Ceux-là même à l'origine de la disposition de la loi des finances complémentaire 2009 portant suppression de l'agrément obligatoire à l'activité de buralistes, kiosques à tabac… Cet agrément était le seul moyen dont disposait le fisc algérien pour identifier, suivre et contrôler les activités liées à la production et commercialisation du tabac sous toutes ses formes. Leur mainmise sur les matériaux de construction (ciment et rond à béton), médicaments et autres ne prêtant plus à aucune opposition, les animateurs ont pris d'assaut la filière du tabac. La mise au jour de différentes affaires de trafic et contrebande impliquant de hauts responsables ne les a nullement dissuadés de baisser les bras. Revigorée par les interventions de des complices qui agissent sous le couvert du col blanc, la Cosa Nostra algérienne a même infiltré l'Assemblée populaire nationale où l'on légifère sur l'avenir du pays. La suppression de l'agrément des buralistes est une des conséquences de cette infiltration. Clandestinement, des milliers de cartouches de cigarettes et tabac à chiquer sous différentes étiquettes commerciales traversent quotidiennement nos frontières. Particulièrement celles des wilayas d'El-Tarf, Souk-Ahras, Tébessa et El-Oued à l'extrême est du pays. Ces deux dernières années, la contrebande du tabac algérien à destination de la Tunisie a atteint le seuil de l'intolérable. Les sénateurs du crime économique installés à Annaba et à Tébessa ne se cachent plus pour offrir leur «marchandise» à la mafia tunisienne. Localement, échappant à tout contrôle de traçabilité, le tabac algérien ne s'achète plus chez le buraliste du coin. De production locale ou de provenance douteuse des pays du Sud proche des frontières algériennes, il est commercialisé en quantité sur le marché parallèle sous les yeux des inspecteurs des impôts impuissants face à cette pratique de mise à sac du Trésor public agréée par nos députés en 2009. Le préjudice des droits indirects qu'inclut le commerce du tabac se chiffre mensuellement à des dizaines de milliards de dinars. Le tabac de la contrebande sans ou comportant de fausses vignettes a éclipsé celui de production nationale. Depuis 2009, la commercialisation du tabac algérien par les buralistes relève d'une utopie. Hier tout ce qui a de banal, acheter son paquet de cigarettes chez le buraliste ou l'épicier du coin est une démarche qui a totalement disparue. Face à l'impuissance de l'Etat, le marché parallèle du tabac a pris des proportions inégalées depuis l'indépendance. Cette impuissance profite à nos voisins tunisiens qui font pratiquement main basse sur la cigarette algérienne. Taux de change favorable oblige (1 dinar tunisien pour 70 algériens), la cigarette algérienne nargue celle tunisienne dans les villes frontalières. Ce trafic est très favorable aux consommateurs tunisiens qui payent leur dose de tabac quotidienne trois fois moins cher que celle produite chez eux. Que ce soit aux frontières algériennes de Tébessa, El-Tarf ou Souk Ahras, les mulets et autres équidés chargés de cartouches de cigarettes, le trafic est intense. Le va-et-vient des bandes de trafiquants via des sentiers qu'ils sont les seuls à connaître ne s'arrête pratiquement pas. Les complicités sont partout. Il y a quelques mois, pour avoir refusé d'obtempérer aux gardes-frontières de la région d'Oum Teboul (Tarf), un jeune trafiquant est décédé, atteint mortellement par une balle tiré par un des gardes. La réaction des habitants de cette localité à quelques kilomètres du territoire tunisien a été brutale. Depuis, la contrebande a été «légalisée». Contrairement aux précédentes années où ses animateurs éprouvaient les pires difficultés à s'approvisionner, ces deux dernières années, la mafia s'est organisée. Elle a même renforcé ses arrières en imposant à «nos élus» de l'Assemblée populaire nationale de voter le seul document d'identification, de contrôle et de suivi de la commercialisation du tabac. Entre-temps, les comptoirs de vente de la seule entreprise algérienne de production et commercialisation du tabac ne désemplissent pas. Des jeunes et moins jeunes, vendeurs à la sauvette pour la plupart, viennent s'y approvisionner sur présentation d'un registre de commerce faux ou de complaisance que le fisc algérien ne peut en aucun cas localiser. Ceux qui n'en ont pas pourront s'adresser aux buralistes venus prétendument s'approvisionner. Ces derniers liquident leur quota de tabac à quelques mètres du comptoir de la société et sous les yeux des préposés qui s'étaient fait un plaisir de les servir rapidement.