Le système algérien a ses codes, son langage, ses servants. Les Algériens ont fini par les deviner car ils ont face à eux un système qui a duré au-delà de ses limites de péremption. Ils ont appris, également, à s'inquiéter des moments de crise quand les mécanismes de la cooptation par consensus paraissent grippés. Et c'est le cas actuellement. Il est de ce fait difficile d'ignorer la charge du secrétaire général du FLN contre le DRS qui intervient dans un contexte d'élections présidentielles. C'est une attaque frontale de la part d'un homme en campagne pour un 4ème mandat du président Abdelaziz Bouteflika. La soudaine profession de foi «démocratique» pour un «Etat civil» et contre la «police politique» d'Amar Saadani va probablement - et à juste titre - être mise en doute. Personne ne va croire qu'il vient de découvrir ces derniers mois ce que les vieux opposants disaient du fonctionnement du système depuis des lustres. S'il reprend tout le discours de l'opposition sur le contrôle du champ politique par les services de renseignements, cela ne peut s'expliquer que pour des raisons ponctuelles. Elles ne sont pas un signal d'une reconversion «démocratique» d'Amar Saadani et des partisans du quatrième mandat. La sortie du secrétaire général du FLN ne peut être analysée qu'en termes exclusifs de batailles internes au régime liées à l'incapacité de générer un consensus. Les critiques contre le DRS et son chef atteignent cependant un niveau sans précédent s'agissant d'un homme politique de la «maison» FLN. Cette sortie constitue de ce fait un vrai événement politique difficilement réductible à un jeu de rôle dans lequel le système aime faire camper à ses agents aussi bien le rôle de l'opposition que celui du pouvoir. La question du 4ème mandat de Bouteflika et les divisions qu'elle occasionne au sein du pouvoir semble montrer que le système a atteint ses limites dans la capacité à générer des solutions dites «consensuelles». La sortie de Saadani qui se présente comme un fidèle de Bouteflika est un indicateur que les partisans de ce dernier sont dans une optique offensive. Et dans cette offensive, Saadani ne peut se contenter du lexique du système sur la «stabilité», d'où le recours à l'argumentaire de l'opposition. Ce n'est pas un hasard qu'il invoque Abdelhamid Mehri victime du «complot scientifique» alors qu'il faisait lui-même partie de ceux qui ont mené une campagne violente contre lui après la signature du contrat de Rome. Ce n'est pas un hasard non plus qu'il invoque des manœuvres contre le FFS alors que dans le discours du système cela ne relève que de la «paranoïa» d'Aït Ahmed. Cette démarche était déjà inscrite dans la lettre, jugée bizarre, qu'Amar Saadani a adressée en septembre 2013 à Hocine Aït Ahmed. Quelle meilleure référence si le DRS fait obstacle que Hocine Aït Ahmed ? Mais ce dernier n'étant pas tombé de la dernière pluie lui avait opposé un silence total, presque méprisant. Ce qu'il faut observer est qu'Amar Saadani s'est abstenu d'invoquer l'ANP dans son offensive. Tant mieux, pourrait-on dire, car il faut bien espérer que la crise du système n'emporte pas tout sur son passage. Beaucoup d'Algériens ne voient aucune vertu dans ces batailles internes au régime. Ils s'inquiètent, une fois de plus, de voir le pays faire les frais d'un système clos, fermé sur lui-même et incapable d'auto-réforme. Et ni le discours lénifiant sur la «stabilité», ni la soudaine conversion d'Amar Saadani à l'Etat civil ne sont de nature à rassurer.