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La gestion des revendications sociales: L'Enseignement dans tous ses états
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 29 - 03 - 2010

Entre paradigme de violences et pédagogie avortée, quelles grilles de lecture plus ou moins subjectives peut-on adapter à des grilles de salaires indéfiniment considérées comme scélérates.
1ère partie
Depuis pratiquement très longtemps, en France, il n'y a pas une seule année qui passe sans que la société ne subisse avec tous les aléas que cela implique , les différents conflits qui mettent des Gouvernements désemparés face à des revendications sociales menées par les différents mouvements syndicaux réfractaires à des modes de gouvernance dont on a rien à envier hormis ,et c'est là peut être l'essentiel , ces aptitudes à moduler leurs stratégies de manière à ré/ instaurer des intermèdes d'accalmies.
Mai 68 restera à tout jamais un très fort symbole de rupture en dépit de toutes les controverses qu'il ne cesse de susciter. Ces événements eurent pour effet de remettre à l'ordre du jour le devoir et l'art de négocier de part et d'autre les crises permanentes auxquelles devrait s'attendre toute société. Ainsi l'affrontement corrélatif à ces genres de situations ne peut être que violent avec des retombées souvent perceptibles à long terme.
Au printemps 1973, la fameuse Loi Debré a fait sortir dans les rues près de 500 000 lycéens et étudiants.
En Décembre1986, après plusieurs semaines de grèves et de manifestations, plus d'un million de jeunes étudiants et lycéens déferlent sur les rues pour protester contre le Plan Devaquet. Les événements furent assez violents et déplorables.
Dès le début des années 1998, les réformes du Ministre Claude Allègre ainsi que le caractère enflammé du personnage induiront un climat assez tendu qui durera jusqu'à l'année 2000. Une période faite de grèves et de manifestations exacerbé par le style langagier outrecuidant du ministre à l'égard d'un système qu'il qualifiait de «mammouth qu'il fallait dégraisser.»
En 2003, les Enseignants allaient cette fois ci encore se mobiliser pour protester concomitamment contre la Loi Fillon sur les retraites et le projet de décentralisation qui touchait le secteur de l'éducation.
En 2004 une coalition d'enseignants, d'étudiants, de lycéens et même de chercheurs a investi les rues pour dénoncer les restrictions budgétaires et les suppressions de postes qui menaçaient le secteur de l'Education.
En début de l'année 2006 l'instauration du C.P.E (Contrat Première Embauche) par le Gouvernement De Villepin ramène dans les rues des dizaines de milliers de manifestants, en majorité des étudiants. Au courant du mois de Décembre de la même année, plus d'un million de jeunes étudiants et lycéens déferlent sur les rues pour protester contre le Plan Devaquet.
En 2009 Quelque 100 000 professeurs d'université et étudiants ont manifesté dans les villes de France pour que soit retiré le décret sur le statut des professeurs d'université.
Cette liste qui n'a pas la prétention de rendre compte de manière exhaustive de ce qui se passe en dehors de nos frontières en matière de luttes syndicales , car comme je l'ai souligné précédemment , il n'ya pas une seule année qui s'écoule sans que ces pays et notamment la France , ne connaissent des turbulences et des remises en cause d'ordre socioéconomique et où les Etudiants ou les enseignants figurent toujours en première ligne de ces fronts de contestations et de revendications sociales. Néanmoins nul ne peut rester indifférent quant aux invariants inhérents à ce paradigme de pratiques sociétales qui oscillent entre la violence manifeste et les velléités de concertation.
De l'Agora grecque à notre Djemââ autochtone, la Rue, fascinante, merveilleuse et incontournable est devenue la tribune et l'instrument par excellence de l'arbitrage de ce genre particulier de conflits.
Le dénouement toujours imprévisible de ces âpres guéguerres illustre parfaitement le souci permanent de l'intérêt général et la prééminence dont il se prévaut face à ces triomphes despotiques et éphémères de l'une ou de l'autre partie engagée dans ces conflits. Et c'est d'ailleurs pour cela que l'on voit le destin répartir alternativement les choses de manière juste , équilibrée , équitable et harmonieuse : tantôt des ministres sont inexorablement poussés à démissionner (1) , tantôt les gouvernements persistent à défendre mordicus et à appliquer les Lois et les projets qui étaient à l'origine de ces mouvements de contestations et de révolte.(2)
Ce ne sera certainement pas notre société qui connaitra des situations pareilles.
Il faut se résigner à admettre dans les démocraties, ces constitutionalités à géométrie variable.
Chez nous , en guise de protestations ,aucun étudiant ou Enseignant n'a permis à ses semelles de flirter avec un quelconque macadam ou rêver de postillonner ses rancœurs à l'air libre , Le sort réservé récemment aux praticiens de la santé qui ont osé franchir le Rubicon est un énième rappel à l'ordre . Même des militants pour des causes écologiques ne pourraient caresser l'espoir de sentir cette exaltation d'arpenter les rues ne serait-ce que pour nous chanter les gloires d'un monde futur fait de narcisses et d'églantines. Ce traitement impartial qui veille à ne pas faire de jaloux participe à la préservation d'un certain ordre auquel tout le monde s'y accommode tant que l'on puisse garder ou aménager d'autres formes légales de tribune pour promouvoir nos droits fondamentaux.
