C'est ce qu'affirme Abderrazek Makri qui a gardé intact les détails d'une véritable expédition qui a eu lieu, en octobre dernier, pour la levée du blocus israélien sur Ghaza. Pour rappel, la caravane de solidarité que le Britannique Georges Gallaway avait initiée à cet effet a été reportée à plusieurs reprises pour des considérations de non respect d'engagement d'un certain nombre de parties et même d'Etats. Elle devait avoir lieu, en septembre dernier, par voie terrestre en premier, ceci pour ce qui concerne les participants des pays maghrébins. Mais les autorités libyennes ont failli à leur engagement de mettre à leur disposition un bateau qui devait prendre le large à partir de Tripoli, se diriger à El Aârich pour atteindre Rafah, l'inévitable passage liant l'Egypte à Ghaza la palestinienne. Faute de consensus avec les Libyens pour l'affrètement du bateau pourtant promis, les Algériens avaient alors décidé de rejoindre Damas par avion. Ils ont même passé commande d'achat de fourgons en Syrie. « Nous étions exactement 113 personnes, des citoyens algériens d'aucune obédience politique, avec cependant une majorité de militants du MSP et d'autres d'El Islah, d'Ennahdha, un représentant du RND et des indépendants,» nous raconte Makri que nous avons rencontré dimanche dernier au siège de son parti à El Mouradia. L'avion transportant ces militants de la cause palestinienne a décollé d'Alger vers Damas, le 2 octobre dernier. «Nous avons demandé aux citoyens désireux de participer à cette caravane, d'acheter un fourgon ou alors des marchandises. S'ils le faisaient, ils avaient alors le droit de ramener une personne avec eux, » explique Makri. Cette quête de la solidarité a produit ses fruits. « Nous avons pu avoir 40 fourgons neufs que nous avons achetés en Syrie, nous les avons remplis de produits de première nécessité que nous devions remettre aux Ghazaouis, » dit-il. Une fois arrivés à Damas, les Algériens et leurs homologues étrangers ont procédé à l'installation d'un comité directeur de la campagne pour la levée du blocus sur Ghaza. Composée d'un Algérien, un Britannique, une nouvelle Zélandaise, un Jordanien et un Palestinien de nationalité britannique, le comité a été reçu par le gouverneur de Damas et le vice-président du Baath (parti au pouvoir). Le comité a aussi rencontré l'ambassadeur d'Egypte à Damas pour négocier son passage par Rafah. Les Syriens avaient hébergé les participants dans un camp de jeunes palestiniens, «le temps de faire aboutir les négociations dans lesquelles l'ambassadeur d'Egypte avait pris tout son temps,» précise Makri. Les longues nuits d'attente Première condition des Egyptiens, l'interdiction à Georges Gallaway de rentrer à Ghaza. Le concerné s'emporte, convoque une conférence de presse et exprime sa rage contre cette interdiction. Entre temps, les participants étaient à la recherche d'un bateau à louer pour aller de Latakieh la syrienne à El Aârich l'égyptienne puis Rafah. «De fortes pressions ont été exercées sur les agences de location de la région par les Israéliens y compris par le Mossad,» affirme notre interlocuteur. L'autre condition égyptienne, l'interdiction à 18 personnes d'aller à El Aârich. «Tout le monde a pensé que l'interdiction concernait les Algériens,» fait savoir le responsable du MSP. « Si c'est ça, il y a donc problème, on ne va pas se taire, » avaient dit les Algériens. «Nous avons demandé des précisions aux autorités égyptiennes mais silence radio,» ajoute-il. Après plus de 15 jours d'attente, le bateau grec est arrivé pour prendre personnes et marchandises. «Arrivé à Latakieh, ses propriétaires ont refusé de laisser embarquer les personnes et les Egyptiens nous avaient refusé l'autorisation d'aller par avion,» précise Makri. «C'était pour