose pas automatiquement de la garde de son enfant.
Aussi, l'enfant adopté n'a pas le droit d'hériter sauf en cas de testament en application de la chariâ. Cependant, reste à résoudre le problème des enfants handicapés qui ne trouvent malheureusement pas de famille d'accueil et qui grandissent dans les pouponnières faute de structures adaptées à leur prise en charge.
Bahia A.
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