Malgré une année difficile en 2004 (la catastrophe humanitaire dans la région du Darfour au Soudan, l'effondrement économique du Zimbabwe et les conflits en Côte d'Ivoire ainsi que dans certaines parties de la République démocratique du Congo, etc.), l'activité économique en Afrique a tout de même progressé de plus de 5 %, pour atteindre son plus haut niveau depuis huit ans. Léger redressement malgré l'inflation Selon certaines études se basant sur une analyse approfondie de 29 pays africains, ce redressement de la croissance est dû à l'expansion mondiale, à la hausse des cours du pétrole et des métaux, ainsi qu'à une augmentation significative de l'aide publique au développement (APD) dont a bénéficiée le continent noir. La maîtrise des prix montre bien la détermination de cette nouvelle Afrique qui se cherche encore toujours. En 2004, l'inflation dans les pays africains avait atteint un taux historiquement bas, soit 7,9 %, la plupart des pays continuant d'endiguer la hausse des prix, malgré l'envolée des cours du pétrole vécue alors. D'autres parts, la faiblesse de l'inflation enregistrée à travers le monde avait bénéficié aux pays de la zone CFA, dont le taux de change est ancré à l'euro, tandis que des politiques monétaires sages et prudentes avaient joué un rôle clé dans un nombre croissant de pays à taux de change flottant. De meilleures conditions météorologiques avaient, également, contribué à alléger les tensions inflationnistes. Si l'inflation en Afrique australe a régressé, seuls des pays comme le Zimbabwe, l'Angola et l'Erythrée avaient affiché des taux d'inflation supérieurs à 20 %. Les facteurs du redressement économique Comment expliquer cette relative croissance ? D'abord, c'était grâce à l'«or noir», car certains pays producteurs avaient bénéficié de l'exploitation de plusieurs nouveaux gisements de pétrole en Afrique australe et centrale. On ajoutera à cela la reprise de la production agricole, la sécheresse de 2003 en Afrique de l'Est, centrale et australe ayant pris fin, de même que l'invasion de criquets à l'ouest et au nord en 2004. Riche en pétrole, l'Afrique centrale (Guinée équatoriale, Tchad, etc.) avait montré la croissance économique la plus robuste de tout le continent noir, avec une progression moyenne perceptible du PIB en volume estimée à 14,4 % sur 2004, quoique conjoncturelle (4 % à 6 % en 2005-2006). Durant la même période, l'Afrique orientale avait, elle aussi, nettement progressé, ressortant à 6,8 %. De fait, l'Ethiopie avait connu un rythme de croissance supérieur à 10 %, grâce à l'amélioration des récoltes agricoles. Mais certains pays de la région, notamment l'Ile Maurice et Madagascar et d'autres encore, doivent relever les défis que pose l'intensification attendue de la concurrence chinoise dans le secteur des textiles. Les pays du Maghreb avaient continué d'afficher une forte croissance de leur PIB en volume (4,6 %), tendance qui devrait se poursuivre encore même s'ils sont toujours confrontés à quelques problèmes de capacité. En Afrique de l'Ouest, il y avait eu un certain ralentissement économique général. Le Nigeria, le pays le plus peuplé du continent, avait enregistré une modeste croissance de son PIB en volume, à 3,7 %, car sa production pétrolière s'est comprimée sous l'effet de limitations des capacités, de conflits et de grèves. On s'attend à des taux de croissance encore plus solides pour les prochaines années, comme il existe des risques de baisse, notamment à cause des conflits internes comme il en existe dans d'autres pays limitrophes comme la Côte d'Ivoire. Plus au sud du continent, la croissance économique avait progressé en Afrique australe, passant de 2,6 % en 2003 à 4 % en 2004, ce qu'explique l'embellie en Afrique du Sud et en Angola. Le cours des métaux avait poursuivi son envolée, avec une progression de 16 % en 2004, sous l'effet de la forte demande chinoise pour le cuivre de Zambie ou pour l'or de l'Afrique du Sud, le plus grand producteur au monde. Instabilité des cours mondiaux des minerais Il est indéniable que l'augmentation générale des cours mondiaux des matières premières avait amélioré la balance commerciale de nombreux pays africains, même si la montée des cours du pétrole nuit aux pays importateurs de ce combustible. Les pays qui en ont le plus bénéficié sont principalement les pays exportateurs de pétrole et de minerais métalliques. Cependant, un certain nombre de pays subissent des pertes nettes en raison de la baisse des cours de plusieurs produits agricoles, comme le cacao ou le coton, selon la conjoncture, ce qui avait fait reculer les recettes d'exportation dans certains pays à l'instar du Mali ou du Bénin. Ainsi se confirme la vulnérabilité de ces pays face à l'évolution du marché des matières premières comme cela avait eu lieu en d'autres périodes. Néanmoins, les perspectives économiques en Afrique restent positives, à condition, toutefois, que l'activité économique mondiale progresse, que les conflits régionaux continuent à s'apaiser, et que les conditions météorologiques soient favorables. A ces facteurs, qui restent incertains, s'ajoute la question des échanges commerciaux avec les pays développés qui doivent procéder à une réduction des subventions agricoles internes et une suppression des obstacles aux échanges avec l'Afrique, qui empêchent les produits africains d'accéder aux marchés européens. L'aide au développement est très importante de même que les mesures adéquates – après des négociations -- avec lesquelles les pays en Afrique pourraient faire, enfin, face aux défis de la mondialisation. L'Afrique a besoin d'aides multiformes Malgré une certaine croissance soutenue, le continent noir reste, pourtant, une région terriblement pauvre, frappée par la misère, les épidémies, la sécheresse et de nombreux conflits. L'analphabétisme, surtout en Afrique subsaharienne, est l'un des plus forts du monde. Les revenus sont toujours très bas. Même en Afrique du Sud, le PIB au prix courant est inférieur à 4 000 dollars par tête d'habitant. Ailleurs en Afrique, les revenus sont encore plus faibles, voire négligeables, et ne montent plus en termes réels depuis la fin du XXe siècle. Mais ces comparaisons basées sur le seul PIB restent, souvent, trompeuses et «comparaison n'est pas raison». Sur ce, on peut sérieusement et légitimement douter que l'Afrique puisse atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) dans les cinq prochaines années. Pour avancer, il faut vaincre la faim -- qui touche toujours 28 % de la population – l'analphabétisme, les maladies (Sida, par exemple), éradiquer les maux sociaux et en finir avec toutes sortes de conflits qui sont, hélas, très nombreux. L'Afrique doit toujours, également, davantage profiter de l'augmentation récente de l'aide (APD) remontée à 46 % dans les dernières années mais cela est insuffisant. Sur la base des promesses faites par les donneurs, on s'attend à une croissance substantielle de l'APD en termes réels pour l'Afrique. Mais la crainte de ne pouvoir lever d'ici 2015 des fonds substantiels en temps utile pour l'aide régulière a conduit à rechercher de nouveaux modes de financement du développement. Une aide fiable, durable et efficace : voilà ce dont le continent noir a réellement besoin, mais les institutions et l'administration des pays africains sont-elles en mesure d'absorber une aide plus importante et de la distribuer réellement et efficacement pour sortir leurs populations, enfin, du sous-développement chronique qu'elles ont tant enduré ?