nous le jour le plus difficile puisque tout le monde s'était préparé avec bagages pour partir à El Aârich, » raconte-il. «Les Algériens se rencontraient tous les jours à 17h pour un briefing et aussi pour des conférences-débats sur les différentes expériences des uns et des autres en matière de solidarité, » raconte toujours Makri. Après une vingtaine de jours, poussés à bout par la lenteur des procédures et le silence des autorités égyptiennes, des Jordaniens et beaucoup d'Européens ont lâché. «Ils ont baissé les bras et sont rentrés chez eux.» Selon Makri, les Algériens ont été les plus tenaces. Comme par magie, les choses se sont, d'un coup, débloquées. «Nous avons pu avoir l'autorisation des Egyptiens pour l'avion et le bateau en même temps.» Un bateau algérien pour une flottille de la liberté II Le responsable du MSP nous apprend que parmi les 18 personnes interdites d'entrée par les Egyptiens, «il y avait des Jordaniens, des Européens mais aucun Algérien.» Ce qui a laissé dire «c'est grâce aux Algériens que les Egyptiens ont cédé.» Les personnes arrivées par avion à El Aârich devaient y passer la nuit pour attendre l'arrivée des marchandises par le bateau grec. Les premiers à s'acquitter des formalités de la police des frontières, ce sont les Algériens qui, affirme Makri, «ont eu toutes les facilités à l'aéroport égyptien.» Le passage de la caravane par Rafah s'est fait très vite, les autorités égyptiennes n'ont posé aucun problème. Makri indique même « que la police égyptienne s'est abstenue de nous fouiller, à peine si elle a jeté un œil sur les marchandises dans les fourgons.» Il ajoute même que «les Palestiniens étaient étonnés de la rapidité avec laquelle les Egyptiens ont libéré la caravane.» Une conférence de presse a été animée par les participants sur le passage de Rafah «côté palestinien. » La caravane s'ébranle d'El Aârich vers Ghaza. Mekri raconte «cette épopée » avec beaucoup d'émotion. «Nous avons équipé les fourgons de hauts parleurs, parés de banderoles. Tout au long de ce trajet, raconte-il, nous nous sommes adressés à la population ghazaouie, nous leur disions dans les hauts parleurs que nous venons de l'Algérie des Martyrs et de la Révolution et autres propos de soutien à la cause palestinienne. C'était pour tout le monde, une grande joie ! » La délégation a visité Ghaza et a assisté à une pièce de théâtre jouée par les enfants «de la guerre», des orphelins qui ont perdu leurs parents, lors des féroces attaques israéliennes. « Nous avons aussi visité des champs agricoles que les Palestiniens prennent en charge après qu'ils les aient récupérés des colons israéliens. Avec toutes les difficultés et les restrictions du blocus, ils ont réussi à les verdir et les faire produire, c'est un merveilleux défi ! «Nous avons aussi visité les fameux tunnels qui permettent aux Palestiniens de survivre, » indique Makri. La délégation a rencontré Smaïl Hania lorsqu'elle a été reçue au parlement palestinien. Après trois jours à Ghaza, les «caravaniers» ont rejoint Le Caire par bus. Ils promettent de se rencontrer en mars prochain, pour mener à bon port une autre caravane de solidarité avec Ghaza. «Nous voyagerons cette fois-ci en bateau. Ça sera plus difficile parce que nous serons obligés de négocier notre rentrée à Ghaza directement avec les Israéliens comme nous l'avions fait lorsque nous étions à bord de la flottille de la Liberté qu'ils avaient attaquée en toute impunité,» affirme Makri. « On souhaite vivement qu'il y ait un bateau algérien qui participera à cette campagne de solidarité. Le tout sera discuté à la commission internationale contre le blocus qui se réunira dans quelques semaines à Beyrouth, » dit-il. C'est ce qui est, d'ores et déjà, appelé «Flottille de la Liberté II.»