Nous demeurons dans le désarroi le plus total assujettis à différente grilles de lecture sans les moindres éclairages indiscutables.
Pour un enseignant, il n'ya rien de pire que les embrouillaminis, les équivoques, les quiproquos, les malentendus et autres vaudevilles politiques faits de tergiversations et de duperies.
Pour le Pouvoir ,quasiment tous ces enseignants sont mal renseignés ou pas renseignés du tout sur le caractère complexe de ce genre de revendications et des négociations qu'elles impliquent et qui obéissent à moult facteurs d'ordre technique , juridique, politique et micro/ macroéconomiques.
Pour le Pouvoir, ces porteurs de savoir sont souvent eux-mêmes bernés , manipulés et instrumentalisés et manquent le plus souvent de ce bon sens particulier qui fait défaut au peuple profane et notamment à ces enseignants de l'Algérie profonde .
Pour le Pouvoir ,ces corporations et ces catégories socioprofessionnelles démunies de ces éclairages indiscutables, sont amenées à manquer d'objectivité et souvent réduites à ce jeu pernicieux qui consiste à dénicher des anomalies ,des anomies et des injustices uniquement face à l'impériale condition inamovible de certaines tutelles. Ces masses laborieuses néophytes sont passionnément réduites à se focaliser d'avantage sur l'aura d'un Exécutif insondable plutôt que de se livrer au décompte objectif des gains, des pertes et des espoirs futurs. Bref ! Toujours est-il que cette pitoyable et ignare Vox Populi ne peut s'empêcher de balancer entre deux extrêmes Grilles de Lectures : tomber en pamoison devant ce type de gouvernance d'outremer où des ministres tirent leur révérence sans rechigner ou se mettre aussitôt à condamner hâtivement leurs homologues du tiers monde qui menacent de mettre les Universités sous scellés ou de déclencher l'une des opérations commandos les plus inédites de l'histoire.
Alors , ce monde néophyte auquel nous appartenons tous verse immédiatement dans des scénarios catastrophes de victimisation ,et nous propose sous l'emprise de l'émotion sa propre grille de lecture : des enseignants alarmistes qui estiment que l'état providence , n'a rien trouvé de mieux , pour mettre fin à une situation de conflit , qu'une frappe chirurgicale , une sorte d'exérèse , une opération pure et simple d'éradication, d'extermination : la Solution Finale.
Ils se disent que leur tutelle s'apprête à en finir une bonne fois pout toutes avec ces anarchistes pour les remplacer à pied levé par des brigades briseuses de grève issues tout droit d'une misère plus grande que celle dont se plaignent ces Enseignants ingrats , insatisfaits et déboussolés . Que ne ferait pas un hère sauvé d'un pré emploi terriblement précaire ou d'un chômage endémique et à qui on promet une carrière «prêt à emporter, self-service».
Ils sont tels des pièces de rechange, des centaines de milliers à guetter la moindre opportunité quelque que soit l'immoralité de ces conjonctures d'embauche exceptionnelles. Alors à bon entendeur salut ! Le patron de cette locomotive poussive se fera un plaisir à triturer et à jeter à la casse tous les rouages et les engrenages incommodants.
C'est une variante d'une retraite anticipée, une forme de démobilisation de soldats estropiés.
Bien que dans nos us locaux , l'hardiesse de nos syndicats amenuisée par l'Etat d'Urgence trouve du mal à se frayer un chemin vers ce statut d'interlocuteur et de partenaire social respecté et vers cette dignité tant convoitée qui, faut-il le reconnaitre , ne sont jamais acquis de manière définitive même au sein de ces séculaires démocraties occidentales. Ces événement ,chez nous comme partout ailleurs , doivent être considérés comme des «cas d'école», qui ont pour vocation de transmettre comme toujours soit la notion de l'inaliénabilité d'une souveraineté populaire face à l'auguste indifférence du Pouvoir, soit la notion de l'intransigeance et de l'inflexibilité que doit manifester un Pouvoir face au capricieux diktat des majorités; et cela par le biais de prérogatives rigoureuses, austères mais justes et éclairées, en évitant ces scandaleuses disparités de salaires et de revenus au sein d'une société rentière où aucun mérite ni compétences ne sont assez suffisants pour justifier ces aberrations.
Sachant par ailleurs que la cherté de la vie ou la baisse du pouvoir d'achat ne seront jamais résolues par des augmentations cycliques de salaires si en parallèle et de manière disproportionnée elles sont ipso facto accompagnées par une flambée des prix des biens de consommations , dans un système économique et commercial qui échappe totalement à toutes les formes de contrôle et de régulation nécessaires à la paix sociale. Ces événements ont aussi le mérite de nous enseigner que ce ne sont jamais les émeutes , les grèves ou les manifestations qui constituent des dangers en soi , bien au contraire, leur spontanéité , leur transparence ,leur déroulement au grand jour reflète que l'on veuille ou non la subsistance d'un état de droit constitué ou qui s'échine à sortir de son cycle embryonnaire. C'est la manière de gérer ces événements en les empilant avec la même désinvolture qui pose problème. Ce n'est point un signe de faiblesse pour un Gouvernement qui consent à abroger purement et simplement une Loi ou à y introduire quelques amendements fédérateurs et réconciliateurs.
