Ils commençaient à affluer dès la matinée vers la coupole du complexe olympique du 5 Juillet. Ils voulaient être sûrs de ne pas rater l'événement, l'annonce par Bouteflika de sa candidature à l'élection présidentielle du 9 avril prochain. Le dispositif sécuritaire déployé aux alentours et à l'intérieur de la coupole était de circonstance. Le décor de l'événement était planté depuis au moins une semaine. Sur les arbres et placardés sur des espaces publicitaires, le portrait de Bouteflika avec le slogan «Pour une Algérie forte et sereine». L'intérieur de la coupole Mohamed Boudiaf était aussi tapissé de ce slogan avec un autre orné d'une colombe, affichant un site: WWW.Bouteflika 2009.com». Les invités, hommes et femmes, commençaient à arriver vers 10h du matin alors que les invitations qui leur ont été adressées avaient comme heure de rendez-vous 13h. Ils arrivaient en même temps que les journalistes accrédités qui étaient venus récupérer leurs badges comme cela leur a été demandé. La salle commençait à se remplir jusqu'à ce qu'elle déborde. Ils sont venus de tous les coins du pays représentant toutes les organisations et associations existantes. Les élus APC et APW de toutes les communes et de toutes les wilayas du pays, étaient là. Toutes les corporations étaient représentées. Les artistes étaient aussi là. Ghaffour, Djamila la chanteuse kabyle qu'on n'avait pas revue depuis longtemps, Zahouania, El-Amari, et autres Menaï, acteurs, cinéastes... Il y avait surtout ceux du pouvoir, ceux en service, en poste ou encore ceux qui en ont été éloignés... De hauts responsables de l'Etat, d'institutions publiques, les partis politiques, ceux de l'Alliance présidentielle, les députés, les membres du Conseil de la Nation. Parmi eux Mohamed Lamari, l'ancien général de corps d'armée, chef d'Etat major, habillé en civil, costume bleu foncé, chemise blanche à rayures bleues et cravate bleue marine rayée de blanc. Lamari qui était assis entre le président de l'APN, Abdelaziz Ziari et Belaïd Abdesselem que le président a cité lorsqu'il a annoncé le montant de son prochain programme quinquennal. «Belaïd Abdesselem, avait-il dit, avait eu une rentrée de 20 milliards de dollars et il a remercié Dieu, aujourd'hui j'annonce 150 milliards et il nous faut encore plus parce que nous vivons avec une génération qui demande toujours plus. Dieu nous en donnera davantage,» a-t-il dit. Mohamed Betchine, lui était assis main dans la main avec Yacef Saâdi. Il y avait plusieurs ministres même ceux qui ne sont pas dans les partis politiques comme Karim Djoudi des Finances. Mohamed Raouraoua fraîchement élu au bureau exécutif de la fédération africaine de football faisait lui aussi partie des convives. Il y a avait, faut-il le signaler, tous les présidents des grands clubs nationaux de football. Sidi Saïd n'a pas manqué à l'appel tout autant que son staff venu dans ses diversifications RND-FLN. Le secrétaire général de l'UGTA sortira de la salle avec une forte grippe. El-Hachemi Sahnouni, membre fondateur de l'ex-Fis, était assis aux premiers rangs, «les plus lourds» disent certaines personnalités. Coiffé d'une koufia rouge et blanc, barbe totalement blanchie, il était aux côtés de Abderrahmane Chibane, président de l'association des Ouléma. Louisa Hanoune du PT manquait à l'appel «ce qui est normal, nous dit-on, parce qu'elle est candidate.» Les frères du président candidat sont venus en évidence, en force, accompagnés de leurs épouses et enfants. Saïd le plus en vue était à l'entrée du public par laquelle Bouteflika a accédé à la salle. Nacer, le secrétaire général du ministère de la formation professionnelle distribuait des casquettes aux enfants de la famille. Son fils portait un tee shirt bardé de «Bouteflika notre président» (en arabe) et tenait en main l'emblème national. Beaucoup de cadres des différents ministères étaient là notamment ceux qui se font appeler «conseillers». Toutes les tangentes de l'Administration publique et privée étaient représentées tout autant que l'ensemble des démembrements de l'Etat dans tous leurs revers. C'est dire que le doute n'est pas permis quant aux chances qu'a le candidat pour rempiler la présidentielle. La boîte en plastique, les invités de marque et les mauvaises langues... Il est 12h 30. La salle est presque pleine. «Chachra Laâbine El Baroud», chanté sous des rythmes de la danse Essaf, version Maghnia, est mise à fond la sono. Des youyous fusent, on tape dans les mains. L'ambiance est enclenchée dans une salle qui continuait de se remplir. Un personnel habillé comme les restaurateurs, distribue des boîtes en plastique avec dedans un sandwich à la viande froide, une pomme et une bouteille d'eau minérale, d'une certaine marque. Les mauvaises langues se demandent pourquoi cette marque et pas une autre. On s'amuse à imaginer le nombre de sandwichs distribués. Il en avait pour tout le monde. Du moins pour tous ceux qui étaient assis sur les gradins. Pour les autres, les invités du milieu, assis en bas, considérés de marque, on ne leur donnera pas la boîte en plastique. On