Se présenter aux élections ne se limite pas aux chefs de parti    Ouargla: Meziane préside l'ouverture de la rencontre régionale des journalistes et professionnels des médias    Inspection de la disponibilité des produits alimentaires et du respect des règles d'hygiène et des prix    Vers un développement intégré dans le Sud du pays    Ghaza: 212 journalistes tombent en martyrs depuis le 7 octobre 2023    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'élève à 51.495 martyrs et 117.524 blessés    Quand les abus menacent la paix mondiale    La famine se propage    Higer célèbre 20 ans de présence en Algérie et inaugure une nouvelle ère avec la nouvelle série V    Des rencontres, du suspense et du spectacle    Veiller au bon déroulement des matchs dans un esprit de fair-play    Gymnastique artistique/Mondial: trois Algériens qualifiés en finale    Hadj: début samedi des réservations en ligne des chambres d'hôtels à La Mecque    La côte d'alerte !    Un art ancestral transmis à travers les générations    Mondial féminin U17/Algérie-Nigéria (0-0): un parcours honorable pour les Vertes    Signature d'un mémorandum d'entente entre la cour constitutionnelle algérienne et son homologue turque à Istanbul    CAF: Walid Sadi à Accra pour assister aux travaux du Comité exécutif    63e anniversaire de la création de la Cour constitutionnelle turque: Belhadj salue les bonnes relations entre la Cour constitutionnelle algérienne et son homologue turque    Ghaza: le bilan de l'agression génocidaire sioniste s'alourdit à 51.439 martyrs et 117.416 blessés    Signature d'un mémorandum d'entente entre l'ENSUP-énergies renouvelables et la société chinoise LONGI en matière de recherche et de développement    Projection à Alger du film documentaire "La Saoura, un trésor naturel et culturel"    Averses orageuses, vendredi et samedi, sur plusieurs wilayas du pays    Boudjemaa préside la cérémonie d'installation de la commission chargée de la révision du Code de procédure civile et administrative    Abdelhamid Bourayou, un parcours au service du patrimoine amazigh    Rebiga préside la réunion de la Commission nationale de préparation des cérémonies commémoratives des journées et des fêtes nationales    Exposition à Alger en hommage au militant anticolonialiste yougoslave et ami de l'Algérie, Zdravko Pecar    Le président de la République achève sa visite à Béchar : des projets stratégiques reflétant la volonté de l'Etat de réaliser un développement intégré dans le Sud    Ooredoo brille lors de la 2e journée de l'ICT Africa Summit 2025    Guerre ouverte contre la violence !    Naissance d'un club sportif du nom du chahid Pr Djilali-Liabes    Des armes de guerre du Sahel et des drogues du Maroc saisies par l'ANP    Condoléances du président de la République à la famille de la défunte    Les tombeaux royaux de Numidie proposés au classement ''dès l'année prochaine''    Un programme sportif suspendu    «Construire un front médiatique uni pour défendre l'Algérie»    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Repentance et discours sur l'histoire
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 05 - 07 - 2009

Il y a ceux qui écrivent l'histoire. Il y a ceux qui font des discours sur la manière et la nécessité d'écrire l'histoire. Et il y a ceux qui en font une arme absolue.
C'est un petit cimetière, près de nulle part. Et nulle part, ici, c'est Sidi Rabah, près de Oued El-Malah, au sud-est de Médéa. De petites tombes sont alignées là, certaines portant des noms, d'autres anonymes. D'habitude, ces lieux sont synonymes d'actes de bravoure, avec des gens qui parlent de sacrifices et racontent l'épopée des ces chouhada tombés les armes à la main. Dans ce cimetière, pourtant, l'histoire est encore plus tragique, parce que plus simple. Il s'agit de personnes non armées, cent onze au total, assassinées par l'armée coloniale en mai 1958.
Leur histoire est terrible de banalité. Des hommes, originaires de plusieurs dechras, se rencontrent, parlent de la guerre, du devoir, et finissent par exprimer leur envie de rejoindre l'ALN. Ils n'ont aucune expérience de la guerre, ni de l'organisation. Leur disponibilité et leur enthousiasme sont leurs seules armes. La rumeur court alors qu'il faut aller à Tunis chercher des armes. Ils décident d'y aller.
Par petits groupes, ils se retrouvent près de la dechra des Mechata, près de Oued El-Malah, où ils attendent un commissaire politique, qui pourrait leur délivrer un laissez-passer pour Tunis, et peut-être même leur fournir un guide.
L'armée coloniale finit par apprendre que des hommes sont rassemblés dans cette zone. Elle organise une expédition. Personne ne sait exactement comment elle s'est déroulée. Mais à la fin de l'opération, les habitants de la région trouvent des corps un peu partout, une dizaine à tel endroit, une quinzaine un peu plus loin. Ils les enterrent dans des fosses communes, parfois à la sauvette.
