Une semaine après le drame de la «Mare d'eau» (réserve naturelle relevant administrativement de la wilaya de Mascara, située à califourchon entre Sig et Boufatis), la population locale est toujours sous le choc. Le bilan de cette tragique partie de chasse aux sangliers est terriblement lourd : deux personnes y ont laissé leur vie, trois autres sont derrière les barreaux. L'incident mortel a eu forcément des suites en justice. La difficile et non moins délicate tâche de faire la lumière sur cette sanglante scène nocturne du 16 juin 2011, aux environs de 22 heures, incombe désormais au juge d'instruction près le tribunal de Oued Tlélat (Cour d'Oran). Il s'agit, en premier lieu, de déterminer avec la plus grande exactitude possible dans quelles circonstances les deux victimes, 74 et 30 ans, ont été mortellement touchées par balles. Et de dire, en second lieu, si l'homicide était accidentel ou volontaire. Deux éléments d'investigation, non encore remis au magistrat instructeur, selon nos sources, auront leur poids : le rapport d'autopsie du service médico-légal et celui de la balistique de la gendarmerie scientifique. Une fois tous les éléments d'information rassemblés, l'on procèdera fort probablement, en phase finale de l'enquête, à une reconstitution des faits afin de recomposer le puzzle, et ce en présence des trois mis en cause inculpés d'homicide et d'exercice de la chasse sans autorisation. Que s'est-il passé cette nuit-là ? Cinq agriculteurs se donnent le mot de sortir la nuit pour abattre les sangliers, dont les dégâts sur leur céréaliculture jouxtant la réserve d'animaux protégés avaient atteint des proportions alarmantes. Armés de leurs fusils, ils se lancent dans leur chasse au porc sauvage. Un groupe se met à battre les champs et les taillis pour en faire sortir le gibier. De l'autre front, un autre groupe se met aux aguets à hauteur de la ligne de grillage bornant la réserve protégée. Première étape réussie, un sanglier traqué se fait coincer dans une des brèches pratiquées par ces animaux sauvages pour s'ouvrir un accès sur les prés avoisinants. Commence alors une rafale de tirs très approximatifs, voire à l'aveuglette, en direction de la bête qui grognait à mort. Soudain des cris d'homme. Après le cessez-le-feu, l'épouvantable surprise: on aperçoit deux des cinq chasseurs allongés par terre, corps inertes. L'un deux, le plus âgé, un septuagénaire, touché par une balle qui lui a transpercé le crâne, rend l'âme sur le coup. L'autre, la trentaine, ayant reçu 3 projectiles dans différents endroits du corps, succombera à ses blessures aux UMC le lendemain. Cette sinistre campagne de chasse relance le débat sur la pratique hors du cadre réglementaire de cette activité. Le président de l'association «Aigle d'Or», Kachra Noureddine, un vétéran de cette passion réglementée, tient à préciser de prime abord que «les cinq personnes concernées ne faisaient partie d'aucun cadre associatif». En effet, selon plusieurs sources concordantes, il ne s'agissait pas d'une battue administrative inscrite dans le cadre de la lutte contre la prolifération des sangliers pour en limiter les effets nuisibles (destruction de culture, accidents de la route ). Selon les explications de notre interlocuteur, par ailleurs ancien membre de l'association «les Emules de Nemrod», la battue administrative, acte de destruction réglementaire, a surtout vocation à régler des problèmes ponctuels. Du point de vue légal, une battue ou une chasse administrative n'est plus un acte de chasse, mais un acte de destruction qui relève du cadre réglementaire. Seules sont considérées comme battues administratives les battues organisées sous le contrôle et la responsabilité techniques des services de l'ordre. Son organisation est, en effet, du ressort du wali, qui peut ordonner par arrêté la destruction d'une espèce, dès lors que sa prolifération trouble l'ordre public ou vient léser certains intérêts, agricoles en particulier.