C'est une bonne nouvelle pour Sonatrach, qui n'en a pas eu beaucoup au cours de cette année : la Cour d'arbitrage de Paris a statué en sa faveur dans le conflit sur le prix du gaz qui l'oppose à l'entreprise espagnole Gas Natural qui pourrait payer jusqu'à 1,5 milliard d'euros. Le jugement qui clôt une bataille judiciaire de trois ans coûterait, selon des estimations données par la presse espagnole, jusqu'à 1,5 milliard d'euros à l'entreprise espagnole au titre de paiement rétroactif du différentiel de prix. La cour d'arbitrage donne en effet le droit au groupe public algérien Sonatrach d'augmenter le prix du gaz livré à Gas Natural depuis 2007. Ce sont près de 25% des importations espagnoles (9 milliards de m3 par an), transitant par le gazoduc Maghreb-Europe (GME) qui sont concernés. Les compensations à fournir à Sonatrach portent sur les livraisons des années 2007 à 2009. Le processus d'arbitrage entre Sonatrach et Gas Natural a commencé en 2007, à la suite de divergences sur la manière de fixer le prix sur deux contrats (Sagane I et Sagane II). Sonatrach demandait, comme les clauses de «flexibilité» et de «bouleversement» le permettaient, une réévaluation du prix pour tenir compte de l'évolution des cours pétroliers sur lesquels sont indexés les prix du gaz. Cela se traduisait par une hausse de l'ordre de 20%. On estimait initialement que le litige portait sur plus de 760 millions d'euros en 2007 mais depuis la facture a encore augmenté Sonatrach n'ayant pas suspendu la livraison de gaz- et atteindrait 1,5 milliard d'euros. Le groupe énergétique espagnol, dans un communiqué diffusé mardi, a indiqué qu'il «analysait» la décision arbitrale rendue lundi à Paris, afin de»déterminer» les actions à entreprendre en «défense de ses droits». En réalité, le jugement est un douloureux échec et les marges de manœuvres de Gas Natural pour en éviter l'exécution sont très restreintes. La coûteuse rigidité de Gas Natural La Bourse espagnole l'a exprimé clairement. La perspective que Gas Natural paye 1,5 milliard d'euros à Sonatrach n'enchante guère les investisseurs et le cours de l'action était, une heure après l'ouverture de la séance en baisse de l'ordre de 4%. Avant de recourir à l'arbitrage, Sonatrach avait engagé dès 2005, des négociations sur la révision du prix du gaz acheminé à l'Espagne via le gazoduc GME reliant l'Algérie à l'Espagne via le Maroc. Sonatrach mettait en avant la clause de «bouleversement» en raison de l'envolée des prix pour demander une hausse de 20% en deux étapes. Des tentatives d'arrangements à l'amiable avaient été menées entre les responsables espagnols et algériens. Elles se sont heurtées à une attitude rigide de la part de l'entreprise espagnole. En mars 2009, Chakib Khelil, l'ancien ministre de l'Energie, relevait qu'à l'issue d'une réunion à Alger à laquelle avait pris part Bernardino Leon, secrétaire d'Etat espagnol des Affaires extérieures, «nous avons considéré que nous avons presque trouvé une solution mais à son retour en Espagne, M. Bernardino Leon n'a pas trouvé un appui de Gas Natural pour cette solution ». En tout état de cause, la partie algérienne, même s'il y avait eu un rapprochement sur le prix, entendait aller jusqu'au bout en matière d'arbitrage sur l'interprétation à faire sur les clauses de «flexibilité» et de «bouleversement». « Si l'on veut trouver un accord à l'amiable sur l'aspect des prix ou celui de la compensation, on peut ne laisser à l'arbitrage que la question de l'interprétation de la clause de flexibilité et de celle dite de bouleversement» avait estimé Chakib Khelil. Sonatrach était conseillée dans cette affaire par le cabinet d'avocat français Bredin Prat, Gas Natural par le cabinet britannique Freshfields Bruckhaus Deringer. L'arbitrage Gassi Touil C'est le deuxième litige entre Sonatrach et Gas Natural, en alliance avec Repsol, tranché par un tribunal d'arbitrage. Le 27 novembre 2009, le tribunal international d'arbitrage, basé en Suisse, a statué sur la décision de Sonatrach de dénoncer le contrat sur Gassi Touil avec le consortium espagnol constitué par les entreprises Repsol et Gas Natural. Le tribunal avait renvoyé les deux parties dos à dos en décidant que le contrat était annulé et ne donnerait lieu à aucune indemnisation. Respsol et Gas Natural réclamaient la bagatelle de 1,6 milliard d'euros alors que Sonatrach demandait 800 millions de dollars à titre de compensation pour les retards de réalisation du projet. Le tribunal d'arbitrage a déclaré «terminé le contrat en question conformément à ses clauses, sans obliger aucune des parties à indemniser l'autre comme conséquence de la fin de ce contrat». Sonatrach avait rompu le contrat de Gassi Touil en dénonçant un «fiasco industriel», les entreprises espagnoles avaient fort maladroitement essayé de politiser la décision.