Tombouctou est tombée. L'Etat malien, à travers son administration et son armée, a été expulsé du nord-est du pays qui est passé entre les mains de la rébellion targuie. Les putschistes de Bamako auront été des soutiens inattendus à la grande offensive menée par la rébellion targuie, beaucoup mieux armée, pour «libérer l'Azawad». Après Kidal, Gao, la chute de Tombouctou est le couronnement d'une action entamée en janvier et qui a pris une tournure fulgurante depuis le coup d'Etat à Bamako. Jamais auparavant la rébellion targuie n'a pu se prévaloir d'avoir conquis un espace territorial aussi vaste et d'en avoir expulsé l'Etat malien. Leur but n'est pas caché : c'est l'indépendance de l'Azawad. Ils viennent de changer la donne sur le terrain en ridiculisant totalement l'Etat malien et son armée. Mais cela ne signifie pas que leur objectif d'indépendance va être atteint. Ce qui s'est passé en quelques jours est la confirmation que le Mali est un Etat malade. Et c'est sans doute, le principal argument de la rébellion targuie, du moins celui du MNLA, pour défendre à l'extérieur la nécessité d'un Etat de l'Azawad. Le MNLA, qui s'affirme laïc et non lié aux djihadistes pullulant dans la région, essayera de se présenter comme le meilleur garant d'une sécurisation de cette zone grise. Cet argument aurait été sans doute plus défendable sans Ançar Eddine, le groupe de rebelles targuis djihadiste et qui est soupçonné d'avoir des accointances avec Aqmi. Même si le MNLA se présente comme le groupe dominant, il est difficile de connaître le poids réel d'Ançar Eddine. Mais la suspicion que ce groupe crée au niveau international devient, de facto, un obstacle à la tentative du MNLA de convaincre, à l'extérieur, de la viabilité et de l'intérêt de la création de l'Etat de l'Azawad. Il n'est pas exclu que les deux groupes rebelles, le MNLA et Ançar Eddine, finissent par avoir une «explication» par les armes. Mais ce n'est qu'une hypothèse. Les deux factions de la rébellion savent qu'une guerre interne serait désastreuse alors que les importantes positions conquises ne sont pas définitives. La Cedeao a d'ailleurs ouvertement évoqué la possibilité d'envoyer des forces pour défendre «à tout prix» l'intégrité territoriale du Mali. Il faut dire que la création d'un tel Etat au nord du Mali heurte de front la règle sécurisante de l'intangibilité des frontières issues de la colonisation. Un tel Etat, vu de la diversité des compositions ethniques au sein des Etats de la région, aura un effet redoutable. Ce qu'il faut remarquer est la grande retenue des Etats - dont l'Algérie - qui s'abstiennent avec prudence de s'exprimer sur une situation qui évolue d'heure en heure. La Cedeao est la seule à le faire, le Mali étant membre de l'organisation. Il est difficile de pronostiquer des évolutions futures. Les succès militaires de la rébellion targuie n'ouvrent pas, loin de là, le chemin à la reconnaissance internationale. Au contraire, l'ensemble des Etats insistent publiquement sur la préservation de l'intégrité territoriale du Mali. L'hypothèse la moins compliquée, si l'on sort d'un schéma de reconquête militaire, serait une négociation entre Bamako et les rebelles. Des tractations qui ouvriraient le chemin à une gestion différente du Nord via une régionalisation plus poussée, voire une autonomie. Cela permettrait de préserver l'unité territoriale du Mali et le principe de l'intangibilité des frontières. Encore faut-il qu'il existe une disposition à négocier qui ne paraît pas, actuellement du moins, à l'ordre du jour entre une rébellion en offensive et un Etat malien qui donne l'impression de n'être plus qu'une fiction.