La campagne électorale française pour le premier tour de l'élection présidentielle entre dans ses derniers moments. Avec des ralliements fracassants en faveur de François Hollande de la part de «ministres d'ouverture» qui avaient, sur sollicitation de Sarkozy, quitté - pour ne pas utiliser le mot «trahi» - leur camp présumé à gauche. C'est bien entendu très trivial et léger et cela ne mérite pas qu'on y sacrifie beaucoup d'encre. Il faut dire aussi que dans cette campagne électorale on a vu bien pire que ces postures-girouettes, un phénomène qui a toujours existé, mais qui a été amplifié par Nicolas Sarkozy. Le pire est justement venu du camp du président sortant - toujours perdant dans les sondages au second tour face à François Hollande - qui a surfé jusqu'à la nausée sur la campagne de l'extrême droite. En allant jusqu'à reprendre, après l'avoir dénoncé, le thème lepéniste du «halal» et en le présentant comme un souci majeur des Français. Sans effet d'ailleurs. Les sondages confirment que cette course aux thèmes de l'extrême droite n'a pas apporté plus d'intentions de vote à Nicolas Sarkozy, l'électorat d'extrême droite préférant bien l'original à sa honteuse copie. Le camp présidentiel est allé si loin sur ce registre qu'il n'arrive pas - ou n'essaye plus - à convaincre un électorat centriste qui regarde du côté de François Bayrou. Cette évolution de la campagne - et des sondages - est en général conforme à ce qui était prévu. Face à un fort noyau électoral qui ne veut absolument pas de Sarkozy à l'Elysée, François Hollande s'installe virtuellement comme président par défaut. Et sa campagne, même quand le ton se «durcit», est demeurée totalement lisse. Le candidat socialiste n'est en effet pas particulièrement clair sur ses intentions mais le rejet de Sarkozy, combiné à une solide machine électorale et des réseaux, lui permet de se placer en alternative. Sur le fond, François Hollande est plutôt un centriste, plutôt de droite que de gauche. Sa vraie campagne, ce sont les échecs du président en titre et ses excès qui la font pour lui. On est bien dans un jeu classique d'alternance où les différences sont parfois importantes mais ne sont jamais fondamentales. La social-démocratie européenne est, depuis fort longtemps, dans une logique de soumission aux «marchés». Elle peut agir sur les marges, elle ne brusque jamais l'ordre. La vraie nouveauté de cette campagne est de voir, à travers la candidature de Jean-Luc Mélenchon, la réémergence d'une demande de gauche au sein de la société française. Celle-ci semblait avoir pratiquement disparu ou réduite à une existence groupusculaire. Parti d'une prévision de 5%, Mélenchon a développé un discours qui tente de renouer avec les vieilles traditions de combat politique et social et a fini par se retrouver avec près de 15% d'intentions de vote. On ne sait pas encore si ce courant de gauche qui a émergé à nouveau aura un lendemain. Le PCF qui a été de fait la machine électorale de Mélenchon cherchera à lui donner une consistance. Mais on peut déjà constater que la campagne de Mélenchon a permis de reprendre une bonne partie de l'électorat ouvrier qui, par dépit, se plaçait sur le Front national. Le retour à une gauche non affadie comme l'est la social-démocratie est probablement le bon antidote à la montée d'une extrême droite raciste et xénophobe dont le discours est en train de phagocyter la droite.