Une ambiance électrique a prévalu, notamment samedi, dans les abords immédiats du siège du tribunal correctionnel de Aïn El Turck où devaient comparaître les 101 harraga parmi lesquels figurent neuf mineurs. Un impressionnant service d'ordre a été déployé pour la circonstance autour des lieux pour parer à toute éventualité. Des barrières ont même été alignées devant l'entrée principale du tribunal afin de permettre aux policiers de vérifier chaque justiciable avant l'accès à la salle d'audience, qui s'est avéré trop exiguë pour contenir cette inhabituelle grande affluence. Un premier groupe composé de 87 candidats à l'émigration clandestine dont neuf mineurs a défilé devant les juges durant toute l'après-midi du samedi. Le reste a comparu hier. Selon nos sources, la tentative de la traversée a été signalée par les enquêteurs de la police relevant de la sûreté de daïra de Aïn El Turck. Agissant sur la base d'informations fournies par des riverains, les policiers ont repéré plusieurs zodiacs, qui ont pris la mer à partir des localités côtières de St Roch, Trouville, Bouiseville, St Germain et Coralès. Ils ont aussitôt alerté les gardes-côtes de la Marine nationale. Les autres embarcations ont pris le départ à partir des plages relevant de la compétence de la Gendarmerie nationale. En tout ce sont 15 embarcations qui ont tenté la traversée vers les côtes de la péninsule Ibérique, dans la matinée de mardi dernier. Elles ont été finalement interceptées par les gardes- côtes quelque instants après l'alerte. Les harraga ont déboursé chacun entre 6 et 15 millions de centimes pour prendre part à cette folle aventure. Ils sont venus des différentes villes de l'ouest du pays, Saïda, Méchéria, Sidi Bel Abbès, Tlemcen, Relizane et même de Tizi Ouzou et d'Alger. L'affliction et la tristesse se lisaient sur les visages des familles et des proches des harraga, venus s'enquérir de leurs siens. Ils assumaient leurs responsabilités tout en pointant un doigt accusateur en direction des pouvoirs publics. «J'ai été obligé de mettre mes bijoux au clou pour financer la traversée de mon fils. Agé de 33 ans, il ne dispose pas d'un emploi stable et ne peut évidemment pas fonder un foyer», a confié avec une pointe de dépit un père de famille demeurant dans la localité côtière de St Germain. Et d'ajouter : «Je sais que c'est grave, mais il n'a pas cessé de me harceler en me montrant les photos de ses voisins qui auraient réussi la traversée. Finalement, il est parvenu à me convaincre.» Presque le même son de cloche s'est fait entendre chez d'autres parents et proches de ces candidats à l'émigration clandestine, parmi lesquels certains sont issus de familles aisées connues sur la place de Aïn El Turck. «Nos enfants sont livrés à eux-mêmes. Ils ne disposent pas de débouchés après leur réussite au même titre qu'après leur échec au terme de leur cursus scolaire. J'avais peur pour mon jeune frère qu'il bascule dans la délinquance ou dans la toxicomanie, je lui ai alors donné de l'argent», a révélé un fonctionnaire, qui faisait le pied de grue devant le tribunal. Le verdict est tombé très vite pour l'ensemble des harraga, qui ont comparu hier et avant-hier. 6 millions d'amende pour chacun. Les véhicules de leurs parents et amis ont démarré en trombe en direction de la maison d'arrêt d'Oran où les harraga ont été acheminés avant d'être libérés.