Les deux humanitaires espagnols, Roque Pascual et Albert Vilalta, retenus en otage par l'Aqmi sont libres. Le gouvernement de Zapatero ne manquera, eu égard à la fin tragique de l'otage français Michel Germaneau, de se targuer d'avoir fait le bon choix en évitant de recourir à la force et en négociant. Car Madrid a bien négocié. La contrepartie, c'est la libération d'un Malien condamné et détenu en Mauritanie pour sa participation présumée à l'enlèvement des Espagnols et, surtout, le versement de la coquette rançon de 3,8 millions d'euros. L'Aqmi vient donc d'améliorer de manière conséquente son «budget». Elle bénéficie de fait, au grand dam de l'Algérie, du statut d'organisation avec laquelle on discute et on négocie. Il est toujours malaisé, quand des vies humaines sont en jeu, de prôner l'option de fermeté. Le gouvernement espagnol peut ainsi faire preuve de fermeté à l'égard des activistes basques de l'ETA, il devient singulièrement «souple» pour obtenir la libération de ses citoyens au Sahel. L'enjeu dans ces situations pour les gouvernements occidentaux n'est pas de respecter une règle de conduite donnée au sujet des enlèvements et des demandes de rançons, mais de satisfaire leur opinion. Ce qui leur importe, face à la pression des médias du pays qui jouent, logiquement, sur le registre de l'émotionnel, c'est d'apporter la «preuve» qu'ils ont un réel souci de sauver la vie de leurs citoyens. Zapatero peut ainsi se prévaloir d'un vrai succès auprès de son opinion publique et passer sous silence tout le reste. La Mauritanie, qui est entrée dans une «saine colère» quand le Mali a libéré, sous pression française, quatre membres de l'Aqmi en contrepartie de la libération de Pierre Camate, se retrouve aujourd'hui dans la même posture. La «fermeté» dont se prévaut Nouakchott n'a guère résisté aux pressions, très convaincantes, de Madrid. On peut donc le constater, s'agissant d'otages occidentaux - la précision est importante -, il n'y a pas de règle. Les gouvernements, pour éviter d'avoir à payer un coût politique élevé, transigeront et payeront. L'Aqmi et les bandes criminelles qui se trouvent au Sahel le savent. Une opération militaire ayant peu de chance de réussir, on l'a vu récemment, ils savent que les Etats cèderont. Certes, on ne peut reprocher à des gouvernements comptables de leurs actes devant leur population de tout faire pour sauver la vie de leurs citoyens pris en otage. Mais la joie des familles des Espagnols qui retrouvent les leurs ne doit cependant pas nous empêcher de poser les questions qui irritent. Le marché des otages occidentaux les seuls monnayables pour l'Aqmi et les bandes criminelles s'est installé depuis quelques années au Sahel. Ces Occidentaux enlevés sont devenus une source importante du budget des organisations criminelles. Il faudra bien dès lors «oser» poser la question de l'utilité de la présence des humanitaires occidentaux dans la région. Les organisations humanitaires occidentales qui estiment avoir des choses à faire dans le Sahel devraient, quitte à trouver le moyen de vérifier à distance ce qui se fait de leur argent, s'appuyer sur du personnel local. Il ne s'agit pas d'une position de défiance à l'égard des humanitaires. Mais il faut bien constater que la rançon qui permet aux deux Espagnols de rentrer chez eux ne va pas servir à creuser un puits ou à construire un dispensaire...