Le Mali, soupçonné de «laxisme» contre les groupes armés d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), qui écument ses régions nord, a subitement changé de fusil d'épaule, et appelle à une lutte régionale contre ce fléau, avec la participation de l'Algérie. Cette volte-face du président malien, qui en a fait l'annonce lundi soir à travers les médias mauritaniens, intervient au moment où plusieurs dizaines de jeunes Mauritaniens, enrôlés au sein des groupes d'Aqmi au Sahel, se sont rendus aux forces armées mauritaniennes. Il y a également la nouvelle direction (politique) prise par l'affaire des otages français aux mains d'Aqmi, qui a décidé de laisser Oussama Ben Laden négocier leur libération avec la France. Et puis, il y a surtout le fait que Bamako est accusé par ses pays voisins, notamment l'Algérie et la Mauritanie, d'avoir relâché des terroristes d'Aqmi contre la libération d'un otage français, lui-même soupçonné d'appartenir aux services de renseignement français. Lundi soir à la télévision mauritanienne, le président malien Amadou Toumani Touré a souhaité dans un entretien que l'Algérie, la Mauritanie, le Niger et le Mali »programment des actions militaires communes» dans la lutte contre Al-Qaïda au Maghreb islamique. A cet effet, il rappellera à juste titre d'ailleurs que «l'Algérie a fait une proposition. Nous avons mis ensemble (en place) un état-major interallié qui compte des officiers maliens, mauritaniens, nigériens et algériens. Cet état-major doit être opérationnel, en concevant et en programmant des actions militaires concertées et communes». Cette position du président malien, qui prône une intervention militaire de grande envergure des armées des quatre pays, intervient à un moment où l'attention de tous les observateurs est braquée sur la position que va prendre la France pour gérer l'affaire des sept otages détenus par Aqmi, dont cinq Français, un Togolais et un Malgache. Le président malien parle-t-il vraiment à ses interlocuteurs régionaux, ou est-il un simple maillon d'une chaîne de gestion du terrorisme dont le centre est en Europe ? Plus loin dans son intervention télévisée, il ajoute que «en tant que soldat, je pense qu'obligatoirement, nous devons évoluer vers une action commune». Parlant de «menaces transfrontalières» sans référence aux groupes armés d'Aqmi, il estime que «si chacun fait sa guerre, ce sera pour un temps, sans résultat pérenne. (...) Tous ensemble nous pourrons arriver au bout de la menace». A moins que le président malien ne prenne vraiment conscience qu'une action commune des quatre pays est la seule solution pour conjurer la menace que fait peser Aqmi sur la sécurité dans cette vaste région sahélienne, d'autant que Bamako a toujours eu des craintes que l'opposition, qui s'est installée dans le Nord du pays, ne s'allie un jour avec Aqmi. Au mois de septembre dernier, les chefs d'état-major algérien, malien, mauritanien et nigérien s'étaient réunis à Tamanrasset pour prendre des mesures de lutte concrète contre Aqmi dans la région sahélienne. La même réunion a été suivie par une autre à Alger pour l'installation d'un observatoire du renseignement sur les mouvements d'Aqmi dans la région. Cette réunion des chefs des services de renseignement de ces quatre pays a mis en place un centre commun de renseignement en matière de lutte contre le terrorisme. Et, à Tamanrasset, «il y a eu des divergences et des points d'accord. Nous sommes tous d'accord qu'il faut lutter contre le terrorisme. Maintenant nous devons nous entendre au millimètre près sur le comment», avait estimé alors un responsable malien, présent à la réunion des chefs d'état-major de Tamanrasset. En fait, cette rencontre devait être le prélude, selon certains observateurs, à une autre stratégie de lutte des pays sahélo-sahéliens contre les groupes terroristes qui vampirisent cette région, et, d'une certaine manière, une réponse plus académique aux actions désespérées et sans grands résultats, qui ont pris des allures d'insupportable ingérence de militaires européens sur le sol africain. L'épisode de l'intervention de troupes françaises en Mauritanie en juillet dernier est un événement contrariant qui ne devrait plus se reproduire, selon des militaires ayant participé à la réunion de Tamanrasset.