L'accord de réconciliation conclu en avril 2011 en Egypte entre le Fatah et le Hamas a buté pour son application sur le point de la désignation du nouveau Premier ministre palestinien, dont l'équipe gouvernementale aurait la charge d'organiser les élections présidentielle, législatives et du Conseil national palestinien (CNP). Réunis dimanche à Doha, au Qatar, sous l'égide de l'émir Hamad Ben Khalifa Al-Thani, Mahmoud Abbas pour le Fatah et Khaled Mechaal au nom du Hamas sont parvenus à l'entente sur ce point de divergence. Le Hamas a obtenu que le Fatah renonce à la reconduction à son poste du Premier ministre en exercice, dont il ne voulait pas entendre parler, mais a concédé que le nouveau gouvernement intérimaire soit conduit par le Fatah, en la personne de Mahmoud Abbas lui-même. En théorie, plus rien n'entrave l'application de l'accord d'avril 2011. Sauf qu'il reste à savoir si l'arrangement intervenu à Doha entre Mahmoud Abbas et Khaled Mechaal va être entériné par l'aile du Hamas conduite par Ismaïl Haniyeh, qui se considère toujours comme le Premier ministre palestinien légitime. Des signes de frictions sont apparus en effet entre Khaled Mechaal et Haniyeh avant même que celui-ci ne s'accorde à Doha avec Mahmoud Abbas. La raison en serait que l'aile du Hamas dirigée par Haniyeh n'aurait guère apprécié les termes de l'accord de réconciliation négocié et signé au nom du Hamas par Khaled Mechaal. A tort ou à raison, Haniyeh et ses partisans soupçonnent Mechaal, chef nominal du Hamas, d'avoir entraîné celui-ci dans l'engrenage de l'abandon de ses alliances régionales actuelles et de son intégration dans celle regroupant les monarchies de la région, menant une stratégie de recomposition politique d'inspiration américano-israélienne. Ce n'est pas un hasard si Haniyeh s'est rendu à Téhéran au moment où se rencontraient à Doha Mechaal et Mahmoud Abbas. Dans la grande partie qui se joue au Proche-Orient, derrière les changements qui s'opèrent, Américains et Israéliens font le forcing par le biais de leurs alliés arabes que sont les monarchies de la région, et le Qatar en particulier, pour que les Palestiniens, y compris le Hamas, acceptent le nouvel ordre qui s'instaure dans le sillage des révolutions et y prennent leur place aux conditions définies par eux. L'arrivée des Frères musulmans au pouvoir en Egypte, la perspective de l'effondrement du régime syrien et les pressions du Qatar, décidément sur tous les fronts de crise du monde arabe, ont, semble-t-il, rendu Khaled Mechaal plus réceptif à l'idée de l'intégration du Hamas dans la nouvelle configuration politique proche-orientale. Le problème est que la nouvelle réconciliation interpalestinienne, ratifiée par Mechaal avec une telle arrière-pensée, est susceptible d'entraîner la fracture au sein du Hamas qui la remettra totalement en cause. Khaled Mechaal espère en avoir prémuni son organisation en faisant savoir qu'il est prêt à renoncer à la direction du Hamas. Il n'est pas toutefois certain que l'aile dure de celui-ci, menée par Haniyeh, entérine, malgré cette intention annoncée par Mechaal, les accords du Caire et de Doha qui, à ses yeux, conduisent au renoncement par Hamas à ses positions sur la question du conflit palestino-israélien et à la stratégie d'alliance à laquelle il adhère pour faire face à ses défis. Le risque donc est qu'à la confrontation entre le Hamas et le Fatah, va s'ajouter celle entre factions de l'organisation islamiste. De quoi faire craindre des moments difficiles pour le peuple palestinien et son unité nationale.