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Université : la direction de la recherche fait-elle fausse route ?
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 03 - 03 - 2014

Dans nos universités et au ministère de tutelle MESRS, avec ses différentes directions, les discussions pédagogiques et scientifiques n'existent pas et si elles existent, elles prennent la forme d'une véritable lutte.
Lors de la CUN 2013, l'auteur a essuyé un avis défavorable à sa nomination au grade de professeur de mathématiques sous les motifs que son article n'est pas publié dans une revue de renommée et n'est pas de spécialité mathématiques. Par e-mail ou courriel, dans un fichier pdf dénommé «publist... sciex», une liste de revues du bouquet scientifique Thompson-Reuters est diffusée électroniquement par la direction générale de la recherche scientifique et du développement technologique, la DGRSDT. Seulement, cette liste est incomplète et des revues de bonne qualité y manquent et ne sont pas citées (1). Cette liste de revues a été imposée d'une façon «autoritaire» à la communauté scientifique sans qu'aucun débat ne s'est installé dans nos universités, sauf dans une où seulement la liste a été entérinée, celle de Boumerdès et où la rencontre le 09 Décembre 2013 a eu lieu. Il y a lieu de rappeler que c'est dans cette même université UMBB que le système pédagogique LMD a été introduit pour la première fois en 2003 ou 2004. Les conséquences de cette aventure de longue haleine, de 10 à 11 ans de LMD, se font encore sentir.
LA FORMATION DES MATHEUX
La formation des matheux exigeait d'eux une connaissance à peu près universelle des divers domaines de la mathématique telle l'analyse, la géométrie, la mécanique, l'algèbre et les probabilités. L'avènement de la mathématique « moderne» a entrainé, non seulement le morcellement des champs du savoir, mais l'abandon de parcelles entières. Des pans non négligeables de la mathématique du XIXe siècle sont aujourd'hui exclus du bagage de la plupart des matheux. Les zones de compétence disparaissent-elles pratiquement telle la géométrie et la mécanique. Les matheux ne connaissent presque plus la mathématique à fortiori ils ne savent rien de la science. L'idée d'une «culture mathématique», d'une «méthode mathématique» ou d'un «esprit de mathématicien» est devenue une fumisterie. De nos jours, des professionnels de mathématiques existent mais Il n'ya plus de mathématiciens. Aucun matheux ne fait ou n'applique ou n'est en mesure d'élaborer des mathématiques de Cauchy, de Gauss, de Riemann, de Lebesgue, de Lobachovsky, etc. Cauchy domina les mathématiques françaises à partir des années 1820 jusqu'à sa mort. Il est un des principaux fondateurs de l'analyse mathématique telle qu'elle est enseignée aujourd'hui. Gaspard Monge donnait des cours de géométrie descriptive et a fait éclore encore une fois l'école française de Géométrie. Aucun matheux algérien n'est en mesure de calculer des surfaces comme le faisait Euclide, faire de la géométrie du temps de Platon. La recherche en mathématiques y était de caractère essentiellement individuel, à la fois manuel et intellectuel. Les mathématiciens algébristes, analystes, probabilistes, RO-istes et mathématiciens appliqués, se répartissaient en une hiérarchie essentiellement fondée sur la reconnaissance mutuelle des mérites, ils étaient dispersés et relativement isolés, faiblement institutionnalisés. La division du travail s'est imposée; division en disciplines de plus en plus cloisonnées et même en sous-disciplines: la mathématique n'existe que comme conglomérat de spécialités : fractales, théorie des graphes, ordonnancement, fiabilité, processus stochastiques, théorie des nombres, analyse mathématique, EDP, EDO, codage-décodage dans les transmissions, théorie des groupes, algèbre linéaire, etc.
LA RECHERCHE OPERATIONNELLE FAIT-ELLE PARTIE DES MATHEMATIQUES ?