En 1966, est menée une action d'envergure pour tenter de regrouper les sépultures des chouhada. Les habitants de la région retrouvent les fosses communes, d'où les corps sont extraits, pour être transportés au cimetière. On dénombre 111 cadavres. Parmi lesquels celui de Messaoud, un fellah sans instruction, initiateur de l'idée de départ vers la Tunisie pour chercher des armes.
Qui est l'officier français en poste à ce moment-là dans la région ? Qui était son supérieur à Médéa ? Et le chef de région militaire ? Qui a décidé la tuerie, qui en a donné l'ordre, qui l'a exécutée, qui y a participé ? Qui était l'officier des services spéciaux, le petit Aussaresses local, qui a dû avoir un rôle central dans l'organisation et l'exécution du crime ? Parmi tous ces soldats et officiers français, y en a-t-il qui sont encore en vie et qui seraient en mesure de témoigner pour apporter un éclairage sur ce qui s'est passé ? Y en a-t-il dans le lot qui s'y seraient opposés, ou qui auraient, aujourd'hui, envie de témoigner pour se libérer du poids de ce crime ? Le général Simon, qui aurait présenté sa démission à cette époque, a-t-il été influencé par cette affaire ?
Toutes ces questions sont restées sans réponse. Pourtant, selon des juristes, il y a là matière à poursuite, car un crime de guerre a été commis. Les accords d'Evian, qui ont mis fin à la guerre de libération, comportaient les clauses classiques d'amnistie concernant les faits liés à la guerre. Mais la législation internationale a rendu imprescriptibles certains actes commis en temps de guerre, comme les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité.
Dans toutes les régions du pays, de faits similaires ont eu lieu. Des crimes planifiés, organisés et exécutés par des professionnels de la guerre ou par des milices civiles. Mais l'Algérie a si mal géré ce dossier qu'aucun officiel n'a été poursuivi pour des crimes avérés. La partie algérienne se limite à des litanies inlassablement répétées lors des commémorations, mais sans aucune incidence pratique sur le terrain.
N'importe quel responsable local, n'importe quel notable du régime, n'importe quel bureaucrate au sein d'une organisation de rentiers, se croit obligé de répéter, à toutes les occasions, les souffrances du peuple algérien et la responsabilité du système colonial. Comme s'il y avait encore nécessité de convaincre qu'il y a eu crime. Cette semaine encore, le secrétaire général de l'Organisation nationale des moudjahidine, M. Saïd Abadou, a déclaré qu'il «nous appartient à nous, Algériens, de démontrer à ceux qui ne veulent pas les reconnaître, les crimes de guerre commis par la France en Algérie durant la Guerre de libération». Mais aucune démarche concrète d'enquête, de documentation et de poursuite n'a été menée.
Depuis quelques années, les discours de dénonciation des crimes de l'armée coloniale sont conclus par une revendication, exigeant la repentance de la part de la France. Le mimétisme aidant, ce nouveau discours sur la repentance est devenu un véritable rituel. C'est le must du nationalisme. Particulièrement depuis la loi du 23 février, qui a fait un choix absurde, allant à contre-courant de l'histoire. En fait, cette question de la repentance est elle aussi si mal gérée, côté algérien, qu'elle est en train de glisser vers la langue de bois et le rituel ennuyeux. Rares sont les positions lucides sur ce thème.
Le concept même de repentance pose problème, car il renvoie à des bases religieuses liées à la culture occidentale, alors que ce dossier doit être traité d'abord sur le plan politique et moral. Le cinéaste Mohamed Lakhdar Hamina va encore plus loin. «La repentance ne se demande pas, parce qu'elle diminue celui qui la demande», a-t-il déclaré. «La repentance ne s'offre pas non plus. C'est un acte spirituel et moral».
La repentance est en effet l'expression d'une conviction intime de la part de celui qui a commis un acte répréhensible. En son âme et conscience, il est convaincu de la gravité de son acte. Il peut donc exprimer ses regrets, se repentir.
Dans le cas de la France, on en est loin. Car quoi qu'on dise, c'est la représentation nationale française, le Parlement, qui a adopté la loi du 23 février, laquelle glorifie «l'oeuvre civilisatrice» de la colonisation. Cela signifie tout simplement que la France ne peut ni regretter ni se repentir d'un acte qu'elle estime positif et civilisateur !
La France ne semble pas encore mûre pour franchir le pas. Il reste juste à savoir comment traiter un dossier aussi sensible. Avec peut-être un modèle, probablement le plus efficace au monde: le modèle israélien. Des milliers de personnes, dans des milliers de fondations et associations, travaillent avec méthode, depuis des décennies, pour documenter cette page de l'histoire. Ils en ont fait une des pages les plus connues de l'histoire de l'humanité, mais aussi un instrument de chantage inégalable.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.