A Casablanca, la campagne anti-algérienne lancée par le Palais a été traduite sur le mode voyou par le Makhzen avec une attaque contre le consulat algérien avec arrachage de l'emblème national. Tout cela un premier novembre. Un grave dérapage. Il s'appelle Hamid Naanaa. Il fait partie d'une émanation directe du Makhzen, les Jeunesses Royalistes, créées pour combattre sur la mode Baltaguiya le mouvement contestataire du 20 Février. C'est par lui que la campagne du Makhzen contre l'Algérie, lancée par le roi le 10 octobre dernier, a connu un dérapage grave à Casablanca. Hamid Naanaa faisait partie d'un petit groupe de Marocains «mobilisés» par le Makhzen et amenés, vendredi, pour manifester devant le consulat algérien à Casablanca. Dans ce pays où la police est aux aguets, les pseudo-manifestants, ont pu s'approcher sans aucune problème du consulat algérien en criant des slogans hostiles à l'Algérie et à la gloire du roi. Devant les regards, presque attendris, des policiers, ces «manifestants» portant des drapeaux marocains en avaient après le drapeau algérien. «Drapeau In'zel» (le drapeau doit descendre), scandaient ces manifestants programmés. Le jeune Hamid Naanaa, devant plusieurs policiers très passifs, a entrepris de satisfaire la «demande». Il escalade la grille du consulat, pénètre à l'intérieur de l'enceinte, atteint le haut du bâtiment et entreprend d'arracher le drapeau algérien sous les acclamations hystériques de la foule. Le drapeau est jeté ensuite à la foule qui le déchire. Cela s'est passé le 1er Novembre et les manipulateurs de la triste troupe qui entourait le consulat ne l'ignoraient pas. UN ACTE «ISOLE» ANNONCE SUR FACEBOOK Les divergences entre les deux Etats ne sont pas une nouveauté, mais ce recours à la foule est un dérapage insupportable orchestré par les excités du Makhzen. La police marocaine n'est pas réputée d'être laxiste les jeunes du mouvement du 20 Février peuvent en témoigner et personne ne croit qu'elle a été surprise par une manifestation organisée par des baltaguiya sous contrôle. L'agence marocaine MAP cite des «autorités locales» qui, contre l'évidence affirment que les forces de l'ordre sont «immédiatement» intervenues pour arrêter le jeune baltagui royaliste. Ces mêmes «autorités locales» affirment qu'il s'agit d'un acte isolé. En réalité, la police marocaine s'est si peu manifestée que la thèse de «l'acte isolé» devient peu crédible. L'appel à manifester devant le consulat algérien de Casablanca a été posté le 30 octobre sur la page Facebook du Mouvement des Jeunes Royalistes et mentionnait l'adresse et les coordonnées du bâtiment. La police marocaine, ce n'est pas un secret, surveille les réseaux sociaux, et il est impossible que cela leur ait échappé. Est-ce que le geste du jeune «royaliste» n'était pas prévu et a constitué un dérapage imprévu par les organisateurs de la manifestation ? C'est une possibilité. Mais tout cela confirme plutôt la fâcheuse impression que les autorités marocaines se sont engagées dans une stratégie de tension irréfléchie que des éléments excités du Makhzen traduisent par des comportements de voyous. Sauf que les dégâts politiques sont lourds. L'Algérie a condamné un acte «caractérisé» de violation des locaux de son consulat général à Casablanca. «DECHAINEMENT DE HAINE» Le porte-parole des Affaires étrangères Amar Belani pointe directement le comportement des services de sécurité marocains. Il constate que l'individu «qui a eu le temps et la possibilité d'arracher le drapeau national de son mât n'a été arrêté, qu'après que son forfait a été accompli, par un dispositif policier qui ne semble pas avoir la protection des locaux et des personnels consulaires algériens comme mission impérieuse». Belani a relevé que l'emblème algérien a été profané un «jour sacré du 1er Novembre qui symbolise la communion des peuples maghrébins dans l'épopée de la libération de l'Algérie». Pour autant, le gouvernement algérien ne semble pas vouloir envenimer les choses en indiquant que «l'Algérie escompte que ce grave incident ne se reproduira pas». Ce qui ne l'empêche de mettre en cause le «déchaînement de haine et de dénigrement qu'une partie de la classe politique et la presse marocaine se sont employées à cultiver parmi la population marocaine contre l'Algérie». Alger a rappelé au Maroc «l'obligation pesant sur le pays hôte en matière de protection des personnels et locaux diplomatiques et consulaires algériens en vertu du droit international». Le chargé d'Affaires du Royaume du Maroc «a été convoqué vendredi soir au siège du ministère des Affaires étrangères et des explications circonstanciées lui ont été demandées», a indiqué le porte-parole du ministère des Affaires étrangères. A l'évidence, les Affaires étrangères ne veulent pas aller dans le sens de l'escalade. Mais l'impact de l'évènement risque de peser. La vidéo du drapeau algérien arraché et jeté à la foule circule sur les réseaux sociaux et suscite la révulsion chez de nombreux Algériens. S'en prendre au drapeau algérien un premier novembre, cela va au-delà des divergences politiques sur la question du Sahara Occidental. Cela procède d'une volonté de créer un courant d'animosité entre les populations qui n'a touché, malgré les décennies de divergences politiques, que des petites franges limitées de gens. Pour quel but ? On a du mal à comprendre ce que le Maroc escompte de ces gesticulations honteuses et pourquoi faire jouer la «foule» dans un dossier où les positions des Etats sont connues et ne sont pas susceptibles de changer.