Les deux attaques menées par les djihadistes de Belmokhtar au Niger ont confirmé une prévision des spécialistes immédiatement après l'inter vention française au Mali : la dis persion des groupes terroristes et leur déplacement sur l'ensemble des pays de la région sahélienne. Pour ne pas avoir à se poser des questions déplaisantes sur les failles de leur propre dispositif et sur les soutiens présumés des djihadistes à l'intérieur même du site stratégique d'Arlit où ils ont pu mener leur attaque malgré un régime de sécurité renforcé, les autorités du Niger pointent du doigt la Libye. Cela prend l'allure d'une vraie campagne contre la Libye décrite dans un style afghano-pakistanais comme un «sanctuaire» des terroristes. Le président du Niger a même affirmé qu'un complot était ourdi contre le Tchad. Que les djihadistes soient venus de Libye est une probabilité forte que les dirigeants libyens démentent avec véhémence. Mais ils auraient pu tout aussi venir d'autres zones dans ce vaste Sahel. Qu'ils envisagent des actions au Tchad, c'est probable et il serait très peu professionnel pour les responsables de la sécurité de ce pays de ne pas s'y préparer. L'action de l'armée française au Mali ne pouvait pas éliminer tous les djihadistes, elle a entraîné un déplacement vers les autres régions. Les djihadistes ont quitté le nord du Mali ou bien font le mort. Ce «déplacement» est de nature à créer des risques dans les autres pays. Pour la Libye, qui vient d'ailleurs ostensiblement de réclamer à nouveau au Niger l'extradition de Saadi Kadhafi, la campagne menée par les dirigeants de Niamey est malvenue. Les dirigeants libyens qui peinent à restaurer une autorité étatique face à la toute-puissance des milices ont tendance à rejeter toutes les remarques en ce sens. Cela a été le cas lorsque des responsables algériens ont indiqué que les terroristes auteurs de l'attaque contre la base de Tiguentourine sont venus de Libye. Ils sont encore plus véhéments dans le rejet des accusations nigériennes. «Ce sont des accusations sans fondement et n'ont rien à voir avec la réalité», a indiqué le Premier ministre libyen Ali Zeidan. Dans un contexte libyen «d'épuration» qui a contraint le président de l'Assemblée nationale Mohamed Megaryef à démissionner en application d'une loi bannissant de la vie politique ceux qui ont occupé des responsabilités sous Kadhafi, les responsables à Tripoli ne peuvent concéder qu'ils sont incapables de contrôler l'ensemble du territoire. Dans une situation politique tendue, ils ne veulent pas être pris en défaut de faiblesse vis-à-vis du discours incriminant qui vient du Niger. Pourtant, l'effet «malien» était attendu par Tripoli qui avait décidé dès la fin de l'année dernière de fermer ses frontières avec le Tchad, le Niger, l'Algérie et le Soudan. Plus diplomatique que les dirigeants nigériens, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a appelé à une «action commune» avec la Libye et ses voisins contre les «groupes terroristes». Il a néanmoins estimé qu'il faut «porter un effort particulier, ce qui est souhaité d'ailleurs par la Libye, sur le sud de la Libye». Faut-il pour autant parler de sanctuaire ? Rien n'est moins évident pour des groupes djihadistes en mouvement avec un champ d'action très large. Ce qu'il faut bien observer par contre est que les vases communicants sont réels. Le gros effet déclencheur de la guerre de l'Otan contre le régime de Kadhafi a déstabilisé la région. Le Mali en a reçu le principal impact avec une perte du Nord et une déconfiture de son armée. Aujourd'hui, l'intervention française au Mali a créé des mouvements de reflux vers la Libye. Mais probablement pas vers elle seulement. Les djihadistes sont aussi dans les autres pays de la région. Y compris au Niger.