Bab Sidi Boumediène porte le nom du saint Soufi Sidi Boumediène El-Ghaout, saint patron de Tlemcen. Cette porte importante comme vestige historique a complètement disparu, les responsables de l'APC en 1967 ayant décidé de raser la porte reconstruite par le génie militaire français lors de l'invasion de la capitale des Zianides par les troupes du général Bugeaud entrées par Bab El-Akba, au-dessus du tombeau et du mausolée de Sidi Daoudi Ben Nacer. Cette porte de Bab El-Akba, qui, d'après le chercheur Baghli Mohamed, de son vrai nom Bab Sidi Okba, a complètement disparu malgré la présence de vieux remparts un peu plus loin dans le vieux quartier d'Agadir (premier emplacement de la future Tilimsan). Si j'insiste sur l'emplacement de ces portes historiques, c'est dans le but de préserver la mémoire du tracé géographique de la vieille médina, dont il ne reste que deux portes debout, Bab Khemis à l'ouest, qui marque «la frontière» officielle entre la capitale des Zianides et sa rivale Mansourah, et Bab El-Karmadine au nord, heureusement restaurée et réhabilitée. Revenons à Bab Sidi Boumediène. Les colonisateurs ont tout fait pour déprécier cette porte et son environnement immédiat : place des charretiers, friperie, lieu de débauche, etc. De nos jours, un jet d'eau et une double voie permettent une circulation plus aisée pour les voitures et les bus avec leurs arrêts pour plusieurs directions, Abou Tachfine, Chetouane... C'est une place commerçante avec les étalages de fruits durant toute l'année et même une poissonnerie spécialisée en merlans, espadons et crevettes, que nous ne faisons que regarder vu les prix inabordables. Donc, pour ce qui concerne Sidi Boumediène Choaïb Ibn Hussein El-Andaloussi, qui est né en 1126 à Cantillana, petit village des environs de Séville, très jeune, il se rend à Fez au Maroc pour y apprendre la théologie. Devenu maître, il enseigne à Baghdad, Séville, Cordoue. Il se rend en pèlerinage à La Mecque. De retour au Maghreb, il s'arrêta à Béjaïa, capitale des Bani-Hammad, où il enseigne le Coran. Contesté par les théologiens de cette ville et perçu comme un illuminé, il y est persécuté. Il part alors pour Tlemcen, appelé par le calife Yacoub El-Mansour qui avait entendu parler de sa sainteté et de ses dons d'ascète. Epuisé par un long voyage, Sidi Boumediène n'eut pas la force d'arriver sous les murs de Tlemcen. Il put seulement voir de loin le Ribat (monastère) d'El-Eubbad et murmurer avant de mourir : «Dieu est la vérité» (Alla Houa Elhaq). Les Tlemcéniens lui firent des obsèques imposantes et l'ensevelirent à l'endroit même dont il avait dit : «Quel lieu propice pour le sommeil !» Depuis 800 ans, son tombeau est vénéré par les musulmans de toute l'Afrique du Nord. A l'occasion des fêtes religieuses de Aïd El-Fitr et Aïd El-Kébir, une procession de pèlerins venus de toutes les zaouïas du Maghreb se rassemblaient à Bab Sidi Boumediène pour partir vers le tombeau de Sidi Boumediène et s'arrêter pour se désaltérer à Aïn Ouazouta (disparue sous le béton !) et Aïn Sidi Boushak, qui coule encore pour le bonheur des visiteurs d'El-Eubbad, de sa belle mosquée et de sa médersa. De Bab Sidi Boumediène, en longeant les remparts aménagés par les Français avec leurs meurtrières 200 mètres plus bas, on trouve le quartier de Bab Zir, du moins ce qu'il en reste après l'attentat meurtrier à la bombe de 1994. Quelle désolation pour un quartier qui avait ses hammams, ses fours banals, ses