«Nous aurons bientôt l'occasion de traiter ces sujets de vive voix», un passage du message «protocolaire» envoyé par le chef de l'Etat français, François Hollande, à son homologue algérien, Abdelaziz Bouteflika, à l'occasion du 5 Juillet qui coïncide avec le cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie. Un extrait de texte qui renseigne sur l'imminence de la visite de M. Hollande à Alger comme promis par le candidat socialiste au plus fort de la course vers l'Elysée. Cette «proche» visite est également évoquée par les médias hexagonaux qui estiment qu'elle interviendra d'ici la fin de l'année en cours. Et qui de mieux pour préparer cette visite que son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, attendu, dit-on à Alger, sans pour autant en préciser la date. «Laurent Fabius a bien l'intention d'effectuer à brève échéance un déplacement en Algérie, à une date qui sera annoncée en liaison avec nos partenaires algériens», a déclaré, dernièrement, Bernard Valero, porte-parole des AE dans un point de presse. Dans sa lettre circonstancielle, François Hollande rappelle ses «fondamentaux», en ce qui concerne sa vision des relations avec l'ancienne colonie de la France, et qui tiennent en quelques mots : histoire commune, amitié, partenariat et avenir. A propos de partenariat, le président français dit souhaiter une coopération accrue dans l'enseignement supérieur, la recherche scientifique et un renforcement des échanges économiques. Mais à aucun moment, son message ne fait allusion à un quelconque repentir ou à des excuses officielles réclamées par une grande majorité des Algériens. A ce propos, il indiquera dans sa lettre que «j'ai bien entendu votre appel, le 8 mai dernier, à une lecture objective de l'histoire, loin des guerres de mémoire et des enjeux conjoncturels», faisant référence au discours de Bouteflika, à Sétif, à l'occasion de la commémoration des massacres du 8 mai 1945 commis à Guelma, Setif et Kherrata, où il a appelé à en finir avec la guerre des mémoires et de tourner la page. Proche de François Hollande, Benjamin Stora, historien spécialiste de l'Algérie, et dans un entretien accordé, en mai dernier, au journal en ligne Mediapart, avait conseillé, en quelque sorte, au nouveau président français de jouer la carte de l'apaisement avec l'Algérie. L'historien estime que François Hollande doit faire des «gestes d'apaisement mémoriel» en direction d'Alger, et ce pont doit passer, entre autres, par la reconnaissance officielle du 17 octobre 1961 défendue par M. Hollande lorsqu'il s'est rendu, accompagné de l'historien, le 17 octobre 2011 dernier sur le pont de Clichy, où des Algériens ont été jetés dans la Seine. Ce geste d'apaisement est également celui d'une réponse donnée à la perche tendue par le président algérien qui ne fait plus de la repentance une condition sine qua non pour dépassionner les relations entre les deux pays. M. Hollande évoquera également dans son message à l'occasion du 5 Juillet, la question de la mémoire et du droit de vérité. «Français et Algériens partagent une même responsabilité, celle de dire la vérité. Ils le doivent à leurs aînés mais aussi à leur jeunesse». Pour M. Stora, la question de la mémoire, contentieux qui a longtemps envenimé les rapports bilatéraux, est un préalable pour éviter toute accusation de pratiques «néocolonialistes». Une question ravivée après la loi de 2005 sur les aspects positifs de la colonisation et des relations devenues conflictuelles entre les deux capitales, principalement sous le mandat de Sarkozy qui a multiplié les maladresses contre Alger en essayant désespérément de s'allier les voix des nostalgiques de l'Algérie française et des harkis. La gauche avait demandé l'abrogation de cette loi et Jean-Marc Ayrault, le président du groupe socialiste à l'Assemblée française, est d'ailleurs particulièrement sévère lorsqu'il explique ses motivations : «L'article que nous voulons abroger est une faute politique et une aberration éducative. Il n'aide pas notre pays à regarder lucidement son histoire. Il réhabilite le bon vieux temps de la Coloniale et occulte les violences, les exactions». Cette prise de position de la gauche, vers qui l'Algérie garde encore des rancœurs historiques, encouragerait le nouveau locataire de l'Elysée à entreprendre des démarches franches à même de relancer à nouveau les relations bilatérales. M. Stora a tenu à rappeler, dans cet entretien, que François Hollande a déjà plaidé pour que la France présente ses excuses pour son passé colonial et pour qu'il soit condamné sans réserve. Mais est-ce pour autant un pas vers la repentance ? L'homme qui a fait un stage de huit mois à l'ambassade de France à Alger en 1978, se dit «l'ami de l'Algérie» et devra, à cette occasion, reconnaître les crimes commis contre le peuple algérien. Une hypothèse que ne partage pas Benjamin Stora qui souligne qu'avant de s'excuser, il faut au préalable une reconnaissance officielle de ce qui s'est réellement passé. «Les gens n'imaginent pas à quel point on n'en est qu'au stade de la connaissance des faits», indiquera encore l'historien, pour qui «il n'y a jamais eu de déclaration officielle française sur les exactions commises pendant la guerre d'Algérie» et rappelant que François Hollande a dit qu'il «était prêt à faire un geste».