Aujourd'hui, nous faisons face à un double crime contre l'humanité. Celui du colonialisme et celui de notre mutisme. Feu Si El Bachir empruntant une citation de Freud, dans son livre (Moïse et le monothéisme), rappelait à ce sujet que «déposséder un peuple de l'homme qu'il célèbre comme le plus grand de ses fils est une tâche qui ne s'accomplit pas d'un cœur léger. Mais en aucune considération, on ne saurait nous induire à négliger la vérité au nom d'un quelconque intérêt national». Ce qu'ils pensaient de lui…à sa mort Ouyahia lui reconnaît «un parcours exceptionnelle» au service de l'Algérie depuis le mouvement national et la Lutte de libération nationale jusqu'à la période de l'indépendance. Il s'est distingué à travers «d'importantes responsabilités dont la dernière a été la présidence du Conseil de la nation dont il s'est admirablement acquitté», conclut-il. Ahmed Mahsas, compagnon de route, reconnaissant avait dit : «Le défunt a mené un parcours parfait dans le mouvement national pour la libération du pays de la horde coloniale.» Il poursuit : «J'ai fait sa connaissance après les évènements dramatiques de Mai 1945 à Sétif, cette wilaya qui a été complètement détruite. Nous étions jeunes à l'époque, mais nous avions déjà l'esprit d'analyse de la situation et avions prévu ce qui allait se passer.» «Il était un homme extrêmement courageux. Il a lutté contre le colonialisme et œuvré pour l'édification de la nation jusqu'au bout... Nous ne pouvons aujourd'hui que témoigner qu'il a accompli ses missions envers le pays avec bravoure et dévouement», reconnaît-il. De son côté, M. Abdelkader Bousselham, ancien ambassadeur, qui a connu le défunt alors qu'il était ministre de l'Economie nationale, a indiqué que «cet homme était un exemple de droiture», ajoutant qu'«il était une personnalité compétente et qualifiée qui a réussi à accomplir des taches colossales au sein du gouvernement avec peu de moyens». Il poursuit : «Boumaza est resté au service du pays, il a fait face courageusement à des obligations extrêmement lourdes dans la gestion des affaires du pays... C'est un exemple de droiture pour nos cadres et notre jeunesse.» Par respect au mort, Abdelkader Bensalah reconnaissait en lui «un grand défenseur de la mémoire nationale». Le président du Conseil de la nation, qui lui a rendu hommage dans un message de condoléances adressé à la famille du défunt, avait souligné que sa vie a été marquée par «des étapes saillantes dans la défense de la mémoire nationale». «Notre frère et moudjahid Bachir Boumaza a été rappelé auprès de son Créateur après avoir consacré sa vie à la lutte pour la cause nationale qu'il a menée depuis son jeune âge aux côtés des militants d'avant-garde du mouvement national. Il fut traqué et emprisonné avant de s'enfuir des geôles françaises pour rejoindre la lutte en quête de liberté et de dignité.» Je retiens les propos du président de la République, par lesquelles je conclus sur ces témoignages de sympathie, et je m'interroge, seront-ils encore effectifs. Il avait dit : «Les nobles missions du défunt ne l'ont guère empêché d'accomplir son devoir de militer au sein de la société civile à travers une association nationale qu'il a fondée et présidée pour défendre le droit du peuple algérien à l'indemnisation pour les crimes contre l'humanité commis à son encontre lors des massacres de mai 1945, jetant ainsi un jalon important dans l'édifice de sauvegarde de la mémoire collective de la nation contre l'oubli.» Le défunt «se distinguait aussi par ses positions franches dans la défense des causes justes de la nation arabe», ajoute le message. A l'unanimité, ils lui reconnaissent un parcours exceptionnel, une droiture exemplaire, une abnégation et l'accomplissement admirable et l'acquittement de sa mission tant sur le plan de la mémoire que pour d'édification du dernier monument du parachèvement de la démocratie. Même si celle-ci demeure encore virtuelle. Défenseur de la mémoire, «il avait jetait un jalon important dans l'édification de sauvegarde de la mémoire collectif», disait le président de la République. Notamment contre l'oubli et l'amnésie. Autant de qualités à traduire dans les faits pour accomplir l'œuvre inachevée de cet homme exemplaire. Ce legs qui pèse lourdement aujourd'hui face aux malversations de la mémoire et des politiques travesties, honorant-ils leurs propos en nous concédant le droit d'y parvenir ? Mes lamentations… Concédez-moi cette dégression. Le refoulement est souvent nécessaire à la paix des âmes. Il faut se confesser à Dieu. Grâce à Lui, on doit à Si El Bachir notre ascension. Du moins ceux qui tournoyaient autour de la fondation sans pour autant lui rendre justice. Il faut lui reconnaitre ses vertus d'homme généreux, qui n'a à aucun moment hésité à permettre à certains d'accéder au panthéon de la classe politique. A des positions honorables dans le but n'était autre que de se consacrer au devoir de mémoire. Non pour s'en défaire. Le message n'a pas été perçu. Ceux du moins indignes, qui, en retour, lui ont tourné le dos quant il en avait besoin. Ces transfuges, qui continuent à sévir là où on leur ouvre des brèches de tribunes à investir. Les partisans du slogan : «Mort le roi, vive le roi». Ils réserveront le même sort à tous leurs bienfaiteurs. Méfiez-vous, Monsieur le Président, ils sont nombreux qui s'agglutinent autour de votre entourage pour tirer profit de votre bienveillance. Ils vous soutiennent sans pour autant savoir pourquoi. Sont-ils capable d'être critiques envers votre gestion ? Ont-ils eu l'audace d'éplucher correctement votre programme pour apporter leurs correctifs, tant sur le plan de la méthode que sur le plan de la démarche ? Rien de tout cela. C'est le sort accordé à notre défunt. Il a été critique, juste et impartial. C'est un homme et tous les hommes sont faillibles. Il a toujours été là quand on avait besoin de lui. Il ne nous à jamais abandonné. Par devoir de mémoire, loyal, il a tenu même à marquer son éclipse temporaire. Notre modeste apport ne l'enrichira sûrement pas là ou il est, il n'en a pas besoin. Une pensée, une prière, une évocation intercéderont peut-être, auprès du Tout-Puissant, pour qu'il l'accueille parmi les siens dans Son vaste paradis. C'est notre prière permanente. (Suite et fin) Le président de la Fondation du 8 Mai 1945