Les annonces d'une relance du marché financier avec un objectif d'une capitalisation boursière de près de cinquante milliards de dollars sur cinq ans sont accueillies favorablement et surtout prudemment par les experts. Le très discret marché financier algérien serait-il sur le point de sortir de sa léthargie ? Selon Yazid Benmouhoub, nouveau directeur de la Bourse d'Alger, les autorités espèrent avoir cinquante entreprises cotées sur cinq ans contre 4 actuellement. «Le but est d'introduire sept à huit sociétés par an, nous en prévoyons 50 d'ici cinq ans», a précisé Yazid Benmouhoub en indiquant que les pouvoirs publics tablaient à terme sur une capitalisation de 48 milliards de dollars contre 190 millions de dollars actuellement. «La capitalisation actuelle ne reflète pas la réalité de l'économie algérienne», assure le directeur de la Bourse d'Alger qui révise ainsi à la hausse les perspectives déjà évoquées autorités financières algériennes. Un programme aussi ambitieux a-t-il des chances d'être réalisé dans les délais annoncés par les autorités du secteur et quelles seront les principales contraintes auxquelles il devra faire face? Les experts auxquels nous avons posé ces questions se félicitent d'abord, à l'image d'Adel Si Bouakaz, le PDG de Nomad Capital, que les pouvoirs publics manifestent depuis quelques mois la volonté d'«impulser une dynamique» au marché financier algérien. Ils se montrent néanmoins assez prudents sur les objectifs de capitalisation annoncés qui demanderont sans doute un «peu plus de temps que prévu». Pour le PDG de Nomad Capital, il existe dans une première étape «un délai incompressible de préparation des dossiers d'entrée en Bourse qui est de l'ordre de 8 à 10 mois».Il devra notamment être mis à profit pour «choisir les sociétés de conseil qui accompagneront les entreprises, auditer les comptes, et préparer les business plan prévus par la réglementation». De ce point de vue, nos interlocuteurs expriment le souhait que les pouvoirs publics fassent appel en priorité à l'expertise financière nationale qui est aujourd'hui bien présente dans le secteur même s'ils n'excluent pas l'éventualité d'appels d'offre nationaux et internationaux du fait de l'«absence de tradition de conseil financier dans notre pays». DES ENTREES ECHELONNEES Une fois cette première étape franchie, le programme des entrées en Bourse des entreprises retenues par les pouvoirs publics devrait selon nos interlocuteurs s'effectuer de façon «échelonné» pour tenir compte des capacités d'absorption limitées du marché. D'autant plus que les huit entreprises publiques sélectionnées par le Conseil des participations de l'Etat ont été précédées par «deux ou trois entreprises privées dont les dossiers de candidature sont déjà au niveau de la Cosob».Sans compter celles qui se préparent également à accomplir cette démarche et qui seraient au moins au nombre de 4 ou 5. L'ampleur de l'appel à l'épargne que ces nombreuses entreprises vont effectuer risque d'être considérable au regard de la taille actuelle du marché financier algérien. Il dépendra en premier lieu du niveau d'ouverture du capital des entreprises qui sera retenu par les pouvoirs publics. L'hypothèse la plus couramment évoquée aujourd'hui est celle d'un minimum de 20%. En raison de la taille de son capital, la banque CPA (Crédit populaire d'Algérie) pourrait cependant, nous dit-on, faire exception avec un niveau d'ouverture limité à 5 ou 10%. DES CONDITIONS FAVORABLES En dépit de ses ambitions élevées, les chances pour ce programme de trouver un écho favorable auprès des épargnants ne sont cependant pas négligeables à condition, soulignent nos interlocuteurs, à condition que «les opérations soient bien menées».On s'attend d'abord à ce que le Trésor «instruise les investisseurs institutionnels» que sont les banques et les compagnies d'assurances publiques pour jouer le rôle de locomotive et ouvrir la voie à l'épargne des particuliers qui n'a jamais été aussi importante. La réaction du marché pourrait être d'autant plus favorable qu'il a connu dans la période la plus récente très peu d'émissions de bons du Trésor ou encore d'obligations d'entreprises publiques ou privées. Avec l'arrivée de nouveaux titres à la corbeille, un autre chantier qui s'annonce est également celui de l'animation du marché, domaine dans lequel le rôle des IOB ('intermédiaire en Opération de Bourse) est essentiel. «Le public a toujours très bien réagi, souligne encore Adel Si Bouakaz, mais il reste encore sur sa faim, pour ceux qui ont franchi le pas, en raison de l'absence d'animation du marché. Ce que les investisseurs attendent c'est non seulement un rendement mais également une appréciation de leur titre».