Les normes comptables internationales IFRS sont basées sur des principes et non pas sur des règles : selon ces normes la comptabilité est définie comme suit «la comptabilité financière est un système d'organisation de l'information financière permettant de saisir, classer, évaluer, enregistrer des données de base chiffrées, et présenter des états reflétant une image fidèle de la situation financière, de la performance et de la trésorerie de l'entité, à la fin de l'exercice. L'insécurité juridique en matière comptable a souvent été soulignée par les différents intervenants lors des regroupements dans divers colloques organisés dans plusieurs pays d'Europe En effet dès lors que les nouvelles normes comptables IFRS sont complexes et mouvantes, les entreprises s'exposent nécessairement à un risque juridique dans leur application. Ce risque est d'autant plus présent que, s'agissant de normes fondées sur des principes, celles-ci font très souvent appel au «jugement» du préparateur de comptes à qui revient la responsabilité, sous le contrôle des commissaires aux comptes, de choisir le traitement comptable approprié d'une opération. De plus, en raison des liens étroits entre la fiscalité et la comptabilité, les entreprises sont parfois contraintes d'appliquer les règles comptables sans que leurs incidences fiscales aient été précisées par l'administration fiscale. Le soucis d'élaborer des règles comptables est aussi justifié pour la prise en charge de certaines contraintes fiscales. En matière d'amortissement a titre d'exemple, les dispositions des normes IFRS tiennent dans le principe que le taux d'amortissement dépend de la durée d'utilité du bien pour l'entreprise. L'utilisation de l'immobilisation est désormais mesurée par la consommation des avantages économiques attendus de l'actif mais non pas des taux fixés par l'administration fiscale. Le recours à une durée d'utilité plus longue que la durée d'usage aura des conséquences sur les dotations aux amortissements comptabilisées, et par suite sur les montants déductibles fiscalement. Et est ce que le fisc accepte des amortissements calculés sur une durée plus longue que la durée légale fixée par l'Administration ? Ce n'est pas évident. La sanction pénale de la comptabilité «Les comptes annuels doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de la situation financière et du résultat de l'entreprise.Il est donc de la responsabilité des dirigeants d'entreprise ainsi que des professionnels comptables qui les entourent(experts-comptables, commissaires aux comptes ) d'appliquer correctement les règles comptables qui, ainsi, donneront une «image fidèle» de l'entreprise propre à assurer les besoins d'information des investisseurs, de l'administration fiscale et de tout autre utilisateur de la comptabilité. Parce que la comptabilité est au cœur de la vie économique, que sur elle repose la confiance sans laquelle une économie moderne ne peut fonctionner et le législateur a assorti des sanctions pénales(des pênes d'emprisonnement et des amendes) face aux violations des règles comptables : par exemple le fait pour « le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d'une société de publier ou présenter aux actionnaires, même en l'absence de toute distribution de dividendes, des comptes annuels ne donnant pas pour chaque exercice une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice, de la situation financière, à l'expiration de cette période en vue de dissimuler la véritable situation de la société». Ainsi il ressort de cet exemple que la comptabilité peut être soit l'objet même de l'infraction (délit de présentation des comptes) soit l'instrument servant à commettre l'infraction (distribution de dividendes fictifs).Seuls les premiers cas nous intéressent ici, parce que les nouvelles normes comptables ont rendu la notion «d'image fidèle» bien plus incertaine. L'image fidèle, pour fondamentale qu'elle soit en matière comptable n'a jamais fait l'objet d'une définition légale ; par conséquent le juge pénal doit interpréter les dispositions imprécises des articles du code de commerce précités et déterminer dans quels cas des irrégularités affectant les comptes annuels peuvent être constitutifs des dits délits. Or, il n'est nul besoin de rappeler que les nouvelles normes comptables et aussi notre nouveau système comptable et financier privilégient la vision économique de l'activité de l'entreprise sur la forme juridique de ses opérations et quelles font appel, pour leur application et le contrôle de celle-ci, au «jugement» des préparateurs de comptes et commissaires aux comptes. Comment, dans ces conditions,concilier la souplesse d'interprétation des nouvelles normes comptables et l'imprécision de l'élément matériel du délit avec le principe cardinal d'interprétation stricte sur lequel repose le droit pénal ? La recherche de l'intention des auteurs des dites normes semble en effet délicate, dès lors que les travaux préparatoires pour autant qu'ils soient publiés, sont rédigés exclusivement en langue anglaise et font appel à des notions comptables complexes que le juge peu ne pas maîtriser parfaitement. Quelque que soit l'honnêteté de ceux qui préparent les comptes et les connaissances comptables de leurs lecteurs, les états financiers, si bien agencés soient-ils, ne peuvent communiquer par eux-mêmes l'image fidèle dont ont besoin et à laquelle ont droit leurs utilisateurs. C'est pourquoi les bilans et comptes de résultats ne peuvent remplir utilement l'objet d'information qui leur est assigné que s'ils sont accompagnés de notes annexes. Par l'attention portée à l'annexe, les entreprises peuvent significativement réduire le risque juridique en explicitant les choix comptables retenus et en démontrant le bien fondé de ceux-ci certes ces choix pourront être contestés, mais l'accusation de publication de faux bilan ou faux comptes de résultat sera affaiblie par la volonté de transparence qu'aura manifestée l'entreprise. Tout aussi délicate est la question de la preuve. «La comptabilité régulièrement tenue peut être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce», sur le plan des procédures fiscales, une comptabilité régulièrement tenue impose à l'administration fiscale la charge de la preuve du bien-fondé du redressement qu'elle souhaite appliquer. Tant qu'il s'agit de conserver simplement des factures, par exemple, la chose est aisée. Mais, avec le nouveau système inspiré des normes IFRS, la déconnexion entre le traitement juridique d'une opération et son traitement comptable, assis sur l'économie de celle-ci, peut remettre en cause la valeur probatoire de la comptabilité. Le journal officiel n°19 du 25 mars 2009 page 07 article 112-6 paragraphe 03 stipule «La valeur d'utilité d'un actif est la valeur actualisée de l'estimation des flux de trésorerie futurs attendus de l'utilisation continue de l'actif et de sa durée d'utilité. La valeur d'utilité est calculée à partir d'estimations de cash- flows futurs en prenant en compte un taux d'actualisation laissé au libre choix du préparateur des états financiers a fixé lui-même or on sait très bien que plus le taux d'actualisation sera élevé plus le montant des cash-flow sera faible, et plus le taux d'actualisation est faible et plus le montant des cash flow sera important ce qui fait qu'on laisse le champ libre au préparateur d'enjoliver ses comptes et maquiller des situations comptables dont le juge sera dans l'incapacité de démonter les aboutissants en l'absence d'une définition légale du taux d'actualisation. Il revient à l'Etat de renforcer la compétence des juridictions en matière comptable, renforcer les moyens humains et matériels des pôles économiques et financiers et mettre en place, pour les auditeurs de justice ainsi que pour les magistrats se destinant à une juridiction financière, une formation préalable significative et obligatoire en gestion, comptabilité et analyse financière. * Expert Comptable et commissaire aux comptes - Teleghma membre de l'Académie des sciences et des techniques financières et comptables Paris