Bien sûr, personne ne peut lire dans une boule et nous dire de quoi sera fait notre avenir. Il est toujours difficile de prévoir... et de tomber juste. D'où la complexité des décisions de politique économique. Quand le candidat Bouteflika affirme qu'il créera 3 millions d'emplois, ne s'avance-t-il pas beaucoup ? Car à voir l'Amérique d'Obama, avec les énormes moyens dont elle dispose, notamment de la planche à billets de la monnaie internationale par excellence (source de la plus grande économie rentière au monde), à voir cette Amérique ne pas réussir à endiguer les 650 000 emplois perdus par mois - depuis septembre 2008 - l'on ne peut que s'interroger sur les voies et moyens qu'utilisera l'Algérie pour créer chaque année 600.000 emplois au cours du prochain quinquennat, et sur, plus particulièrement, la nature des forces économiques qui mèneront ce Grand Projet. L'erreur que nous faisons est de faire de l'extrapolation linéaire c'est-à-dire de projeter les réalisations du passé (2004-2009) sur les tendances à venir (2009-2014). Nous nous devons d'être prudents sans tomber néanmoins dans le défaitisme, car la conjoncture internationale en 2009 est franchement dépressive - celles de 2010 et 2011 seront pour le moins cycliquement récessives pour laisser la croissance redevenir durable en 2012 ou en 2013. Dans ce contexte mondial fortement fluctuant, indécis et incertain, notre économie fragilisée par les importations massives des dernières années risque de voir apparaître des décélérations ou des replis dans certaines branches économiques (non impactées par les demandes indirects des Grands Projets en cours). L'emploi, cette composante majeure de toute feuille de route de candidat à la Présidence - car il est la variable décisive de toute politique économique - n'est-il pas aussi l'affaire des Elites économiques (et de politique monétaire active et indépendante du pouvoir politique et de ses tenants du moment) ? Si le patronat algérien se livre (et sans vergogne) pieds et poings liés au futur candidat gagnant les élections présidentielles, l'on reste perplexe quant aux retombées positives pour la nation d'un tel soutien de nos Elites économiques. Comme l'affirme Amal Boubekeur : « Ce sont des forces émergentes avec lesquelles il faudra nécessairement composer. Le grand défi est de savoir comment travailler avec elles pour promouvoir des pratiques de gestions saines » (1). Cependant, il nous paraît important de distinguer les composantes entrepreneuriales dans ces Elites de celles ayant grandi à l'ombre des commandes de l'Etat, de ses marchés publics ou des crédits �'amiables' liés aux opérations de commerce extérieur (et accordés par nos banques publiques). Cette dernière force économique (la « bourgeoisie d'affaires ») a déjà des relais politiques non négligeables, des relais aux commandes dans certains partis politiques ou dans des banques ou dans des Directions de ministères économiques (ou autres démembrements et organismes/organes étatiques pourvoyeurs de marchés, commandes, crédits, aides...). Le véritable enjeu des élections ne serait-il pas alors précisément l'émergence d'une bourgeoisie entrepreneuriale qui n'a pas d'accointances politiques, une bourgeoisie qui s'occuperait de l'emploi et non de la politique, qui porte des projets industriels et ne fait point des courbettes aux hommes politiques (toutes tendances confondues) ? De ce point de vue, le débat sur la «stratégie industrielle» et le « cahier des charges» (tel qu'en avait parlé M. Ouyahia sur nos chaînes de radio) n'est pas aussi neutre qu'on pourrait le penser au premier abord. ------------------------------------------------------------------------ (*) Economiste (1)Voir son interview dans El Watan (22-03-2009), p2