Un Algérien aveugle, qui vivait illégalement depuis près de quatre ans dans une église au Canada, a obtenu un permis de séjour. Abdelkader Belaouni était confiné dans l'église Saint-Gabriel, à Montréal, depuis 2003. Entre-temps, il est devenu, bien malgré lui, le porte-parole des sans-papiers. Un ordre d'expulsion a été émis contre lui en janvier 2006, mais il a continué son «combat» pour obtenir sa résidence permanente. Et il l'a eue. «On m'a refusé le statut d'immigrant au Canada parce que je ne travaillais pas et que je n'avais pas de conjointe canadienne. J'ai pourtant essayé de travailler! On a refusé de m'engager, car je n'avais pas de papiers en règle pour travailler. J'ai donc voulu aller chercher les papiers à l'immigration, mais on ne me les a pas donnés parce que je ne travaillais pas. C'est un cercle vicieux dans lequel je suis coincé», expliquait-il dans la presse canadienne. «Je suis diabétique et je dois voir un médecin souvent. Par chance, plusieurs médecins et infirmières viennent me rencontrer et m'examiner gratuitement. Je reçois également des médicaments. Je ne sais pas qui les donne, je n'ai jamais demandé. J'ai également très mal aux dents et je devrais me faire opérer, mais je ne peux pas sortir de l'église, et il est évident qu'on ne peut pas m'opérer ici. Je souffre donc, tous les jours.» Et Belaouni d'ajouter: «Malgré ma situation, je ne regrette pas d'être venu au Canada. Je continue de penser que cela valait la peine. Je crois simplement que mon cas est un trou noir dans le système de l'immigration, je n'en veux pas au reste du Canada.» Abdelkader Belaouni s'est vu octroyer sa résidence permanente pour des raisons humanitaires. Il peut donc désormais quitter l'église sans craindre d'être arrêté. Il y vivait depuis janvier 2006, dans une petite pièce située à l'étage du bâtiment centenaire. Dans sa chambre de fortune, il n'avait qu'un petit lit, ainsi qu'un ordinateur adapté pour les aveugles. Après sa régularisation, M. Belaouni compte travailler dans un centre pour immigrants, lancer son deuxième album et publier deux livres. Il souffrait de diabète quand il avait immigré à New York en 1996. Après les événements du 11 septembre 2001, il a décidé d'aller s'installer au Canada, en 2003. Il craignait, disait-il, d'être déporté des Etats-Unis en raison de la vague de racisme contre les musulmans. Il affirme d'ailleurs avoir été enregistré sur une liste spéciale puisqu'il était un ressortissant d'un pays musulman. On lui aurait aussi confisqué son passeport. Il a travaillé de manière bénévole avant que sa demande pour obtenir le statut de réfugié au Canada soit refusée. Le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration avait expliqué son refus en soutenant qu'il n'occupait pas d'emploi et qu'aucun membre de sa famille n'habitait le pays. Son avocat, Jared Will, a partiellement attribué sa victoire au soutien du public. Au fil des années, environ 250 organisations québécoises et des députés de chacun des grands partis politiques ont soutenu cet aveugle algérien. Toutefois, le gouvernement fédéral a tenu, lundi, à décourager les autres demandeurs d'asile de prendre exemple sur Abdelkader Belaouni de se cacher dans un endroit de culte. Une porte-parole du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, Jacqueline Roby, a également précisé que chacun des cas était analysé individuellement et que les autorités avaient pesé tous les facteurs avant de prendre une décision juste et conforme à la loi. Une récente étude évalue à près d'un demi-million de travailleurs sans papiers au Canada, principalement dans les grandes villes. A Montréal, des milliers d'immigrants vivent clandestinement. Ils n'ont pas droit aux soins de santé, à l'aide juridique ou même au salaire minimum.