Une polémique s'est engagée en Espagne, ce week-end, autour de la question du paiement des rançons au terrorisme. Le gouvernement espagnol a mal réagi, jeudi soir, aux critiques implicites formulées la veille par le président Nicolas Sarkozy sur le paiement par Madrid d'une rançon de 8 millions d'euros pour obtenir , une première fois au début de l'année, la libération de Alicia Gamez puis celle, le 22 août dernier, de ses deux compatriotes Roque Pascual et Albert Vilalta, tous trois enlevés, le 29 novembre 2009, par un groupe d'El Qaïda pour le Maghreb islamique (Aqmi). Sans citer expressément l'Espagne, le président français qui n'était visiblement pas encore remis du dénouement tragique de l'opération militaire française de la fin juillet visant à sauver l'otage français Michel Germaneau, exécuté depuis par ses ravisseurs, avait estimé que le paiement des rançons «n'était pas une bonne stratégie». Zapatero dans l'embarras Sans oser nier l'évidence du paiement de la rançon, la secrétaire d'Etat espagnole à la Coopération internationale, Soraya Rodriguez, a estimé, pour sa part, que la libération des trois otages espagnols et des quatre autres européens séquestrés par l'Aqmi l'année dernière, avait été obtenue «grâce aux efforts» de la diplomatie espagnole conjointement à l'action du CNI (services de renseignements espagnols) auprès des gouvernements de la région. «Le gouvernement espagnol a fait ce que tout autre gouvernement se devait de faire pour sauver la vie de ses ressortissants» a ajouté Mme Soraya Rodriguez dont la petite précision de trop traduit le désaveu par Madrid de l'action militaire française au Sahel. Paris pourrait, à son tour, mal recevoir cette allusion de Mme Soraya qui a joué un rôle de premier plan dans le processus de négociation du montant des rançons versées par l'Espagne aux terroristes de l'Aqmi ou aux pirates somaliens pour obtenir la libération des chalutiers et des pêcheurs espagnols pris en otage dans l'océan indien. Le gouvernement Zapatero est, en ce moment, dans les cordes au plan international, régional, et interne. Dans le premier cas, la position du Royaume-Uni dont un ressortissant avait été lui aussi exécuté à la suite du refus de Londres de céder aux conditions posées à sa libération par l'Aqmi, est assez proche de celle exprimée par le président Sarkozy. Les commentateurs de presse espagnols n'omettent jamais de mettre en avant l'action de l'Algérie qui agit aux Nations unies pour faire adopter une résolution condamnant le recours au paiement des rançons au terrorisme et à la piraterie. C'est toutefois, au plan interne espagnol, que l'affaire des rançons suscite plus de polémique. L'affaire devant le Parlement espagnol La porte-parole du Parti populaire, Soraya Sáenz de Santamaría, a exigé, jeudi, le passage devant le Congrès des députés de la vice-présidente primera, María Teresa Fernández de la Vega, pour répondre aux questions des parlementaires sur les circonstances de la libération des otages espagnols et la question de la rançon. Personne ne se fait, toutefois, la moindre illusion, sur ce que sera la réponse de Mme de la Vega dont le gouvernement ne reconnaîtra jamais de manière formelle avoir payé une rançon aux ravisseurs, car s'agissant d'un acte contraire aux engagements pris en ce sens au plan de la lutte antiterroriste. PP : «L'industrie du terrorisme encouragée et financée» Ne pas reconnaître mais ne pas nier non plus ouvertement. Voilà ce qu'est, pour l'instant, la réponse officielle de Madrid. Une attitude dénoncée avec beaucoup de virulence par le Secrétaire à la politique étrangère, Gustavo de Arístegui, qui n'hésite pas à accuser le gouvernement Zapatero d'«encourager et de financer l'industrie du terrorisme». Des attaques qui ont été suivies aussitôt de la réplique de la porte-parole socialiste Elena Valenciano qui a accusé, à son tour, le PP de «ne pas se soucier de la vie de ses compatriotes», en ajoutant cette petite phrase de trop qui vaut aveu sur le paiement de la rançon : «Qu'auriez-vous fait à notre place ?». Pour le journal la Razón, la solution choisie par le gouvernement espagnol est la pire qui soit car «les négociations menées avec El Qaïda sur les otages ne manquera pas d'inspirer l'ETA».