Il y a dix ans, on avait dans cet espace écrit la même chose. Nous avons vieilli niais, sots, crédules, idiots, begri, bêtes, baggara, imbéciles, « deux béciles ». Voilà ce que nous sommes. Des gfouf qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez, du moins ce qui leur en reste de nif. Allah ghaleb, trop occupé à servir son tube digestif, le peuple n'arrive pas à saisir toute la dimension et la profondeur des actes de gestion de la ville Le peuple, alimenté par les tubes cathodiques qui déversent à longueur de journée et de JT des actes de démocratie étrangère, n'en a tiré que tachrak el-foum. Il faut lui pardonner au peuple. Il est en apprentissage. Non, le peuple n'a pas fréquenté les mêmes universités que vous autres. Lui n'a pu avoir que les diplômes de l'université algérienne. Diplômes très reconnus ailleurs, mais qui, fel bled, ne lui servent qu'à décorer le coin de l'appartement familial qui lui est affecté pour roupiller. Amala, ce n'est pas la peine tloumou le peuple pour ses envolées de tmanchir. Il jure, le peuple, de ne plus parler des artères de la ville où, entre deux trous, il y a un autre trou. Des artères qui fuient vers l'inconnu pour cacher leur dégueulasserie. Ce n'est pas de l'incompétence. Non. Il a compris pourquoi entre deux dos-d'âne, il y a un ralentisseur. Ce n'est pas un hasard. Non. Il lui a fallu du temps, mais il a compris pourquoi devant telle cité il y a une benne à ordures qui chlingue et pourquoi, dans tel quartier, des mezbalat à ciel ouvert trônent comme des bouquets de yasmine. Ces trous, ces dos-d'âne, ces ralentisseurs, ces bennes et ces ordures sont des repères. Ouah, des repères. Comment savoir que dans tel établissement scolaire n'est inscrit que oueld flène et flène, sans la présence d'une foultitude de ralentisseurs ? Comment reconnaître une cité qui abrite les enseignants et petits fonctionnaires sans les émanations des bennes à ordures ? Comment faire la différence entre cette cité et une autre qui abrite la popudégueulasse sans les senteurs plus présentes de la mezbala à ciel ouvert ? C'est que les responsables portent des lunettes aux verres très sombres et circulent dans des bagnoles à verres fumés. C'est à travers tous ces filtres qu'ils essayent de ne pas nous voir, pour mieux gérer la ville. Ils ne sont pas aveugles. Ils sont malvoyants.