La frontière terrestre entre le Maroc et l'Algérie fermée par Alger en 1994, à la suite d'une accusation marocaine infondée contre les services algériens d'avoir organisé un attentat à Marrakech et l'instauration du visa, sera rouverte «tôt ou tard». Le ministre algérien de l'Agriculture, Rachid Benaïssa, en visite au Maroc où il a signé un mémorandum d'entente visant à renforcer la sécurité alimentaire entre les deux pays, n'avait pas beaucoup d'effort à faire pour énoncer une vérité de La Palice. Mais le président de la République, lors de l'ouverture de la manifestation «Tlemcen, capitale de la culture islamique», a esquissé un pas qui n'a pas été fait depuis longtemps en déclarant qu'il «n'existe pas de problème entre l'Algérie et le Maroc» et que le «problème du Sahara Occidental est un problème onusien. Le Maroc est un pays voisin et frère. Il faut coopérer et nous devons coopérer». Ces derniers jours, le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, a évoqué le sujet sur la même tonalité. D'abord dans un entretien à la radio chaîne 3 où il expliquait que la frontière avait vocation à être ouverte mais qu'il serait «malhonnête» de fixer une date. Lundi, dans un entretien au journal Echourouk, M. Medelci a été un peu plus expansif. «Deux Etats comme l'Algérie et le Maroc avec des frontières fermées pour l'éternité, cela n'est pas raisonnable . Il faut ouvrir les frontières, mais il faut créer les conditions. Quand cela sera décidé, cela sera appliqué de manière honnête et équilibrée, dans l'intérêt des deux parties. Comment parvenir à ce résultat ? Par les consultations entre les responsables. Nous avons entamé cela depuis trois mois. On s'est entendu sur l'échange de visites dans des secteurs très sensibles. On peut y arriver en poursuivant les consultations entre les deux parties. Cela a été entamé il y a trois mois et nous nous sommes entendus sur l'échange de visites dans des secteurs sensibles. Nous poursuivrons peut-être ces échanges de visites jusqu'à la fin de l'année. Il en sortira un programme de coopération dont les résultats peuvent inciter les deux à faire d'autres pas. Et pourquoi pas à ouvrir les frontières». Ce discours, même s'il ne change rien sur le fond, est un progrès. Fin de discordance ? Dans les relations orageuses entre Alger et Rabat, il y a eu toujours une «discordance» de positions ou de priorités qui ont rendu impossible un retour à la situation, déjà pas enviable, d'avant la calamiteuse année 94 avec l'empressement marocain à accuser les services algériens et à imposer le visa et la riposte en escalade de l'Algérie de fermer les frontières. Les historiens des relations entre les deux pays observeront que pendant de très longues années, le Maroc a estimé que la question du Sahara Occidental est au cœur des relations avec l'Algérie. Et qu'il ne peut accepter l'idée de séparer une « question nationale vitale» du reste des relations. C'était la réponse permanente en forme de préalable à l'idée défendue pendant des années par Alger d'un découplage entre les deux questions. Pendant longtemps, Alger a soutenu que le conflit du Sahara Occidental relève de l'Onu et ne doit pas interférer sur les relations bilatérales ou sur le processus maghrébin». Quelques années plus tard, on s'est retrouvé dans une inversion. Alger estime qu'il faut avancer de manière globale y compris dans le dossier du Sahara Occidental alors que Rabat, découvrant la stérilité de son «linkage», s'est mis à demander la réouverture des frontières. Retour au découplage Les déclarations de Bouteflika à Tlemcen constituent clairement un retour à la position algérienne initiale qui consiste à découpler entre le dossier du Sahara Occidental et les relations bilatérales. A défaut de s'entendre sur tout, Alger et Rabat se retrouvent, pour la première fois depuis 1994, en accord sur la même démarche de découplage. Les visites ministérielles qui se déroulent depuis trois mois permettent, à un niveau sectoriel, de donner une consistance à ce découplage qui permet d'avancer et de sortir de la stérilité. Le mémorandum sur la coopération sur cinq ans «pour assurer la sécurité alimentaire» signé par le ministre algérien et son homologue marocain Abdelaziz Akhanouch est d'une grande importance. Il répond à des besoins réels et permet de créer les synergies pour avancer. Selon ce document, les deux pays prévoient un renforcement de leur coopération en matière de recherche scientifique, de production végétale et d'élevage ainsi que la lutte contre la désertification.» La signature de ce mémorandum prouve notre volonté commune pour développer notre coopération et le partenariat dans le domaine agricole (...) et pour améliorer la sécurité alimentaire», a déclaré Rachid Benaïssa. Il n'est jamais trop tard de sortir d'une approche stérile, les avis de chacune des deux parties sur la question du Sahara Occidental n'étant pas susceptible de changer. Il faut espérer que les deux parties s'en tiennent réellement à ce découplage entre le dossier du Sahara Occidental et les relations bilatérales pour sortir du surplace.