Les forces syriennes ont bombardé, hier samedi, la ville rebelle de Homs, tuant plus de 230 civils lors d'un «massacre terrifiant», a affirmé l'opposition en appelant à un changement d'attitude de la Russie dont le chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov, se rend mardi à Damas. Une résolution condamnant la répression menée par le régime du président Bachar Al-Assad, mais à laquelle la Russie s'oppose, devait en principe être soumise dans la journée au vote des 15 membres du Conseil de sécurité de l'ONU. Face à l'escalade des violences et devant les fortes pressions sur Moscou pour que la Russie ne s'oppose pas à une résolution contre son allié syrien, M. Lavrov va se rendre en Syrie pour rencontrer M. Assad et tenter de trouver une issue pacifique à la crise, selon son adjoint. Plus tôt dans la journée, la Russie a dit rejeter le projet de résolution soutenu par les Occidentaux et espérer qu'il ne soit pas soumis au vote du Conseil de sécurité, malgré plusieurs concessions majeures. Dans l'épisode le plus meurtrier en près de 11 mois de révolte populaire, plus de 230 civils, dont des dizaines de femmes et d'enfants, ont été tués, dans la nuit de vendredi à samedi, dans un bombardement «aveugle» par les forces du régime à Homs, selon les groupes de l'opposition. Il était difficile de confirmer l'information de source indépendante en raison des fortes restrictions imposées à la presse étrangère dans le pays. Les autorités syriennes ont démenti tout bombardement sur Homs et affirmé que les violences avaient été le fait de «groupes armés», comme elles le font depuis le début mi-mars 2011 de la révolte dont elles refusent de reconnaître l'ampleur. Selon les militants, le quartier d'Al-Khaldiyé à Homs a été le plus visé par les bombardements très violents qui ont détruit complètement certains édifices. «Le pilonnage a cessé ce matin, et les habitants sont sortis à la recherche des morts et des blessés enfouis sous les décombres», a déclaré par téléphone Hadi Abdallah, un militant de ce quartier. Et les habitants ont commencé à enterrer leurs morts. «Près de 200 martyrs seront enterrés dans le jardin de la Liberté», a-t-il ajouté. Selon le chef de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane, le nombre des morts à Homs s'élève désormais à 237, dont 99 femmes et enfants. Le Conseil national syrien (CNS), la principale coalition d'opposants, a, pour sa part, fait état de 260 morts et de centaines de blessés dans le bombardement au mortier de zones résidentielles à Khaldiyé et Qoussour, parlant de l'un des «massacres les plus terrifiants» depuis mars. Les chaînes arabes, Al-Arabiya et Al-Jazira, ont montré des dizaines de corps sans vie jonchant les rues de Homs, surnommée la «capitale de la révolution». Hier encore, les forces du régime ont tiré sur une foule participant aux funérailles de victimes de la veille à Daraya près de Damas, faisant 12 morts et 30 blessés, selon l'OSDH. Le CNS a exhorté la Russie à «clairement condamner le régime et à le tenir pour responsable pour les massacres». Les Frères musulmans, qui font partie du CNS, ont appelé à l'ouverture d'une enquête internationale et demandé à la Croix-Rouge internationale, «absente sur le terrain, d'agir immédiatement pour sauver les blessés». La Russie, par la voix de M. Lavrov, a affirmé, plus tôt à Munich, que le projet de résolution ne lui convenait «absolument pas» et que le soumettre samedi au Conseil de sécurité de l'ONU provoquerait un «scandale». Le ministre russe a cependant ajouté qu'il souhaitait parler de cette résolution avec la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, avant d'annoncer qu'il se rendrait mardi à Damas avec Mikhaïl Fradkov, le chef des renseignements extérieurs russes, «à la demande du président russe». De l'autre côté de l'échiquier, l'Allemagne a appelé l'ONU à «condamner» les violences du régime et la Turquie a estimé que l'ONU devait adopter «une position claire». A l'étranger, les violences à Homs ont suscité la colère de nombreux Syriens qui s'en sont pris à leurs ambassades, en particulier au Caire, où ils ont saccagé le bâtiment et mis le feu au rez-de-chaussée, et à Koweït, où une quarantaine de personnes ont été arrêtées après l'assaut de l'ambassade. A Athènes et Londres, des manifestants ont pénétré aussi dans l'ambassade syrienne. Et à Tunis, la présidence a annoncé qu'elle s'apprêtait à expulser l'ambassadeur de Syrie à la suite des violences de Homs.