apprendra que pour qu'ils puissent être présents en ce jour J, les artistes étaient logés à l'hôtel El-Aurassi les 11, 12 et 13 février. Sur les airs d'une chanson kabyle, des jeunes filles placées en bas, se mettent à danser. L'ambiance chauffe. Des hôtesses habillées en pantalon noir et liquette blanche sont là à regarder les nombreuses allées et venues. L'organisation se voulait «moderne, grandiose», comme ça était promis. On ne connaîtra pas les sponsors de cette cérémonie aux mille couleurs avec une dominance de bleu. «Design italien,» dit-on. «Une telle organisation ne peut pas se faire sans que les moyens de l'Etat ne soient derrière,» lance-t-on. De AbdelkaderEl-mali au «candidat indépendant» Il est 13h et «Chachra Laâbine El baroud» reprend de plus belle. «Les danseuses» s'assirent l'une après l'autre. Les premières images d'un documentaire racontant le candidat sont projetées sur les écrans géants placés pour la circonstance. 1958, Abdelkader El-mali fait son apparition en premier. 1960, Bouteflika troque sa kachabia contre un manteau assis aux côtés de moudjahidine. Arrêt momentané de la projection du documentaire. «Nous avons besoin à plus d'organisation,» lance une voix au micro. Les hôtesses n'ont pas pris le soin de laisser les sièges de devant vides pour les personnalités de marque comme Belkhadem qui est arrivé à 13h45. Reprise de la projection. 1962, Bouteflika en tant que ministre de la Jeunesse et des Sports. Juin 1963, il est ministre des Affaires étrangères. Sa voix s'élève: «j'ai eu l'honneur d'être aux côtés de Houari Boumédiène, Djamal Abdenasser, j'ai eu l'honneur de discuter avec De Gaulle, Csawsisco, j'ai été ami d'Olof Palm... Discours de Boumédiène annonçant la nationalisation des hydrocarbures et les 51% des parts algériennes dans le capital de sociétés françaises. Son oraison funèbre prononcée par Bouteflika où il dit entre autres «je faisais mes adieux à un ami, à un frère mais je faisais aussi mes adieux à la politique...» 14h 25, Bouteflika, le président-candidat fait son entrée dans la salle. Une entrée inédite. Il arriva par la porte d'entrée du public et non pas par derrière le rideau de la scène. Il est seul, le pas alerte, l'oeil rieur et saluant de la main les invités sur son passage. Il monte sur scène sous les airs de «Bladi hia El-Djazaïr,» chantée par Cheb Mami. Il traverse la scène de bout en bout. L'assistance applaudit et les youyous fusent de partout. Il était habillé en costume gris foncé et rayures bleues, cravate bleu-nuit et chemise blanche. Il prend un grand verre d'eau, met ses lunettes et commence son discours. «C'était en principe, mon ami et frère Saïd Abadou qui devait me présenter mais plein d'humilité qu'il est, il n'a pas osé le faire. Pour tout ce que l'organisation nationale des moudjahidine incarne comme symbole de la glorieuse Révolution de Novembre, cette révolution qui a été le creuset de notre union nationale sacrée, nul mieux que son secrétaire général ne pouvait être votre porte-parole unanime, représentants des partis politiques et des organisations nationales, membres de la société civile, dans ses diverses composantes et dans la continuité des générations,» commencera-t-il par dire avant de rentrer dans le vif du sujet. Comme si le président-candidat cherchait à être parrainé par les moudjahidine, lui, qui dans l'un de ses discours, avait demandé pourtant à ce qu'il soit mis fin à la légitimité historique comme faire-valoir... Il discourra pendant quarante minutes avec une voix forte et de la précision dans le verbe. Ses engagements, la poursuite de la réconciliation nationale, le développement économique et social et les réformes de divers secteurs. Entre un propos et un autre, des voix s'élèvent de la salle «goulha, goulha» ou alors «ouhda thalitha... » «Allah Ouakbar... ». Il annoncera en fait, les grandes lignes de son programme électoral. Il s'est engagé à mener à terme son programme quinquennal actuellement en phase d'exécution et promet d'en lancer un nouveau pour les cinq ans à venir pour un montant de 150 milliards de dollars. Cette dernière promesse, il l'a voulue comme une mise au point à ceux qui pensent que l'Algérie devra se serrer la ceinture en ces temps de crise. L'autre mise au point de taille: «j'ai décidé de me présenter aux élections présidentielles d'avril prochain comme candidat indépendant.» Bouteflika sortira de la salle par la même entrée, celle du public mais cette fois-ci accompagné de sa garde rapprochée. Fortes ovations, youyous, mêlés à «khalik lia ya bladi» suivi de «bladi hia El-Djazaïr», lâcher de ballons bleus et blancs qui éclataient l'un après l'autre au fur et à mesure qu'ils descendaient sur la foule. Des feux d'artifice virtuels ajoutaient à cet air de fête, un autre, celui d'une victoire assurée... «C'est exactement ce que nous voulions, sauf qu'à la fin, le gars de la lumière a mal géré son coup, il fallait qu'il baisse la lumière tout de suite au final, un peu... » a lâché un membre du staff de campagne de Bouteflika visiblement ému par la réussite de la cérémonie.