Quatre années après sa signature, l'accord d'association, dit de seconde génération, entre Alger et Bruxelles, fait débat. Beaucoup plus à Alger où l'on pointe du doigt les obstacles (techniques) européens mis en branle contre les produits algériens, qu'à Bruxelles qui a plus que doublé ses exportations vers le marché algérien. C'est dans ce climat de suspicion et de «regrets» que va se tenir aujourd'hui au grand-duché du Luxembourg le quatrième conseil d'association Algérie-Union européenne, en présence du ministre des Affaires étrangères, M. Mourad Medelci. Les discussions entre les deux parties vont porter globalement sur l'évaluation de la mise en oeuvre de l'accord, et du nombre d'actions bilatérales à «court et moyen» termes, identifiées par le comité d'association réuni le 16 septembre dernier. Les négociateurs algériens et européens vont ainsi discuter des dossiers liés au soutien aux réformes économiques, les questions commerciales, l'énergie, la circulation des personnes et le terrorisme. Mais, ce sera sur le dossier commercial que les négociateurs algériens veulent peser de tout leur poids, car il s'agit surtout de montrer à leurs homologues de Bruxelles que jusqu'à présent, ce sont les opérateurs économiques européens qui profitent le plus d'un accord qui aurait été signé après presque dix ans de discussions. Selon le négociateur en chef de la partie algérienne, M. Mohamed Zaaf (directeur général du Commerce extérieur au ministère du Commerce), les Européens font de grasses affaires sur le dos des opérateurs algériens. «Pour 1 dollar exporté vers l'UE, l'Algérie importe pour 20 dollars», avait indiqué M. Zaaf dans des déclarations à la presse. Selon le même responsable, les exportations algériennes hors hydrocarbures vers les pays de l'UE restent «marginales» en s'établissant à un milliard de dollars en 2008, contre des importations de 20,8 milliards de dollars auprès de la même région. Depuis 2005, première année de mise en oeuvre de l'accord d'association, les importations algériennes auprès de l'UE ont augmenté de près de 80%, passant de 11,2 milliards de dollars à 20,8 milliards de dollars en 2008. Le déséquilibre est flagrant, ce qui a poussé les opérateurs algériens, notamment ceux regroupés au sein du FCE (Forum des chefs d'entreprises) à protester auprès d'un ministère du Commerce, lui-même agacé par cet échange inégal. Le fait est que le marché européen, en dépit de clauses claires, reste fermé aux produits algériens, contrairement aux produits européens qui bénéficient d'un accès privilégié au marché algérien. C'est en quelque sorte à ce niveau que l'agacement de l'Algérie se situe et que les responsables algériens veulent corriger. Côté européen, c'est le discours inverse. Un diplomate européen avait, au mois de mai, souligné dans une déclaration au Quotidien d'Oran que «avant l'entrée en vigueur de l'accord d'association, la balance commerciale hors hydrocarbures était déjà largement excédentaire en faveur de l'Union européenne. Après son entrée en vigueur, en un an, les exportations ont doublé, cela veut dire que l'accord est un succès ! Vous étiez donc perdants avant l'accord, alors qu'aujourd'hui, vous pouvez accéder au marché européen sans droits de douanes.» Sauf que les Algériens ont des difficultés à placer leurs produits sur les marchés européens. «Nous avons des normes européennes destinées à faciliter l'entrée des marchandises dans nos marchés. Pour exporter leurs produits, il faut que les entreprises (algériennes) se mettent aux normes européennes», précise le même diplomate, ajoutant qu'»il est impossible de dire que les mesures européennes sont appliquées uniquement pour les Algériens. Tous les pays qui exportent vers l'Europe doivent s'y plier». Lors du 4e conseil, l'Algérie compte, à cet égard, «relancer une coopération bilatérale dans le cadre du respect des relations équilibrées dans les échanges commerciaux entre les deux parties», selon une source diplomatique algérienne à Bruxelles. Globalement, les exportations hors hydrocarbures vers l'UE ont enregistré seulement une hausse de 200 millions de dollars, comparativement aux 4,335 milliards de dollars d'exportations de l'UE vers l'Algérie. Par ailleurs, les discussions entre Alger et Bruxelles porteront sur d'autres volets pris en compte dans l'accord d'association, l'énergie et les services en tête. Mais Alger a déjà signifié aux Européens qu'elle n'entend ouvrir le dossier des services qu'après son accession à l'OMC, l'UE ayant été invitée à «aider l'Algérie» dans son parcours vers l'accession à l'Organisation mondiale du commerce. D'autre part, le faible volume des investissements européens en Algérie sera également abordé au cours de ce round, Alger devant demander aux Européens «d'être plus présents» sur le marché algérien, selon les termes de l'accord, même si la crise économique mondiale a freiné les investissements en Europe communautaire. Les flux migratoires et la question de la réadmission seront également posés sur la table des négociations par l'UE qui devrait demander à l'Algérie la conclusion d'un accord global basé sur sa politique de l'Approche globale sur les migrations. L'Algérie, le Maroc et la Tunisie refusent de signer un tel accord, refusant d'être les gendarmes de l'Europe. L'Algérie préfère appliquer les accords bilatéraux qu'elle a conclus avec les pays européens les plus concernés, selon des sources diplomatiques algériennes à Bruxelles. Quant aux discussions politiques, elles devront porter sur le conflit du Sahara occidental, la sécurité dans la région du Sahel, le processus de paix au Proche-Orient, et la lutte contre le terrorisme.