Qu'un Gouvernement consente à retirer un projet ou un Plan quelconque, et que des ministres, à l'issue de leurs échecs, consentent à démissionner pour l'intérêt général, n'amenuisent nullement la grandeur d'un Etat. Dans ce genre de«bataille», il n'ya ni perdant ni gagnant, seule la démocratie et son triomphe doivent rester nos seules préoccupations.
La sagesse d'un Gouvernement ne s'apprécie pas à l'aune de ses capitulations objectives et motivées, de ses renoncements, de ses voltefaces.
Le Dialogue et la concertation permanente sont l'âme de toutes les démocraties et le ciment des cohésions sociales dans la mesure où ce type de relations suppose intrinsèquement des prédispositions à concéder les multiples compromis nécessaires, une démarche et une éthique fondamentales à laquelle tout le monde doit y souscrire. Sans la moindre intention de duper, de mentir, de méjuger car il n'ya ni ennemi ni adversaire, ni dissidence à éliminer. Il y a seulement des interlocuteurs nationaux et nationalistes réunis par l'histoire pour débattre de problèmes majeurs, de justice sociale, de progrès, de destinée.
Au-delà de leurs dénouements toujours imprévisibles, ce genre de confrontations aura indéniablement comme effet positif de prendre à témoin des intellectuels ,des parlementaires , une société civile et tenter d'induire l'instauration d'un climat d'interrogations , d'autocritique et d'introspection nécessaires à l'évolution de notre société, si tant est que ces témoins dont il est question ( des intellectuels atomisés , des parlementaires domestiqués et une société civile inexistante ) aient l'opportunité de développer en eux cette lucidité et cette vertu citoyenne par excellence qui interpelle nos consciences pour tout ce qui relève des causes justes qui animent notre nation.
De toute évidence, en pareille circonstance, il faut toujours s'attendre à la mise en branle de toutes les instrumentalisations opportunistes imaginables mais qui seront à coup sûr confrontées à cette voix de la raison, cette lucidité et vigilance intellectuelle qui existe en chacun de nous et qui n'attend que les conditions nécessaires pour être pleinement associée à l'édification d'un Etat de Droit à l'abri de toutes les formes de manipulations sournoises. A suivre
* Enseignant - Mostaganem
Notes:
(1)-* Alain Devaquet nommé en 1986 au secrétariat d'Etat aux universités a été contraint de démissionner et son Projet fût rangé au placard en attendant des jours meilleurs. Ce n'est pas l'impopularité de son Plan qui causa son éviction et la débâcle qui s'en est suivie, c'était aussi la violente répression utilisé à l'époque pour neutraliser ces mouvements de contestation (lors de ces événements l'étudiant Malik Oussékine y trouva la mort)
-* Claude Allègre, nommé, le 2 juin 1997, ministre de l'Education nationale, de la Recherche et de la Technologie été lui aussi contraint à la démission trois années après. Il est utile de noter que bien que les réformes de ce Ministre témoignaient de beaucoup de courage, d'ambition et prônaient un changement que les gouvernements successifs tenteront à leurs manières de remettre au goût du jour. C'était surtout le mépris qu'il ne cessa d'afficher face aux partenaires sociaux qui fut en partie la cause du pourrissement de la situation.
-* Le C.P.E (Contrat Première Embauche) fut également retiré. Selon Le Premier ministre Dominique de Villepin, cette décision de retrait émanant du Président de la République Jaques Chirac était en partie due à la «situation de blocage». Le premier Ministre ajouta que «La première responsabilité d'un gouvernement, c'est de trouver les moyens d'en sortir», et que s'il faut du «réalisme» et de la «conviction», «il ne faut pas être entêté» .Le Premier Ministre conclût aussi « qu'il faut savoir contribuer suffisamment à l'évolution des esprits et peut-être traiter pas à pas les problèmes».
Toutes ces conclusions confirment la thèse selon laquelle toute politique n'est pas faite uniquement de compétences affichées et de projets imposés, elle est fondamentalement tributaire des méthodes engagées dans la promotion d'un programme ainsi que de l'assentiment général qui en découle.
(2)- Loi Debré de 1973 qui prévoyait l'abrogation des sursis pour études au-delà de 21 ans ainsi que la Loi Fillon sur les retraites furent maintenues bien qu'elles suscitèrent beaucoup de remous.
La Loi sur les Retraites proposé par François Fillon, Ministre des Affaires Sociales en 2003 fera sortir dans les rues des centaines de milliers de manifestants et de contre-manifestants. L'ampleur des manifestations en faveur de la réforme était assurément inattendue. Les méthodes et moyens de communication consentis pour faire adopter cette Loi illustraient une volonté inébranlable de conciliation, la recherche du consentement et l'appel à la raison au moyen d'une disponibilité constante au dialogue.


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