L'Afrique, disait-on souvent, est un continent à part. C'est là où l'on recense le plus grand nombre de PMA (pays les moins avancés), un euphémisme pour désigner les plus pauvres parmi les pauvres, les ravages causés par les maladies, et surtout, parce qu'ils en sont la cause très probablement, des guerres. Autant dire qu'il n'y en a qu'en Afrique. Triste record, mais il n'est pas le seul, puisque la très respectée revue américaine Foreign policy, vient d'y ajouter l'indice d'instabilité. C'est sans surprise que l'Afrique occupe le haut du tableau avec successivement le Soudan, la RDC (république démocratique du Congo) et la Côte d'Ivoire. Le Soudan, qui avait focalisé les espoirs du monde arabe qui voulaient en faire leur grenier à blé, est le pays le plus vulnérable du monde, tandis que la stabilité de l'Irak et de l'Afghanistan décline nettement, selon l'indice 2006 des « Etats en échec » publié, mardi par cette revue spécialisée américaine. A vrai dire, ce pays traîne une bien triste réputation avec des conflits à répétition qui menacent jusqu'à son existence, puisqu'on parle de fédéralisme comme la solution à tous ces problèmes. Sans même finir avec le conflit du sud, le Soudan, dont la région occidentale du Darfour est en proie à une guerre civile qui a fait entre 180 000 et 300 000 morts et plus de deux millions de déplacés depuis trois ans, arrive en tête de cet indice publié chaque année par cette revue respectée. Il est suivi par la République démocratique du Congo et la Côte d'Ivoire, l'Afrique restant la région du monde la plus instable, avec six des dix Etats considérés les plus faibles du monde. Malgré la tenue d'élections et la ratification de nouvelles Constitutions, l'Irak (en 4e position) et l'Afghanistan (7e) ont vu leur score reculer en 2006 par rapport à l'année précédente, selon un indice calculé sur la base de douze critères socio-économiques, politiques et militaires. Dans ces deux pays, « une violence persistante des insurgés a sapé les modestes progrès enregistrés dans la fourniture des services publics et l'établissement d'institutions politiques », souligne Foreign Policy. Or, les interventions occidentales en Afghanistan et en Irak ont mis en place des régimes supposés plus stables et moins susceptibles de favoriser l'émergence de mouvements terroristes du type Al Qaïda. La secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, qualifie régulièrement l'Afghanistan de « success story » (réussite). Interrogé à ce sujet, le porte-parole du département d'Etat, Sean McCormack, a reconnu que ces deux pays étaient « confrontés à des défis très difficiles », mais il a assuré que leur avenir était plus prometteur qu'avant les interventions occidentales. « L'Afghanistan n'est plus un refuge pour Al Qaïda, qui ne peut plus y évoluer en toute impunité et lancer des attaques (...) contre divers pays dans le monde, a-t-il estimé. Il y a des problèmes dans ces deux pays, je ne vais pas les sous-évaluer, mais ils sont bien différents et bien meilleurs qu'ils ne l'étaient auparavant. » Le Pakistan arrive en 9e position, après l'un des déclins les plus brutaux jamais observés dans cet indice, souligne la revue, qui explique cette mauvaise performance par l'incapacité du régime à contrôler les zones tribales de la frontière afghane et le séisme qui a dévasté le Cachemire en octobre 2005. Le Népal fait son entrée dans le club peu envié des Etats les plus vulnérables du monde, arrivant en 20e position, en raison de la crise provoquée par la décision du roi de dissoudre le gouvernement en février 2005. Il reste que ce classement n'apporte aucune surprise en ce qui concerne l'Afrique en mal par ailleurs de bonne gouvernance selon la nouvelle terminologie. Trop d'enjeux, mais aussi trop d'interventions extérieures qui attisent les rivalités et empêchent la fin des conflits. Il est d'ailleurs révélateur que la principale préoccupation de l'Union africaine soit le règlement des conflits, sinon de les retreindre. Cela s'est vu pour ce qui est de l'ancien Zaïre, un conflit régionalisé avec des interventions de quelque manière que ce soit de plus d'une demi-douzaine d'Etats de la région. Ou encore du Tchad depuis peu, et où s'est déroulée hier une élection présidentielle fortement contestée, mais avec un thème de campagne du président sortant qui faisait fortement croire que son adversaire était le Soudan voisin, accusé de complicité. La liste est assurément longue, mais rarement exhaustive. Il n'est donc pas étonnant que cela bloque toute possibilité de développement, et par voie de conséquence des drames humains comme ceux de l'immigration qui méritent plus qu'une simple opération de police. Des drames qui ont des causes.