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Djamila ou comment nourrir un symbole avec du symbolique
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 14 - 12 - 2009

Qu'est-ce qu'un hé-ros ?C'est quelqu'un qui est mort. Avant l'indépendan ce, de préférence. Qu'est-ce qu'un martyr algérien ? C'est quelqu'un qui n'a rien mangé après 62 et que la terre a mangé avant cette date. Qu'est-ce qu'un ancien moudjahid ? C'est quelqu'un qui a pris les armes, puis la montagne, puis la plaine, puis les villas, les cafés maures, les bains, les taxis puis tout ce qu'il a pu prendre sans jamais s'arrêter, ni lui, ni ses enfants. C'est bien sûr un cliché qui ne vaut pas pour tous mais que tous répètent à l'envi. D'où le cas de certains cas comme Messali ou Djamila Bouhired. Le premier est mort, la seconde respire de plus en plus lentement sous le ciment de la célébration passive. Messali a réclamé l'indépendance à l'époque où l'armée des frontières était une bande de gamins qui ramassait des olives. Il est le père de l'Algérie, mais elle n'est pas sa fille. Il a passé plus de temps dans les prisons que n'importe qui et pourtant ce n'est pas, officiellement, un martyr, un ancien moudjahid ou un héros. Tout juste le nom d'un aéroport et le prénom de quelques familles tlemceniennes.
D'où cette profonde indignation ressentie hier matin en relisant comme beaucoup les deux lettres courtes de Djamila Bouhired adressées au peuple et à Bouteflika. Certains croient que cette femme est morte. D'autres insistent pour ça. D'autres ne savent même pas qui elle est. D'autres font tout pour ça. D'autres s'en rappellent quand ils voient sa photo de belle femme jeune mais pas quand ils la croisent. Djamila est donc revenue à l'actualité par deux insultes: la première faite par nos «frères» les Egyptiens dont certains ont demandé que son film (oeuvre de Youssef Chahine) soit honni et que l'actrice qui l'a incarnée s'en excuse. Puis par les siens. Pas vous, pas moi, mais tous. Avec deux lettres courtes, l'une adressée au peuple, l'autre à Bouteflika, on apprend effaré que derrière le cliché de la bombance des vétérans de la libération, il y a un drame dont le drame est qu'ils sont une insulte pour tous. On apprend que cette femme mange mal, que son épicier lui fait «crédit», qu'elle n'a pas de quoi se soigner, qu'elle a refusé l'argent des émirs des pays du Golfe et qu'elle est encore digne et debout là où d'autres sont obèses et couchés. De quoi vous donner peur, terriblement: ce pays est-il si ingrat qu'il peut affamer sa «mère» et couvrir de bijoux ses maîtresses et acheter des voitures à des lycéennes matures ? Qui a poussé l'insulte à ce sommet de l'outrage ? Que vaut une nation où un «symbole» a une ardoise dans une superette et où un ex-cadre peut posséder la même superette au bout de quatre faux appels d'offres pour la réfection d'un trottoir ? C'est qu'il ne s'agit pas seulement d'une petite affaire de pension, ou d'une dispute de palier entre deux «historiques», l'un au Pouvoir, l'autre chez lui, ou d'un appel d'aide à lire en bas de page des journaux, mais d'un digne et indigne message national adressé à tous les vivants: 1° - l'un des moyens de finir pauvre dans ce pays, c'est de le libérer ou de travailler honnêtement, 2° - le meilleure moyen de s'enrichir, c'est de ruser et traficoter. Entre Ferhat Abbas et Saïdani, on a tous parlé d'inflation des symboles de l'Etat et de décrépitude politicienne, mais on a oublié l'essentiel: l'un a commencé pharmacien et a fini pauvre, l'autre on sait comment il a commencé et il n'en finit pas encore de ne pas être pauvre. Les deux lettres de Djamila Bouhired sont donc une affaire d'Etat et d'histoire collective. C'est une affaire d'indignité collective, d'auto-insulte, d'encanaillement généralisé. On ne nourrit pas un symbole avec du «symbolique». Dans l'affaire Bouhired, nous sommes tous coupables: ceux qui gouvernent comme des grossistes alimentaires et des commerçants khoreishites pompeusement «magnanimes», et ceux qui croient que ce pays est tombé du ciel. On ne s'imagine même pas le regard de cette femme sur «une Algérie qu'elle a voulue indépendante» et qui le lui rend sous forme d'une gamelle de semoule. La vraie question des futures générations est donc celle-ci: ce pays mérite-t-il qu'on se batte pour lui si, à la fin, il vous traite comme un mendiant ?
Le pire est que cette chronique n'a pas assouvi le chroniqueur: il y a plus que de l'insulte, de la terreur, de l'indignité, du scandale. Il y a quelque chose de plus sourd et de plus noir et de terrible: c'est la mort d'une confiance. Le décès d'un rapport entre soi et l'innocence. Aussi rusé que l'on puisse être, on croit toujours naïvement qu'un héros restera un héros, mort ou vivant et que lorsqu'on se bat pour un pays ou un peuple, il vous portera toujours sur son dos, même quand il ne saura pas pourquoi. Les lettres de Djamila tuent ce mythe fondateur de la création et du don de soi. A les lire, il ne reste en soi qu'une sourde méfiance et une impossible colère.


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