Le positionnement du chef de l'Etat algérien en faveur du projet Desertec, piloté par les grandes entreprises allemandes, a suscité des interrogations légitimes dans la presse nationale. C'est que rien n'annonçait ce soudain préralliement au projet. Bien au contraire, les responsables du secteur de l'énergie ont délibérément choisi de rester distants à l'égard des différentes offres existantes, Desertec et l'initiative française Transgreen, devenue Medgrid. Alors que les pays voisins s'empressaient de soutenir et offraient leur territoire comme site d'accueil des centrales solaires, l'Algérie a commencé par fixer ses conditions en direction de toutes les initiatives afin d'y avoir un statut de partenaire scientifique, industriel et commercial. Il n'était donc pas question d'avoir une préférence pour Desertec ou Medgrid. Au demeurant, leurs initiateurs allemands et français affirment de plus en plus fortement qu'ils sont complémentaires et pas concurrentiels. De fait, Transgreen-Medgrid peut être complémentaire du projet allemand puisqu'il ambitionne de mettre en place des interconnexions électriques en Méditerranée, qui se chargeraient éventuellement de transporter l'électricité produite par les centrales solaires de Desertec. Mais sur le fond, les batailles pour les subventions européennes et les rivalités industrielles entre Allemands et Français ne sont pas des aspects qui déterminent la position de l'Algérie. Le RCD a sans doute raison d'appeler à un débat national sur les choix stratégiques du pays ; il prête cependant trop facilement le flanc à l'accusation de défendre le projet français par rapport au projet allemand. Il faut rappeler, contrairement à ce que le laisse entendre le RCD, que le projet Desertec s'inscrit, lui aussi, dans le cadre du Plan solaire méditerranéen (PSM) et qu'il a pris de l'avance sur Transgreen. Par contre, les deux initiatives sont toutes les deux sous une même optique quelque peu condescendante, pour ne pas dire néocoloniale : elles ont été conçues sans les entreprises concernées dans les pays du Sud, qui ne sont regardées, dans le meilleur des cas, que comme des éléments d'appoint. Il n'y a donc pas pour l'Algérie de préférence «historique» ou «essentialiste» à faire valoir. On ne devrait pas choisir les Allemands parce qu'on est réservé à l'égard des Français, pas plus qu'on ne doit choisir ces derniers parce qu'on a l'habitude de traiter avec eux. Si on fonctionne à partir de ces critères, on entrerait dans une démarche totalement subjective et irrationnelle. Et on est sûr de ne rien y gagner. Les responsables algériens du secteur de l'énergie ont été, en dépit des critiques qui leur reprochaient leur attentisme, sur cette ligne. La seule préférence à faire entre ces mégaprojets énergétiques qui s'annoncent au Nord, à Berlin ou Paris, est celle du bénéfice économique qu'en tirera l'Algérie. Ce n'est donc pas le fait de choisir un projet allemand dans lequel le patron de Cevital, Issad Rebrab ex-ami du RCD ? est présent depuis le début qui pose problème. Pas plus que cela serait un problème si l'Algérie choisissait Medgrid. La vraie question est de savoir comment on entre dans tel ou tel projet. Et c'est cela qui n'est pas clair dans le pas qui a été fait par le président de la République en direction de Desertec. Les trois conditions énumérées de façon très limpide par Youcef Yousfi sont-elles toujours en vigueur ? Ont-elles été acceptées par les Allemands qui pilotent Desertec ? That's the question