Le MNLA «laïc» et «démocratique» et indépendantiste, présenté comme le plus grand mouvement de rébellion targuie est en déroute politique et militaire face à Ançar Eddine et ses alliés djihadistes. Le nord du Mali est désormais entièrement entre les mains des djihadistes. Et cela peut devenir un argument pour lever les réserves contre une intervention militaire étrangère. Battus à Gao et chassés sans combat de Tombouctou, le MNLA (Mouvement national de libération de l'Azawad) qui a proclamé, dans la précipitation, l'Etat de l'Azawad, est mis hors jeu par les factions islamistes composées d'Ançar Eddine et ses alliés du Mujao et d'Aqmi. Les islamistes ont désormais le contrôle effectif de toutes les grandes villes du nord du Mali repoussant les éléments du MNLA hors de tout contact avec la population. La bataille de Gao, engagée mercredi dernier contre le Mujao, a tourné à la déroute pour les forces du MNLA dont les sympathisants fuyaient et se cachaient. Cette bataille de Gao était le point culminant d'une guerre d'influence qui dure depuis trois jours entre le MNLA et le Mujao. Le bilan de cette bataille est d'au moins 20 morts selon des témoins, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a annoncé vendredi avoir recensé 41 blessés par balle, dont 40 étaient pris en charge par l'hôpital de Gao et un évacué vers le Niger «pour une intervention chirurgicale spécifique». Les islamistes ont réussi à gagner le soutien d'une partie de la population. En jouant aussi bien sur le facteur religieux que sur le travail mené, argent à l'appui, en direction des notables. Ils ont surtout montré une discipline qui donne un sentiment de sécurité à une population éprouvée par les exactions. Et enfin, last but not least, ils ont joué sur le rejet de l'indépendance et il était loisible de constater qu'à la manifestation organisée après l'assassinat d'un enseignant et conseiller municipal par des individus non identifiés, les drapeaux du Mujao se mêlaient à ceux du Mali. A TOMBOUCTOU, LE MNLA A PLIE BAGAGE SANS COMBAT La partie était mal engagée pour le MNLA à Gao et l'explication par les armes a été rapide et tranchante. Le secrétaire général du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), Bilal Ag Chérif, aurait été blessé mercredi au cours de ces combats et aurait été évacué vers un pays voisin. Les islamistes tenaient la ville et leur drapeau noir flottait partout y compris au siège du gouvernorat qui était sous contrôle du MNLA. Dans la foulée de cette expulsion par les armes des indépendantistes targuis de Gao, le groupe Ançar Eddine a intimé l'ordre aux éléments du MNLA de quitter Tombouctou. Prenant acte du rapport de force, les combattants du MNLA ont choisi d'obtempérer sans tenter de livrer bataille. Jeudi, ils n'étaient plus à Tombouctou et ses environs. Les éléments du MNLA ont reçu un ultimatum de deux heures et ils se sont exécutés rapidement. Un responsable de la police d'Ançar Eddine dans la ville (police islamique) a affirmé : «Le MNLA (devait) partir et ils sont partis. Maintenant, c'est terminé.» C'est une succession de coups durs pour le MNLA qui se présentait comme le plus fort mouvement de rébellion touareg mais qui rapidement a été supplanté par Ançar Eddine. Ce dernier aurait même réussi à aspirer de plus en plus d'éléments jeunes du MNLA en son sein. L'affaiblissement militaire du MNLA dont l'implantation est désormais réduite au désert à l'ouest du Mali s'accompagne désormais d'une marginalisation politique. Sa déroute suscite de la satisfaction à Bamako où les indépendantistes du MNLA sont plus détestés que les islamistes. Mais, et le calcul n'est pas sans fondement, cette emprise totale des islamistes sur le nord du Mali pourrait être un argument pour essayer de vaincre les hésitations pour une intervention armée. UN ARGUMENT EN FAVEUR DE L'ENVOI DE TROUPES Dans les prochains jours, le Conseil de sécurité de l'ONU doit examiner, à la demande de l'Union africaine et la Cédéao, une résolution prévoyant la possibilité d'envoyer des troupes au Mali. Le Conseil de sécurité de l'ONU avait jugé insuffisant le projet de résolution conjoint de l'Union africaine et de la Cédéao sur le Mali, du coup, un nouveau texte a été élaboré. Ce serait une feuille de route qui prend en compte un ensemble de facteurs : le retour à l'ordre constitutionnel, la dissolution de la junte, la priorité donnée au dialogue dans la résolution de la crise du Nord, ou encore la lutte contre le terrorisme et les divers trafics. En cas d'échec de la négociation, le texte pourrait prévoir le recours à la force. La marginalisation militaire et politique du MNLA a créé une situation nouvelle qui peut être mise à profit pour mettre en avant le risque d'un Etat Aqmi au nord du Mali. A moins que les rebelles targuis d'Ançar Eddine ne se retournent contre leurs alliés d'Aqmi et du Mujao pour gagner en «respectabilité». Mais cela relève clairement, pour l'instant du moins, de la politique fiction. Le MNLA, s'il reçoit des soutiens extérieurs consistants, pourrait être remis dans l'équation. Mais pour l'instant, le terrain est totalement entre les mains des islamistes et des djihadistes. Une sorte de topographie politico-militaire idéale pour une intervention militaire extérieure.