Jeudi, à la fin de la réunion consacrée aux conventions de branches à laquelle ont participé les représentants syndicaux des travailleurs grévistes de la SNVI, le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, Tayeb Louh, a reçu ceux-ci dans son bureau. Par ce geste inhabituel, il a visé à dissiper l'indignation que certains propos émis par lui, sur le conflit qui a paralysé le complexe véhicules SNVI, ont provoqué. Pour rappel, Tayeb Louh avait soutenu que la grogne sociale qui secouait la SNVI a été «l'objet de manipulations» et affirmé que «ce ne sont pas les travailleurs qui sont derrière ces revendications». En cessant leur débrayage aussitôt après avoir reçu l'assurance officielle de la procédure des négociations sur les conventions de branches, les grévistes ont fait la démonstration qu'ils n'obéissent à aucune manipulation et qu'ils ne sont pas animés par de sombres desseins contre les pouvoirs publics et l'économie nationale. Dans le conflit de la SNVI comme dans tous les autres d'ailleurs, c'est le comportement autiste et méprisant des autorités qui est à blâmer. Les salariés, qui sont les protagonistes de ces conflits, n'ont opté pour la grève et la paralysie de leurs secteurs de travail qu'au constat du refus des autorités d'un dialogue sur les problèmes cause de leur mécontentement. Il n'était pas besoin de «manipulation» pour que leur ras-le-bol, ainsi traité par les pouvoirs publics, s'exprime par l'ultime moyen de la grève. Pour avoir été un syndicaliste dont le combat a été aussi mis sur le compte de mêmes desseins maléfiques que celui dont on a voulu charger celui des salariés de la SNVI, Tayeb Louh aurait dû s'abstenir de prononcer les propos, dont il a voulu ensuite édulcorer le contenu en assurant «qu'il ne visait pas le syndicat, ni les travailleurs de la SNVI, qui se sont montrés disciplinés et responsables lors de cette grève, mais ceux qui ne veulent pas que le produit national soit développé et qui ont des intérêts à ce que la SNVI arrête de fonctionner. Le ministre dit vrai en parlant de l'existence de ces milieux. Sauf qu'il s'est abstenu de les situer, parce que sachant qu'ils sont puissamment représentés dans le pouvoir d'Etat. Les conflits sociaux qui se multiplient et s'étendent dans le pays n'ont pris la tournure de grèves de longue durée qu'à partir du moment où les relais dans le pouvoir d'Etat de ces milieux sont parvenus à convaincre celui-ci que le dialogue social est un aveu d'impuissance, qu'il faut par conséquent refuser. Il était inévitable que cette politique du refus que l'on a vue à l'oeuvre suscite la colère des travailleurs, finisse par raffermir leur esprit combatif et les pousse à ne plus craindre l'épreuve de force s'agissant de la défense de leurs droits et intérêts. Ce qu'il faut espérer, c'est que le pouvoir prenne enfin conscience qu'il s'est fourvoyé avec son comportement autiste, s'agissant de la question sociale dans le pays. Et que les ouvertures à un dialogue social, qu'il a accepté d'abord avec les enseignants, puis avec les travailleurs de la SNVI, deviennent des constantes de son comportement. Mais si le dialogue social devient son choix, il doit intervenir avant qu'il y ait cette situation de pourrissement dans laquelle les conflits s'enlisent, c'est-à-dire avant même qu'ils éclatent. Quand les travailleurs lancent le signal et les appels signifiant qu'ils veulent parler avec qui de droit de leurs situations et de leurs problèmes. En attendant, peut-on en vouloir à ces travailleurs d'avoir intériorisé le fait que les pouvoirs publics ne réagissent et ne cherchent le dialogue que quand ils sont confrontés à une contestation déterminée à aller jusqu'au bout et portée par la solidarité sans faille de ses protagonistes. Ce qui est en train de se concrétiser sur le front social sans qu'il y ait besoin de l'intervention de «manipulateurs».