A l'USTHB, le département de la RO, recherche opérationnelle, est domicilié à la Faculté de mathématiques. Cette dénomination de «Faculté de mathématiques» n'est pas encore reconnue dans l'organigramme des Facultés d'une université algérienne. L'auteur est spécialiste en Recherche Opérationnelle, une discipline des mathématiques modernes, et non des mathématiques archaïques. La mathématique moderne a favorisé la hiérarchisation et l'esprit d'élite au nom d'une science présentée comme intrinsèquement difficile, accessible à quelques privilégiés. La géométrie, l'algèbre, la théorie des nombres etc. sont des mathématiques qui ne se font plus à la «main». Les mathématiques sur du «papier» ne donnent aucun «essor à la recherche» et cela depuis plusieurs siècles. Tout s'élabore par des résolutions algorithmiques, telle l'équation de Fermat qui date de plusieurs siècles et que sa résolution n'a été possible que par l'utilisation de gros ordinateurs. Tout est devenu «calcul formel», un calcul fait par les ordinateurs. Peut-on dire à Benoit Mandelbrault, éminent mathématicien français, qu'il ne fait pas de mathématiques ? Les «fractales» ne sont que la résolution d'une équation simple, itérative ou récurrente. Cette résolution se fait par l'application d'un algorithme et à l'aide des ordinateurs. L'auteur s'intéresse aux problèmes d'ordonnancement. Ces problèmes se modélisent comme ceux de l'optimisation combinatoire où il faut optimiser une ou plusieurs fonctions objectifs (multi-objectifs) sous des contraintes imposées par le milieu où se fait l'étude. Parfois cet objectif ne peut même pas être défini.
Ces problèmes sont appelés en analyse mathématique les problèmes des «extrêmats liés». Les «extrêmats liés» ne font-ils plus partie du calcul différentiel ? Les solutions à ces problèmes n'existent que dans des cas très lisse, idéal, parfait, chose qui est en général impossible même dans la «nature». Faute de solutions analytiques exactes, des chercheurs se lancent à la détermination de quelques solutions, parfois même en se contentant d'une solution approchée. Cette résolution approchée s'appelle détermination de solutions par une «heuristique» ou une «Métaheuristique».
L'article en question est publié dans la revue IJAMC, International Journal of Applied Metaheuristics and Computing (2).
En analyse mathématique, faute de solutions bien caractérisées et faciles à déterminer, la résolution des problèmes se fait souvent à l'aide de l' «analyse numérique», des procédés algorithmiques et itératifs.
DE LA RESPONSABILITE DANS LA RECHERCHE EN MATHEMATIQUES
Aujourd'hui, on trouve dans la recherche mathématique (et même dans les autres spécialités telle la médecine…) des directeurs de laboratoires qui se comportent comme des «patrons» ou des «boss» (pour ne pas les qualifier de Mandarins) qui consacrent la plupart de leur temps à des fonctions administrative et politique générale, membres de la CUN, membres des commissions de projets de recherche, des projets pédagogiques, ayant souvent perdu tout contact réel avec la recherche, mais présentant dans les congrès les résultats de «leurs» chercheurs, cosignant des articles qui parfois ne connaissent même pas leur contenu. Certes, certains sont des «chercheurs confirmés» qui organisent le travail, répartissent les tâches, surveillent leur exécution et sont souvent les seuls à avoir une idée claire du projet en cours. Ils dominent et mènent une » hégémonie totale «sur les jeunes ou futurs chercheurs. Il n'y a plus aucune unité sociale du milieu scientifique, mais d'aigus conflits d'intérêts en son sein (1). Les articles scientifiques comportent de plus en plus de signataires. Les théoriciens ne font qu'améliorer progressivement une idée largement commune. Plus un article est obscur, illisible et difficile à lire, plus il a des chances d'être publié. En mathématiques par exemple, si vous écrivez soit «f» une application de l'ensemble de nombres réels à valeur dans l'ensemble des entiers naturels, vous ne risquez pas d'être publié car l'application est dite «élémentaire». Mais si vous écrivez soit «f» l'application définie sur le «bord» de l'intérieur de l'adhérence d'un demi-espace ouvert à hyperplan d'appui tangent en un segment d'un espace de Sobolev muni de la norme LP à valeurs dans une variété linéaire de dimension « n-1» plongée dans un «Tore», là on dira que c'est des mathématiques… Une chose impossible à réaliser. Vous ne pouvez même pas imaginer de quel genre d'applications en est cette «f». Une «escroquerie monumentale» quoi !