commerces, ses artisans... Heureusement que la petite mosquée de Bab Zir a été épargnée par miracle. J'ai remarqué que la première cigogne de ce printemps 2009 a installé son nid en haut du petit minaret. Pour en savoir plus, nous nous sommes rapprochés de M. Dib Omar, notre encyclopédie de l'histoire de Tlemcen, qui nous a donné des précisions sur Bab Zir et sa mosquée. Ecoutons-le. «Nous ne disposons d'aucun document nous permettant de situer avec exactitude l'époque de la fondation de la petite mosquée de Bab Zir. Il semble toutefois que malgré son apparence modeste, elle possède un chapiteau ancien qui évoque ceux des vieux oratoires de Cordoue en Andalousie. En outre, à en croire les habitants de ce quartier séculaire, ce lieu de culte, comme du reste le Derb (impasse) qui porte le même nom, pourrait être parmi les plus anciens de la Médina. Nous savons que Bab Zir a gardé cette dénomination en référence à un personnage haut en couleur qui a joué un rôle des plus importants dans tout le Maghreb à la fin du Xe siècle après J.C. En effet, Ziri Ben Atia prit le commandement des nomades Maghraoua en 988. Il résidait à Fez et dès qu'il assura son pouvoir sur l'ensemble du Maghreb et de l'Andalousie, il nomma son fils El-Moëzz Ibn-Ziri gouverneur de Tlemcen en 991-992. A la mort de Ziri Ben Atia en 1002, son fils confia le gouvernement du Maghreb central et de sa capitale Tlemcen à son parent Yalaa Ibn Mohamed. De la sorte, les Béni Yalaa régnèrent sur Tlemcen jusqu'en 1080, date de l'arrivée de Youcef Ibn Tachfine, le fondateur de la dynastie des Almoravides. Depuis plus de mille ans, la mosquée de Bab Zir a toujours été un lieu de savoir et de culture. Le grand cheikh Sidi Lahcène Aberkane (1353-1453) y a souvent donné des cours magistraux et des conférences à des hommes qui ont marqué l'histoire du mouvement culturel et scientifique algérien, tels que Sid Ali Et-Talouty et son célèbre frère Cheikh Essanoussi. Nous savons également que Hadj Mohamed Ibn M'saïb et Boumediène Bensahla ont fait leurs études premières dans cette mosquée. La partie basse du quartier de Bab Zir a été sauvée par ses habitants qui ont gardé hammam Bahlouli et plusieurs autres habitations séculaires ayant appartenu aux familles El-Oujdi, Mazouz, Baghdadli, Tabet, Dahaoui (l'ancien chanteur des années 1950), Bouayed Abdelkrim (que Dieu ait son âme), premier chef de Fida, arrêté en 1956, et surtout le chanteur-musicien Ahmed Mellouk, le muezzin de cette petite mosquée. Que Dieu le guérisse (Mellouk a chanté Tlemcen yal Djawhara, avec les paroles de feu Hocine Bekhchi). Un appel est lancé par les habitants de Bab Zir et de toute la vieille médina pour réhabiliter ce quartier qui renferme des vestiges importants pour la connaissance de l'histoire médiévale de la vieille médina. Ses maisons avec patio et architecture arabo-mauresque, ses derbs, ses hammams (hammam Benouis, hammam Aïdouni), ses mosquées, ses zaouïas, ses anciens magasins de cheikh Bouras, le champion de la ghaïta, Hadj Baghli et Sebbane, épiciers, et même son ancienne équipe de football des années 1980 avec Mazouz, Tahar et d'autres joueurs chevronnés. Pour rappel, un concours fut lancé par l'APC de Tlemcen pour choisir le meilleur plan de réurbanisation du vieux quartier de Bab Zir détruit en 1994. Où est passé le projet ? Les habitants de ce quartier attendent un geste des autorités locales pour sauver ce quartier mémoire qui a 1.000 ans d'histoire.