Une époque est morte et les peuples arabes lui enlèvent ses chaussures, sa veste volée, ses dents en or et reprennent sa monnaie qui est la leur. Le chroniqueur est l'enfant de cette génération endoctrinée au saladanisme facile. Comprendre : Saladin va revenir ou est revenu, va libérer la Palestine, inventer la roue et nous rétablir dans notre droit d'anciens propriétaires du monde, avant la chute de Grenade. Un mythe profond, enraciné comme une dent, tenace et nourri avec du vent et des poèmes. Saladin a été un peu Saddam avant que l'on découvre que c'est un rat caché dans un trou à Tikrit, armé d'une poignée de sable et capable de tuer les siens, pas les ennemis de son pays. Puis Saladin a été, secrètement, le Ben Laden, avant que l'on comprenne que c'est un tueur des siens par les autres, un voleur d'âme, et une fiction ravageuse. Puis Saladin a été la poésie, le chant, le cri, les images et la cause palestinienne. Saladin a été présenté comme étant Arafat puis, en dernier sur la liste, sous la forme de Nasrollah, le chef du Hezbollah. Un moment, un long moment, les enfants de la génération du chroniqueur y ont vu le vainqueur par zéro à zéro d'Israël et sa légendaire armée, le bouclier, le dernier, contre l'invasion, le nez des Arabes, le seul parti qui vaut dix Etats. Puis ce fut la fin. Avec les Révolutions arabes, celle des Syriens surtout, on découvre que «l'Arabe», le vrai, est un être seul, dont tous veulent le pétrole et la mort, et dont personne ne veut la rencontre. Les Syriens sont aujourd'hui seuls. Personne ne veut la chute du Rat de Damas, sauf eux, dans la solitude de leur cri et cœurs, debout chaque nuit, sans armes ni soutiens. On pourra en parler des heures mais ce n'est pas l'objet de cette chronique. L'objet, c'est la vérité : celle qui veut que le Hezbollah n'est pas notre Saladin, ni notre parti, ni notre ami. C'est un instrument, pas une vengeance d'Allah contre Jéhovah. Aujourd'hui, ce parti qui a provoqué une guerre pour réussir à faire basculer les Libanais de son côté, alors qu'il savait qu'il n'en sortirait pas gagnant militairement, appelle à soutenir El Assad. Nasrollah, qui a déjà envoyé ses hommes faire les snipers en Syrie, explique depuis hier que la dictature de Bachar et de sa famille est nécessaire, vitale pour l'équilibre de la région. Il explique que sans le Rat de Damas, Israël est gagnante et que la révolution des Syriens qui meurent est un complot. La Syrie étant un pays composé de deux cents vrais Syriens, les Alaouites au pouvoir et de quelque 26 millions de traîtres, c'est-à-dire le reste du peuple. Dans le journal «Ashrak El Awsat», un responsable de ce parti, expliquera cette semaine que Hezbollah est prêt à provoquer une guerre rapide avec Israël pour «alléger la pression sur Bachar El Assad». C'est vous dire ce que nous sommes tous aux yeux de ces gens là, qui nous parlent au nom de Dieu, d'Allah ou de la nation : de la chair à canon, des dos d'âne, des statistiques, des barils, des tonneaux, des équations dans leur jeu, des bouteilles vides, des moutons. C'est vous dire qu'il faut se réveiller des illusions d'un siècle entier : les islamistes ne sont pas là pour notre bonheur et notre liberté, autant que le Hezbollah, autant que les dictateurs arabes, autant que les régimes occidentaux, autant que les apparatchiks de la «cause palestinienne», autant que les Cheikh cathodiques, les muftis en vrac et les leaders vieillissants. Nous sommes seuls, sans têtes, ni mains, poitrine ouverte et le cri à la bouche. Une époque est morte et Saladin est mort. Les dictateurs arabes ont démontré qu'ils peuvent tuer un peuple pour assurer l'héritage de leur fils. Les sectes genre Hezbollah démontrent aujourd'hui qu'elles se soucient peu de vos libertés et de vos martyrs. Ce n'est pas faire le jeu de l'Occident que d'en parler, mais assumer la lucidité : nous sommes seuls et ces gens-là, tous ces gens dits de Dieu ou de la décolonisation, sont nos ennemis et, surtout, les ennemis de nos enfants à venir. Hezbollah n'est pas Saladin, mais un parti armé qui sert les intérêts de ses maîtres. C'est la définition la plus exacte du terrorisme. La Syrie de Bachar est un nid de rats qui commencent à s'inquiéter face à la Syrie du peuple.