Sots, crédules, idiots, begri, bêtes, baggara, imbéciles, «deux béciles». Voilà ce que nous demeurons. Des gfoufs qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez, du moins ce qui leur en reste de nif. Allah Ghaleb, trop occupé à servir son tube digestif, le peuple n'arrive pas à saisir toute la dimension et la profondeur des actes de gestion de la ville. Le peuple, alimenté par les tubes cathodiques qui déversent, à longueur de journée et de JT, des actes de démocratie étrangère, n'en a tiré que tachrak el-foum. Il faut lui pardonner au peuple. Il est en apprentissage. Non, le peuple n'a pas fréquenté les mêmes universités que vous autres. Lui n'a pu avoir que les diplômes de l'Université algérienne. Diplômes très reconnus, ailleurs, mais qui, fel bled, ne lui servent qu'à décorer le coin de l'appartement familial qui lui est affecté pour roupiller. Amala, ce n'est pas la peine tloumou le peuple pour ses envolées de tmanchir. Il jure, le peuple, de ne plus parler des artères de la ville où, entre deux trous, il y a un autre trou. Et tous les autres trous des fortunes nées, on ne sait comment. Ce n'est pas de l'incompétence. Non. Il a compris pourquoi entre deux dos-d'âne, il y a un ralentisseur. Ce n'est pas un hasard. Non. Il lui a fallu du temps, mais il a compris pourquoi devant telle cité, il y a une benne à ordures qui chlingue, et pourquoi dans tel quartier, des mezbalas, à ciel ouvert, trônent comme un bouquet de yasmine. Ces trous, ces dos-d'âne, ces ralentisseurs, ces bennes et ces ordures sont des repères. Ouah, des repères. Comment savoir que dans tel établissement scolaire ne s'est inscrit que oueld flène et flène, sans la présence d'une foultitude de ralentisseurs ? Comment reconnaître une cité qui abrite les enseignants et petits fonctionnaires, sans les émanations des bennes à ordures ? Comment faire la différence entre cette cité et une autre qui abrite la popudégueulasse, sans les senteurs plus présentes de la mezbala, à ciel ouvert ? Hé oui m'a dit mon père, quand on perd les repères on va vers les repaires. C'est que les responsables portent des lunettes aux verres très sombres et circulent dans des bagnoles à verres fumés. C'est à travers tous ces filtres qu'ils essayent de ne pas nous voir, pour mieux gérer la ville. Ils ne sont pas aveugles. Ils sont malvoyants. Alors que l'on ne me demande plus d'ouvrir la fenêtre sur le positif , il est insignifiant !