Dire que rien ne va en Libye serait un doux euphémisme, mais la confusion est encore montée d'un cran avec les accusations du groupe «Fajr Libya» portées contre l'Egypte et les Emirats arabes unis soupçonnés, cinq jours plus tard, d'être derrière les raids aériens de lundi et vendredi derniers qui ont ciblé leurs forces participant à un assaut contre l'aéroport de Tripoli. Si dans un premier temps, tous les regards étaient tournés vers les aviateurs de Khalifa Hafter, le général hostile aux islamistes contre lesquels il a lancé l'opération «El Karama» dans l'Est libyen et qui a revendiqué les attaques aériennes, des spécialistes ont estimé que le général, basé à 1.000 km de Tripoli, ne disposait pas d'avions ayant une autonomie d'action leur permettant de lancer de tels raids, surtout de nuit. Le Caire a vite fait de démentir «catégoriquement» avoir bombardé les positions des milices islamistes. Hier, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a déclaré à l'agence de presse gouvernementale Mena n'avoir mené aucune opération militaire en dehors des frontières précisant que «jusqu'à présent, il n'y a aucun avion ni aucun soldat égyptien en Libye». Les Emirats arabes unis n'avaient pas encore réagi aux accusations des islamistes. Sur le terrain des opérations, et après dix jours d'âpres combats, l'aéroport de Tripoli serait tombé entre les mains des miliciens de Misrata. Contrôlé par les miliciens nationalistes de Zenten depuis la chute du régime de Kadhafi en 2011, la perte de l'aéroport, située à 30 km au sud de la capitale, si elle venait à être confirmée officiellement, serait un sérieux revers pour les alliés de Hafter. Dans leur progression en direction de l'aéroport, les miliciens islamistes ont saisi un véhicule militaire blindé de type Tiger, développé par les Emirats arabes unis, preuve, selon eux, de l'implication de Abou Dhabi aux côtés de leurs ennemis de Zenten. Les miliciens de Misrata ont ensuite attaqué et saccagé hier à l'aube la télévision pro-nationaliste «Al Assima». Cette bataille autour de l'aéroport de Tripoli a également précipité dans la tourmente le processus de transition politique en Libye avec la contestation ouverte de la légitimité du Parlement élu et du gouvernement provisoire par les islamistes qui les accusent d'être complice des raids aériens ayant visé leurs miliciens après avoir «appelé à une intervention étrangère en Libye». Les islamistes de «Fajr Libya» ont ainsi retiré leur confiance aux deux instances dirigeantes et ont demandé, dans ce contexte, à l'Assemblée sortante, le Conseil général national (CGN), dont le mandat a théoriquement expiré avec l'élection du Parlement le 25 juin dernier, de reprendre du service pour «défendre la souveraineté» du pays. Le CGN, dominé par les islamistes, a tout de suite convoqué ses membres pour se réunir d'urgence à Tripoli. Le Parlement libyen a réagi quant à lui qualifiant de «terroristes» Fajr Libya et les djihadistes d'Ansar Asharia, qui contrôlent 80% de la deuxième ville de Libye, Benghazi dans l'Est. «Ces deux groupes sont une cible légitime pour l'armée nationale, que nous soutenons avec force pour qu'elle continue sa guerre jusqu'à les contraindre à cesser les tueries et à remettre leurs armes», a souligné le Parlement dans un communiqué. Depuis la chute du régime de Kadhafi, des dizaines de milices formées d'ex-rebelles, dont nombre d'islamistes, font la loi dans le pays et s'entretuent pour le contrôle des villes stratégiques et des puits de pétrole.