Nouvellement (re)créée, la chambre algéro-française a fait hier sa première sortie publique à l'hôtel Hilton d'Alger avec une toute nouvelle équipe de gestionnaires dont le directeur et le vice-président sont algériens. Créée par des hommes d'affaires français avec un agrément signé en 1975, la chambre s'appelait à cette époque la CFCIA (Chambre française de commerce et d'industrie en Algérie). Elle a activé en Algérie jusqu'en 2009 - avec une coupure de 1991 à 1995 - avant de se voir signifier un gel de ses activités pour raison de non-conformité aux lois algériennes en vigueur. Pour rappel, l'institution de droit algérien a connu une période de flottement entre 1990 et 1991 parce que sa directrice générale - Mme Serr - a démissionné en raison de l'insécurité qui régnait à cette époque dans le pays. C'est Jean-François Heugas en tant que directeur général et Michel De Caffareli en tant que président qui reprendront le flambeau de la CFCIA avec comme membres sa trentaine d'entreprises françaises et sa quinzaine d'associés algériens retenus tout au début de sa création. A la même période (91), le ministère de l'Intérieur algérien avait promulgué une nouvelle loi sur les associations dont les dispositions s'appliquaient directement à la chambre française. Comme l'ensemble des autres entités concernées, la CFCIA avait en main six mois pour s'y conformer. Ce à quoi ses dirigeants ont, selon des sources algériennes, refusé de se plier mais ont continué à la faire fonctionner à partir de Paris sous l'appellation CFCIA section France. Ceci tout en gardant en veille la section algérienne (Voir le Quotidien d'Oran du 6 septembre 2009). Activant de 1991 jusqu'à 1995 à Paris, la CFCIA se fait déplacer par ses responsables en Algérie pour l'installer à la villa Clarac sur les hauteurs d'El Mouradia. Il est important de noter qu'une année avant 1994 -, un Airbus d'Air France avait été détourné au niveau de l'aéroport d'Alger. L'Algérie avait été mise de fait sous embargo. La reprise des activités de la CFCIA sur le sol algérien avec un agrément de 1975 ne constituait pas ainsi une priorité pour les autorités algériennes qui étaient occupées par la profonde détérioration de la situation sécuritaire dans l'ensemble du pays. A tel point que l'on dit qu'aucun responsable ne s'était rendu compte que la chambre française fût de retour et en activité. Du coup, la CFCIA avait intéressé les Algériens pour surtout une seule raison à savoir l'obtention du fameux visa qui, à l'époque, était délivré au compte-gouttes. Une véritable aubaine pour la chambre française qui avait collecté en une année 1995 - plus de 1600 adhérents. Les adhérents algériens qui en constituaient la majorité devaient s'acquitter de frais de cotisation équivalant à 35 000 DA et pouvaient prétendre au visa non seulement pour eux mais aussi pour leurs familles. Les adhérents français, eux, payaient un peu plus - 45 000 DA - mais étaient considérés comme membres à part entière avec le droit d'être éligibles et électeurs. Selon nos sources algériennes, la CFCIA engrangeait à l'époque plus de 3 milliards de rentrées par an. Elle s'occupait de formation, de management et même d'enseignement de la langue française. Des activités qui n'ont rien à voir avec celles qui lui sont originelles à savoir la représentation des intérêts collectifs français en Algérie et la promotion des échanges franco-algériens. «LA CCIAF N'A PAS LE DROIT DE TOUCHER A TOUT» Par des artifices juridiques, la CFCIA avec ses deux sections (celle d'Alger et celle de Paris) était ainsi maintenue en activité Elle fonctionnait hors normes, en toute illégalité, sans agrément et sans paiement des impôts que lui devait l'Etat algérien. Elle a été même labellisée par UBIfrance, l'organe chargé de promotion du commerce extérieur français et participait aux différentes éditions de la Foire internationale d'Alger. C'est en 1999 qu'elle a été rappelée à l'ordre par les autorités algériennes notamment celles du ministère du Commerce pour se conformer à la loi 91. Mais rien n'y fait. Le ministère de l'Intérieur sera très long à la détente. Des courriers des structures concernées lui ont été adressés en 2004 puis en 2006, année à laquelle les Français avaient saisi Mohamed Bedjaoui alors ministre des Affaires étrangères, pour lui faire part des pressions du ministère du Commerce. En 2007, le ministère de l'Intérieur décide de donner suite aux correspondances du ministère du Commerce mais se voit envoyer un courrier par l'ambassadeur de France par lequel il lui faisait part de «sa disponibilité à coopter les Algériens». Enfin, ce n'est qu'en juillet 2009 que la demande française de mise en conformité de la CFCIA avec les lois en vigueur a été remplacée par le dépôt d'un dossier d'agrément auprès des instances algériennes habilitées pour être carrément recréée sur la base d'un changement de statut avec de nouveaux membres fondateurs et une nouvelle assemblée générale. «Jean-Pierre Rafarin a réglé cette fois deux différends majeurs, l'agrément de la CCIAF et les problèmes technico-financiers du métro d'Alger», nous avait affirmé un diplomate français en mai dernier au lendemain de la tenue du forum d'hommes d'affaires algéro-français qui s'est tenu à Alger les 30 et 31 mai dernier. La CCIAF est présidée aujourd'hui par Jean-Marie Pinel qui n'est autre que le président de KPMG et qu'assiste au niveau de la Chambre un vice-président algérien. Redha Baki en est son directeur général. Son conseil d'administration est composé «à moitié-moitié» de représentants algériens et de représentants français. C'est un peu ce qui fait partie des changements qu'elle a été obligée d'entreprendre pour prétendre à un agrément conforme aux lois nationales en vigueur. «La CCIAF ne doit pas toucher à tout comme la CCIFA le faisait avant elle. Par exemple, elle n'a plus le droit de monter des salons mais doit se contenter de mener à bien ses missions initiales dont la plus importante est d'informer ses adhérents algéro-français», nous dit une source diplomatique française.