Dans leur bureau à la Cité du chercheur, les professeurs Guerid Djamel et Lakjaa Abdelkader ont animé un point de presse. Ces deux professeurs, avec six autres chercheurs, ont déposé un projet de recherche sur ce que pense la jeunesse algérienne au niveau de la Direction Générale du PNR (Plan National de la Recherche). Ce projet est bloqué depuis son dépôt en juin 2010 et l'équipe initiatrice ne connait pas les raisons de «ce refus qui ne dit pas son nom». Les deux professeurs nous ont expliqué que le projet devait être soumis à expertise au niveau du CRASC, puisque cet établissement a été désigné par le DG du PNR pour l'évaluation de tous les projets s'inscrivant dans le chapitre «Société et population ». Tout en reconnaissant «les compétences du directeur de recherche de ce projet» et «celle de toute l'équipe », les experts du CRASC ont émis des réserves. En Juin 2011, un recours a été déposé au niveau de ce centre de recherche, affirment les conférenciers, preuves à l'appui. Devant le silence de cet établissement, un second recours a été adressé au DG du PNR, avec copie adressée au ministre de l'Enseignement Supérieur. Depuis janvier 2012, cette direction chargée de chapeauter les recherches scientifiques universitaires «n'a pas daigné nous répondre» ajoute-on. «Pourquoi on veut nous empêcher de comprendre comment fonctionne notre société ? » s'interroge le Professeur Abdelkader Lakjaa. S'exprimant sur le projet lui-même, il nous explique qu'il s'agit d'une enquête à entreprendre au niveau national, où les jeunes devront avoir la parole pour exprimer leurs préoccupations et leur vision du monde. Pareille enquête n'a jamais été entreprise chez nous, alors qu'au Maroc et en Tunisie, on cite au moins une demie-douzaine d'entreprises de ce type, ajoute le Pr. D. Guerid. On nous indique que toutes les catégories des jeunes (déscolarisés, habitants la périphérie, habitants les centres urbains, ) ont été retenus dans le canevas de l'enquête qui doit toucher des milliers de jeunes, ajoute-on. Répondant à une question, Lakdjaâ nous affirme que toutes les organisations internationales «sont preneuses» d'un pareil travail de recherche. «Mais par principe, nous estimons que nous avons le droit de faire la recherche avec les budgets que dégage l'Etat à cet effet» tonnera notre interlocuteur. Dans ce cadre, on nous précise que le PNR consacre des sommes colossales pour la recherche scientifique. Dans une émission à la chaîne 3, son directeur avait reconnu que les projets retenus ne répondent pas aux standards internationaux. Le Pr Djamel Guerid nous parlera d'un autre projet de recherche bloqué. Il porte sur la perception des étudiants de leur université, un domaine où il est spécialisé puisqu'il s'y intéresse depuis des décades. Cinq des doyens de fac qu'il a contactés lui ont facilité la tâche de faire circuler son questionnaire. Sauf celui de la Faculté des Sciences Médicales. Après examen du questionnaire, on lui répond que «certaines questions sont déplacées». Or, nous explique-t-il, le questionnaire a été établi avec la participation des étudiants dans le cadre d'un cours de Méthodologie. Au bout du compte, il se retrouve avec 539 questionnaires remplis et lui manque la centaine de la faculté des Sciences Médicales. «Ce qui rend le travail caduque» parce que dès le départ, nous avons tablé sur un échantillon comprenant les étudiants de troisième année de cette faculté. Le conseil de l'Ethique et de la Déontologie des universités a été saisi et doit se prononcer autour de cette affaire. En clair, les deux Professeurs, qui n'ont plus rien à démontrer quant à leur compétence, sont réduits à se poser des questions presque basiques. «Est-ce que c'est encore possible de prétendre engager des recherches scientifiques dans notre pays ?» Si la réponse est négative « qui bloque les initiatives des chercheurs encore jaloux de leur autonomie intellectuelle ?» Les deux conférenciers affirment que l'Etat dégage des moyens conséquents pour la recherche. Ils ajoutent qu'ils ne solliciteraient pas des organismes étrangers et encore moins des universités étrangères. « Par principe » nous répète-t-on.