Le gouvernement du Maroc fait face à une sérieuse détérioration de ses comptes publics en 2012. Le chiffre d'un déficit prévisionnel de 9% du budget de l'Etat rapporté au PIB a été vite démenti, mais le scepticisme s'est insinué sur la possibilité à boucler l'année sans tours de vis supplémentaires. Déjà la sortie à l'international pour un emprunt paraît certaine, sans doute dès le début du second semestre. « S"i les islamistes du PJD devaient absolument prendre le gouvernement, c'est peut-être le meilleur moment», ironise, non sans malice, Amira Louafi, une universitaire marocaine, proche des communistes du PPS. Entendre, jamais depuis dix ans la conjoncture économique n'a été aussi difficile pour un gouvernement aux affaires à Rabat, «tant mieux que cela soit le PJD, les islamistes montreront plus vite leurs limites dans la gestion». Il faut dire que les premières alarmes sur la précarité des finances publiques sont venues du camp même du parti d'Abdellilah Benkirane. Le numéro 2 du PJD, l'économiste Lahcen Daoudi, ministre de l'Enseignement supérieur, a lâché il y a un mois un «Le Maroc est au bord de la faillite» qui a tendu le climat. Il est vrai que rien n'est venu durant le second trimestre de l'année atténuer le sentiment de dérapage perçu en avril dernier. Au contraire, au déficit commercial creusé à 5,8 milliards de dollars est venu s'ajouter un début de saison touristique décourageant et une mauvaise prévision de récolte agricole avec notamment une baisse de 40% pour le blé et l'orge. Conséquence, c'est la prévision de croissance pour 2012 qui file à la baisse de trimestre en trimestre. Des 5,5% déployés initialement par le PJD, le curseur a glissé à 3,4% en attendant probablement encore moins après le solde des 9 mois. Pour ne rien arranger à ce tableau, deux déclarations ont brutalement donné début juin une dimension grave à la conjoncture. La première est une projection de la loi de finances 2012 par le Trésor public. Elle multiplie par 04 la prévision initiale du déficit à 9,2% du PIB. Un chiffre qualifié de séisme par la presse spécialisée. La seconde est une «sortie inopinée» d'un fonctionnaire du même Trésor public qui laisse entendre que les levées de fonds sur le marché domestique pour financer les 75 milliards de dirhams de déficits pour le seul budget de l'Etat ont atteint leurs limites et que le Maroc aurait bientôt recours à une sortie à l'international pour un emprunt. POUR AL AZAMI, L'ORIENTATION RESTE BONNE Le ministre délégué au Budget Driss Al Azami a choisi de ne pas démentir cette dernière information. Il a récemment déclaré au quotidien l'Economiste que «rien n'était encore décidé» au sujet de l'emprunt à l'international. A Rabat, en marge d'un séminaire régionale sur la transition et la gouvernance dans la région de l'Afrique du Nord, les avis des experts marocains sont plus tranchés. «Il faudra lever des fonds sur les marchés mondiaux et le plus vite serait le mieux, car la dégradation des comptes n'est pas près de se ralentir en 2012». Evolution devant laquelle Driss Al Azami préfère rappeler les bons fondamentaux de la compétitivité marocaine en 2012. Pour lui, l'économie domestique est bien orientée. «L'indice d'utilisation des capacités de production est à 73,3% à fin avril contre 73% l'année dernière. Au niveau de la consommation de l'électricité à usage industriel, nous sommes à +14,3%, un niveau largement supérieur à la moyenne observée durant ces dernières années. Les ventes du ciment ont également augmenté. Nous avons donc des indices encourageants en matière de dynamique économique interne». Le ministre délégué au Budget cite une tendance aux exportations marocaines à faire mieux que de la résistance face à «la crise que connaissent nos partenaires européens». Hausse de plus de 5% à fin mai contre 7% pour les importations. Même ce ciseau du déficit commercial qui affecte tant la balance des paiements marocaine n'est pas à considérer avec tant d'effroi. «Hors facture énergétique qui pèse, le rythme des importations est inférieur à celui des exportations». A côté des phosphates, les exportations des produits électriques et électroniques ainsi que des voitures de tourisme augmentent». «UN PLAN D'AJUSTEMENT RAMPANT » La vérité pour les experts est que «les acquis de la modernisation du tissu entrepreneurial des dernières années sont toujours là. Mais la marge de manœuvre budgétaire du court terme du gouvernement s'est beaucoup réduite». La dette publique du Maroc, à 51% du PIB n'est pas du tout comparable à celle des pays en crise de la zone Euro, mais les leviers d'une croissance plus vigoureuse sans nouveaux recours à un surcroît de dépense publique ont disparu. Lahcen Daoudi, par qui la sirène d'alarme a sonné, a été jusqu'à comparer la situation de 2012 à celle du milieu des années 80, lorsque le Maroc a dû devoir recourir à un plan d'ajustement structurel. Sans aller aussi loin, le ministre de la Gouvernance et des Affaires générales Najib Boulif a reconnu à la tribune du séminaire de la Banque mondiale sur la transition et la gouvernance que «l'efficacité budgétaire» serait la première priorité de son gouvernement en 2012. Son gouvernement veut dégonfler le solde de la caisse de compensation en constante hausse ces dernières années. Objectif : passer de 4,5 milliards de dollars de subventions en 2011 à 3,7 milliards en 2012. Un pari perdu d'avance. Les syndicats, notamment dans le secteur public, sont en configuration de combat. Le nombre de grèves a doublé au Maroc en 2012. Le chemin vers l'emprunt international se précise à grands traits.