I - Selon M. le Premier ministre algérien, le 31 mars 2011, à la télévision algérienne, l'Algérie est spécifique. Elle a construit par le passé le socialisme spécifique et aujourd'hui une économie de marché spécifique. N'avons-nous pas entendu presque tout le gouvernement dire que l'Algérie n'était pas concernée par la crise économique d'octobre 2008 qui secouait le monde, oubliant le caractère mono exportateur de notre économie, dépendant d'une ressource éphémère dont le prix est fixé à l'extérieur du pays, échappant à la volonté des dirigeants ? Aujourd'hui, on nous annonce que l'Algérie ne connaît pas de crise politique à l'instar du monde arabe. L'Algérie versant dans l'attentisme serait-elle alors le seul pays en Afrique du Nord, à faire l'exception alors que des transitions sont annoncées ou qui suivront en Tunisie, l'Egypte, la Mauritanie, le Yemen, le Bahreïn, la Lybie, la Syrie, des pays comme le Maroc qui annonce une monarchie constitutionnelle et certainement bon nombre d'autres pays arabes encore, que se pose cette question, si elles seront effectives ou avortées, tout dépendant des rapports de forces internes et externes ? Aussi, selon le Premier ministre algérien, il n'y a pas lieu de changer ni de politique, ni de gouvernement, ni de dissoudre le parlement. La population algérienne n'aspirant pas à un changement politique, veut de l'argent pour manger et le gouvernement travaille pour calmer le front social, grâce aux réserves de change de plus de 155 milliards de dollars, via la vente des hydrocarbures (selon les données officielles, plus de 350 milliards de dollars de recettes de Sonatrach, entre 2000/2010). Dans ce cadre, des instructions ont été données pour que les organismes chargés de l'investissement et l'emploi agréent un maximum de projets avec de nombreux avantages financiers et fiscaux, tout en demandant à des administrations et entreprises publiques déjà en sureffectifs de recruter. Or, il convient de se demander d'abord pourquoi cette ébullition sociale à laquelle a fait allusion le Premier ministre, si elle ne traduit pas une impasse de l'actuelle politique socio-économique et si ces instructions s'insèrent dans une vision stratégique concernant des segments porteurs de croissance durable ? La rente toujours la rente entre 1963 et 2011, mais avec une concentration excessive du revenu national au profit d'une minorité rentière : un Etat riche mais une population de plus en plus pauvre. Cette vision du gouvernement et le dépérissement du tissu productif en Algérie n'expliquent- ils pas que le taux de croissance n'est pas proportionnel à la dépense publique 200 milliards de dollars entre 2004/2009, 286 entre 2010/2014, avec 130 milliards de dollars de restes à réaliser des projets 2004/2009 (quel gaspillage !) et pourra-t-on créer entre 2009/2014, 200.000 PME/PME et 3 millions d'emplois ? Les taux officiels de croissance, de chômage, d'inflation, ne sont-ils pas des taux artificiels, biaisés par la rente des hydrocarbures ? Crée-t-on des emplois réellement par des directives administratives en violant les lois économiques élémentaires où le taux d'emploi est fonction du taux de croissance réel et des structures des taux de productivité (bonne gouvernance, entreprises compétitives et valorisation du savoir) ? Doit-on continuer dans cette trajectoire où les dépenses ne sont pas propositionnelles aux impacts, ne s'assimile-t-elle pas à un replâtrage pour calmer le front social. Avec cette injection massive de monnaie, sans contrepartie productive, concernant tant ces projets que les dernières augmentations des salaires qui touchent tous les secteurs, ne faut-il pas s'attendre à un retour en force de l'inflation fin 2011 et surtout à son accélération en 2012 ? Ce qui nous entraînera dans une spirale infernale de hausse des prix avec pour conséquence à la fois, celle des taux d'intérêts des banques, freinant le véritable investissement et la détérioration du pouvoir d'achat de la majorité des Algériens. La monnaie étant un rapport social traduisant, avec sa détérioration et le recours aux liquidités par l'extension de la sphère informelle, le divorce Etat/citoyens ? II- L'Algérie qui a souffert du terrorisme pendant plus de 10 années et selon les chiffres officiels avec plus de 200.000 morts, doit aller vers une transition démocratique pacifique, loin de toute violence. Pour cela il faut préconiser quatre mesures graduelles. 1- Une nouvelle vision stratégique afin de mettre en place une économie hors hydrocarbures compétitive, dans le cadre des valeurs internationales, si l'on veut créer des emplois durables et atténuer les tensions sociales inévitables. Pour cela un débat national sans exclusive, sur le bilan de tous les programmes économiques afin de déterminer la trajectoire future 2011/2020 de l'Algérie et poser la problématique de la démocratisation de la gestion des hydrocarbures et de l'utilisation des réserves de change. 2- La dissolution des deux chambres du fait que ces institutions, vivant du transfert de la rente des hydrocarbures sont incapables de mobiliser le corps social en ébullition. Dans ce cadre, revoir les subventions de l'Etat aux Partis qui doivent compter surtout sur leurs adhérents, ainsi que la rémunération des députés et sénateurs disproportionnée, sans compter les avantages, par rapport à leur travail. Le Parti du FLN ne doit plus instrumentaliser le sigle FLN propriété de tout le peuple algérien de la glorieuse guerre de Libération nationale et trouver une autre dénomination pour une concurrence loyale par rapport aux autres partis. 3- Sous réserve d'un changement de politique, un changement du gouvernement composé de techniciens qui prépareront cette transition démocratique pacifique jusqu'à l'échéance présidentielle, pour des élections libres et démocratiques. Cela implique de libérer les canaux d'information notamment, l'ENTV qui s'est totalement discréditée et dont l'audience est presque nulle, en autorisant des chaînes de télévision indépendantes. 4- Revoir la Constitution associant l'ensemble des forces politiques, sociales, économiques et des experts en droit constitutionnel en limitant le nombre de mandats résidentiels. Toute révision fondamentale de la Constitution devra passer par un référendum et non plus par les deux chambres qui ne sont pas représentatives. Le FLN RND - MSP qui n'est en fait que l'éclatement de l'ancien parti unique en trois composantes, ayant eu moins de 25% des voix, lors des dernières élections, (chiffres officiels), par rapport au nombre d'inscrits, les autres innombrables partis invoqués par le Premier ministère n'étant nullement représentatifs, étant en grande majorité la création de l'administration et instrumentalisés, lors des élections. En bref, l'Algérie a d'importantes potentialités pour devenir un acteur actif au sein de la Mondialisation dans l'espace euro-méditerranéen et arabo-africain. Pour cela, elle a besoin d'un Etat de droit, d'une gouvernance renouvelée, supposant une mutation systémique et donc d'une transition démocratique pacifique. Il serait maladroit d'assimiler la population à un tube digestif, ce qui suppose une transformation culturelle de nos dirigeants, vivant encore à l'ère du parti unique (le fait du prince qui distribue la rente), avec la grogne sociale croissante qui a soif de démocratie et de justice sociale mais également d'efficacité économique avec un sacrifice partagé car les réformes véritables à venir, qui ont été gelées, seront douloureuses. D'où l'urgence d'un discours de vérité, rien que la vérité.