Les Palestiniens de Ghaza s'estiment victorieux dans la bataille qui leur a été imposée par Israël. Ils ont été très nombreux à sortir dans les rues et au milieu des ruines à Ghaza après l'annonce d'un cessez-le-feu au Caire. Ce n'est pas une victoire militaire, c'est clair. Mais c'est indéniablement une victoire de la volonté et de la détermination. Le Hamas, malgré les pertes essuyées parmi ses dirigeants, sort renforcé de cette épreuve. Il a décrété le 22 novembre «jour de la victoire». «Les combattants de la résistance ont changé la règle du jeu avec l'occupant et déjoué ses calculs», a déclaré dans un discours télévisé Ismaël Haniyeh, le Premier ministre du Hamas. «Après cette victoire, l'option d'envahir Gaza n'existe plus», a indiqué Haniyeh en appelant les autres mouvements palestiniens à respecter la trêve «aussi longtemps qu'Israël la respectera». Ce sentiment de «victoire» est largement partagé par l'ensemble de factions palestiniennes y compris le Fatah. L'écart entre les pertes palestiniennes durant ces huit jours d'agression - 164 morts dont 43 enfants et 15 femmes et 1.200 blessés (plus de la moitié sont des femmes et des enfants) contre 5 morts israéliens - peut sembler donner une allure surréaliste à ce sentiment de victoire. Les Palestiniens ne sont pas des illuminés. Ils connaissent suffisamment, pour le subir continuellement, la disproportion des moyens pour s'attendre à une victoire de type militaire. Par contre, ils n'ignoraient pas que la guerre déclenchée par Netanyahu avait pour but, une fois de plus, de briser leur volonté de résistance. De ce point de vue, les Palestiniens n'ont pas plié et c'est bien une victoire. La trêve conclue impose bien entendu que les Palestiniens s'abstiennent de tirer des roquettes mais cette abstention est liée aussi à l'engagement d'Israël de cesser ses attaques et ses assassinats. LA CISJORDANIE EN QUASI-INTIFADHA L'accord de trêve annoncé mercredi en début de soirée par le ministre égyptien des Affaires étrangères Mohammed Kamel Amr prévoie en effet qu'Israël doit mettre «fin à toute offensive territoriale, maritime ou aérienne contre la bande de Gaza, y compris les incursions territoriales et la liquidation d'individus», en contrepartie les factions palestiniennes «doivent mettre fin à toutes les attaques lancées de la bande de Gaza contre Israël, y compris les tirs de roquettes et toutes les attaques le long de la frontière». L'autre fait à relever est que la résistance de Ghaza réunifie aussi les Palestiniens alors que les fausses négociations menées depuis 19 ans les divisent. C'est clairement ce que les Palestiniens attendent de Mahmoud Abbas et du Hamas : mettre fin à une division absurde. Des réunions devraient avoir lieu rapidement au Caire pour aller dans le sens de la réconciliation inter-palestinienne, a indiqué Khaled Mechaal du Hamas. Elle l'est d'autant plus que la détermination de Ghaza a mis les territoires occupés sur un air d'Intifadha. La police palestinienne de «l'Autorité» a très rapidement compris qu'elle ne pouvait réprimer ceux qui sortaient dans la rue pour soutenir leurs frères à Ghaza. Il y a eu en sept jours plus de 250 Palestiniens qui ont été arrêtés par les forces d'occupation israéliennes à Hébron et Ramallah. Jeudi, quelques heures après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, l'armée israélienne a arrêté 55 militants palestiniens pour «activités terroristes». Les Palestiniens de Cisjordanie sont bien à l'unisson avec Ghaza. DES REVISIONS A FAIRE L'autre grande leçon de cette nouvelle guerre de Ghaza a été de démontrer que l'option «stratégique» de paix de l'initiative arabe est vouée à l'échec sans un changement du rapport de forces. Lequel ne peut venir que par un soutien franc, multiforme, y compris par les armes, à la résistance palestinienne. L'action diplomatique, devenue unique option pour Mahmoud Abbas qui subit de très fortes pressions américaines au sujet de la demande de reconnaissance à l'Onu, n'a aucun sens si on s'y enferme de manière absurde, comme c'est le cas depuis 19 ans. Il faut changer les termes de la discussion en affirmant et en réaffirmant le droit légitime d'un peuple spolié à se défendre. Malgré l'ampleur des pertes et des destructions subies par les Ghazaouis, les Palestiniens s'ils ne peuvent prétendre à une victoire militaire peuvent, avec certitude, souligner qu'il y a eu une victoire de la volonté. Netanyahu qui voulait du sang palestinien pour sa campagne électorale n'a pas atteint ses objectifs. Ce qui explique que la première violation de l'accord de trêve vient de l'armée israélienne qui a lâchement tiré sur des paysans qui revenaient à leur terre en tuant l'un d'entre eux. Moustapha Barghouthi, député indépendant du CNP, a dénoncé «une très grave violation du cessez-le-feu» et a demandé aux «Etats-Unis et les pays qui ont contribué à le mettre en place à exercer une pression immédiate et efficace sur Israël». «Si ces actions ne sont pas arrêtées immédiatement, Israël prend un grave risque de faire s'effondrer cette trêve précaire», a estimé M. Barghouthi, qui est venu à Gaza de Cisjordanie en signe de solidarité.