DEMOCRATISER OU REDEPLOYER LA DGRSDT
Le plus urgent est de démocratiser la DGRSDT, cette institution de recherche. Récemment, un redéploiement de ses responsables s'est effectué où le «directeur de la recherche» a été semble-t-il remercié.
Son site Web est toujours en construction. Aucun «appel à candidature» n'a été lancé pour occuper ce poste et d'autres postes au niveau de cette direction.
De ma recherche sur Internet, j'ai retrouvé que certains directeurs et sous directeurs de la recherche ont cosigné des articles avec le DG, un scientifique à CV bien fourni. Les directions et priorités de l'activité scientifique sont déterminées à un niveau de l'appareil d'organisation sociale toujours plus élevé, et toujours plus éloigné des lieux du travail scientifique, soit l'université. Son «siège» doit être « tournant», domicilié dans le laboratoire ou l'université algérienne la mieux classée et non sur les «hauteurs d'Alger», à 200 m de «Makam El Chahid» avec une vue très agréable et imprenable sur la «baie d'Alger» à El Mouradia.
Dans un esprit américain, celui de «Ongoing Research» (recherche continue), le DG de la DGRSDT doit être le directeur du laboratoire algérien qui a réalisé le meilleur classement de son institution et non celui qui a le meilleur Curriculum Vitae.
Conclusion
Des déconsidérations envers les «Anciens» enseignants-chercheurs sont constatées. Je suis pour une nomination «au cas par cas» au grade de professeur des universités.
La dévalorisation de l'enseignement supérieur est donnée par les critères de nomination aux grades de maîtres de conférences et professeurs. Il ne suffit pas seulement de deux articles scientifiques et l'encadrement de deux masters ou magisters ou doctorat pour être nommé Professeur. Le Professeur doit disposer d'une «chaire» (de nos jours, une spécialité en master et doctorat) où il dispense sa recherche sous forme de cours spécialisés. A l'université algérienne, seuls les qualités de chercheurs sont prises en compte, et rarement leur valeur pédagogique.
De ce fait, certains professeurs ne savent pas parler, ils ne communiquent pas. Pire, beaucoup parmi eux ne savent pas lire couramment un texte. De là à écrire une requête ou un article de vulgarisation de leur spécialité, c'est une «montagne à soulever». Comment ceux qui ont le pouvoir d'une commission ministérielle font-ils accroire qu'ils sont du côté de la réalité, de l'objectivité et de la raison ? Beaucoup de matheux sont dépossédés de toute maitrise de leur activité, n'ont plus ni contrôle, ni compréhension de son sens.
Sait-on que 95% des articles scientifiques ne sont jamais cités dans la littérature ultérieure ? Dans leurs articles, les matheux ne veulent plus citer certains de leurs pairs.
La perte de contrôle est l'anarchie de la publication scientifique, inflation d'articles, de qualité souvent médiocre ou de sujets de mathématiques sans intérêt, sans aucun impact autre que de garantir la position de leur auteur. La reconnaissance individuelle est souvent externe et extérieur à la créativité scientifique. Elle tient souvent au bon réseau de «relations».
* Universitaire
Références
1. Ali Derbala. De l'aventure du LMD en pédagogie.
Le Quotidien d'Oran, Débat, Dimanche 09 février 2014, p.05.
http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5193961
2. Mohamed Messaoudi-Ouchene et Ali Derbala (2013). A modified ant colony
algorithm to the P? prec? Cmax scheduling problem: A comparative study. IJAMC, International Journal of Applied Metaheuristic Computing. July-September 2013, vol.
4, N?. 3, pp. 65-74. http://www.igi-global.com/article/a-modified-ant-colonyalgorithm-to-the-p-prec-cmax-scheduling-problem/96933


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