Chère, très chère eau ! Comment t'as fait pour changer subitement de nom sans que tu changes d'aspect ou de couleur ? S'interroge Otchimine en portant de lourds jerricanes sur ses frêles épaules. Les épaules qui ont porté la pierre de Murdjadjo pour construire El-Bahia et son port. «Y'a, dans nos têtes, quelque chose qui ne tourne pas rond», ronronne le vieux guerrier, qui rêve des cascades et de l'Ourit. Otchimine perd la boule quand il voit un nouveau commerce qui a pris naissance dans nos villes. Vente d'eau douce. Jadis, on l'appelait tout simplement «El-Ma» et elle était toute délicieuse et «potable» à boire. Par quel miracle, lui a-t-on attribué un adjectif alors qu'elle se fait de plus en plus rare ? Et comment, surtout, en est-on parvenu à l'appeler «El-Ma H'lou». De par ce qualificatif, l'eau est devenue synonyme de canne à sucre. Et pourtant, aujourd'hui, cette eau, on la boit amère. Quant «El-Ma» est sans goût, c'est la facture qui est salée. On dirait que les gestionnaires de notre eau se basant sur un principe : «moins on consomme cette denrée vitale, plus ça chiffre dans les factures». Ce principe constitue un tour de passe-passe qui rend tout objet transparent mais pas l'eau, ni la facture, d'ailleurs. Toute cette pénurie d'eau, c'est la faute aux précipitations. Mais quand elles tombent, ces pluies font des catastrophes monstres. Et puis à quoi bon ? Les barrages sont envasés à plus de la moitié. «La pluie t'koub moubacharatene fel b'har» puisqu'elle n'est pas retenue dans les retenues collinaires... Conclusion, trop d'eau coulina, sans eau coulina quand même ! Alors coule et reste cool. Koulchi avance à reculons !