Le N.1 de l'immobilier du Maroc, Anas Sefrioui, qui pèse environ 2,5 milliards de dollars selon «Bloomberg», est en discussions pour le rachat du Raja de Casablanca, l'un des plus prestigieux clubs de football marocains. L'investissement dans le football ne fait pas peur aux «bâtisseurs» au Maghreb. Anas Sefrioui prend le chemin de Ali Haddad le patron de l'ETRHB qui s'est offert l'USM Alger en juin 2010. Les professionnels maghrébins de la construction, de l'immobilier et des travaux publics sont-ils plus «casse-cou» que les industriels et autres grosses fortunes pour investir dans des entreprises sportives aux horizons parfois incertains ? A moins qu'il n'y ait sur le plan politique et médiatique un retour sur investissement important, qu'ils pressentent plus que leurs pairs chefs d'entreprises. Anas Sefrioui, patron notamment du groupe immobilier Addoha Douja Promotion, s'apprête à acquérir le Raja de Casablanca, un des deux clubs phares l'autre étant le Widad- de la capitale économique marocaine créé au sortir de la Seconde Guerre mondiale, par des nationalistes et syndicalistes de l'Union marocaine du travail (UMT). La démarche d'Anas Sefrioui répond au lancement du professionnalisme dans le football au Maroc les clubs étant astreints à devenir des sociétés ou entreprises économiques à partir de cette saison 2011 2012. Une directive en fait de la FIFA appliquée, par ailleurs, déjà en Algérie dès la saison dernière et marquée notamment par l'arrivée du chef d'entreprise Ali Haddad à la tête du prestigieux club algérois et non moins populaire de l'USM Alger. Convergence remarquable, l'ERTHB, le groupe que dirigent les frères Haddad, est le leader algérien dans les travaux publics et le bâtiment. Un investissement en territoire populaire Ali Haddad n'a eu à débourser qu'environ 7 millions d'euros pour s'emparer de l'USMA, un montant appréciable dans le contexte algérien, mais insuffisant au Maroc. Le chèque que compte sortir Anas Sefrioui n'est pas encore connu. L'homme d'affaires, seconde fortune du Maroc après le Roi Mohamed VI, deviendrait l'actionnaire de référence dans la nouvelle société qui détiendra le Raja Casablanca, aujourd'hui le club le plus titré du Maroc avec une participation au championnat du monde des clubs (Brésil, 2000). Si les pourparlers avec l'équipe dirigeante en place débouchent sur un accord, le Raja pourrait devenir très vite le club le mieux armé financièrement au Maroc et peut-être au Maghreb. Cela serait curieux également de voir tomber dans l'escarcelle d'une fortune identifiée au Makhzen, ce club symbole fort de la contestation sociale au Maroc des années 80-90, avec ses milliers de supporters venant des quartiers défavorisés d'une ville de plus de 4 millions d'habitants. «Des champions issus des quartiers» qu'il construit Le milliardaire Anas Sefrioui, 53 ans natif de Sefrou (près de Fès), est en effet devenu un des proches parmi les proches du Roi du Maroc.Sefrioui abandonne ses études dès le secondaire pour aller travailler avec son père Abdeslam Sefrioui. Dès 1987, il se lance dans la viabilisation et le lotissement de terrains économiques, avant de passer à l'immobilier au milieu des années 90 avec l'opération 200.000 logements lancée alors par le défunt Hassan II. Mais, avant d'intégrer le marché de l'immobilier, le patron d'Addoha s'était diversifié, entre autres, dans la production de sacs à ciment. Il a créé des usines à Fès, Agadir et Casablanca. De 5% de parts de marché, il est parvenu à en détenir 50%. A la veille de son entrée en Bourse en 2005, son groupe dégageait un résultat net d'impôts de plus de 600 millions de dirhams. Le monde du «sport-business-politique», Anas Sefrioui le connaît bien. Il a participé en tant que sponsor en 2008 à la création d'un projet cher au Roi : la construction de l'Académie Mohamed VI pour le football. Aux côtés des Othman Benjelloun, PDG de la BMCE Bank, Abdeslam Ahizoun de Maroc Telecom, Mustapha Bakouri de la CDG (caisse de dépôts et de gestion) et le nouveau patron de l'Omnium nord africain (ONA) Moatassim Belghazi, il formule (déjà) le vœu que «des champions nationaux du foot soient issus des quartiers que construit son groupe». Tout comme son «alter-ego» algérien de l'USMA, Sefrioui pourrait, si les négociations arrivent à leur terme avec le bureau exécutif rajaoui, changer la donne dans le monde du football maghrébin. L'arrivée d'hommes d'affaires et d'investisseurs à la tête des clubs leur donne une plus grande surface financière et un management moderne. En règle générale les résultats sportifs suivent dans les trois ans. Et déclenche une spirale vertueuse de revenus. Mais pas toujours.