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Le monde arabo-musulman: cette imposture identitaire
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 02 - 09 - 2014

Qu'est-ce qui nous lien nous Algériens, au monde arabe ? Rien. Ni la géographie, nous sommes plutôt africains, méditerranéens, qu'asiatiques. Ni la race, nous sommes des amazighes. La langue arabe ? Nullement.
C'est un butin de «guerre», comme sont nos autres butins à travers toute l'histoire des conquêtes et des invasions passées, comme l'est la langue française, ou tout autre dialecte acquis au contact des peuples et des civilisations qui ont conquis notre espace au fil des siècles, comme certaines allocutions turques, espagnoles, etc. Certes, la langue arabe est la langue du Coran et de notre religion musulmane, que Dieu a choisie pour transmettre son Message, et aucun prophète des religions monothéistes n'a prétendu l'exclusivité de la langue arabe dans la transmission du Message divin, mais aucunement celle de nos origines, ni de notre identité.
Sinon l'Abyssin Bilal, Salman le Pharisien et Maria la Copte seront tous aujourd'hui considérés comme des arabes, alors qu'ils n'ont embrassé que l'Islam comme religion et non point perdu leur identité d'origine, comme l'atteste si bien leurs surnoms préservés par la nouvelle religion, l'Islam, et transmis fidèlement à travers les siècles par des historiens honnêtes.
La conquête islamique du début du 8éme siècle nous a permis de devenir musulmans, d'embrasser une nouvelle religion, comme auparavant, nous étions chrétiens, païens, et non de perdre notre identité amazighe et notre africanité.
Allez demander aux Turques, aux Malaisiens, aux Pakistanais, aux Perses et aux Afghans de renoncer à leur langues maternelles, de devenir arabes du seul fait qu'ils soient musulmans. Impensable.
L'histoire ? Encore moins, n'est pas commune, que ce soit pendant la période antéislamique, ou nous avons eu plus de relations avec les phéniciens, les romains, les byzantins, les grecs et les égyptiens qu'avec la péninsule arabique, ou pendant la période postislamique, en premier lieu pendant la conquête de la péninsule ibérique par nos ancêtres, les berbères, qui ont fait de l'Andalousie un paradis terrestre. L'Andalousie a vu l'épanouissement de toutes les sciences.
La vie commune et multiconfessionnelle était une vraie démonstration de conviviabilité et de vivre ensemble entre des peuples et des races de différents horizons, de langues et de religions, confirmé par ailleurs, par le Grand Historien Ibn Khaldoun dans son traité "
L'histoire des berbères ".
Pareil pendant la période de l'assimilation ottomane (turque), qui a duré presque 5 siècles et que des vestiges architecturaux, culinaires et linguistiques en sont témoins à ce jour. La colonisation française, de presqu'un siècle et demi, la plus récente relativement, n'a laissé que ruine identitaire et perte de repères, civilisationnels millénaires, pour toute une population autochtone, mais nous à permis en contrepartie, comme maigre compensation de maitriser une langue et une culture, françaises.
Nos relations avec les juifs séfarades, qui ont vécus dans nos contrées, par ailleurs, ont une histoire millénaire sous nos cieux, sans pour autant que les autres ont reniés leurs origines, ou leur identité. Il y a eu transfert et échanges de certains us et traditions, des arts culinaires, des traditions vestimentaires, des styles musicaux.
Certains rites et cérémonials nuptiaux sont presque à cent pour cent juifs dans certaines contrées de notre pays, à ce jour, mais personne n'osera dire qu'on est juifs.
Cet amalgame entre religions, langues, races, origines et identité est le fruit d'une ignorance attisée de notre histoire et de nos origines véritables et d'une arrogance dans la persistance de se voiler la face devant des évidences criardes quant à la véritable identité de ce peuple. Gilbert Grandguillaume, chercheur au CNRS, dans sa thèse scientifique et de recherche sur l'arabisation dans le monde arabe contemporain, écrivait qu'en Algérie, l'indépendance ne signifiait pas le retour à une entité antérieure, mais obligeait à se forger une identité. La donnée nationale, disait-il, s'est façonnée dans la résistance à l'occupant, mais son contenu restait à élaborer. Aucun Leader politique n'a eu l'autorité (la légitimité) pour le faire.
La référence s'est donc faite naturellement à l'Islam. Dés lors, l'arabisation consistera à remplacer la langue française par la langue arabe. Cette opération devait pallier un déficit d'identité du coté de l'origine arabe. Cette origine arabe sera considérée comme la seule: Or l'Algérie plonge ses racines dans un terroir numide, dont témoignent les langues berbères, dans un passé romain manifesté par les ruines partout présentes, dans des contacts de civilisations, telles l'Andalousie, la Méditerranée, l'Empire Ottoman.
Et de conclure qu'assumer toutes ces origines, les relire à la lumière du présent, en tirer fierté pour le passé et force pour le présent, voilà qui aurait orienté l'arabisation vers l'avenir, créant ainsi un puissant courant dans lequel Langue et Culture auraient défini une Identité Nationale Algérienne.
Au lieu de quoi, l'arabisation est devenue un enjeu de pouvoir. Ce pouvoir, qui se réclamait de la nation, n'a pas eu le souci de la construire sur les propres bases de celle-ci. Quand on manque de légitimité, on choisi la manipulation et on cultive la haine et la honte de soi chez les Algériens.
Le manque de crédibilité et de compétence est remplacé par un jeu subtil de la culpabilisation, afin de pousser la population à avoir honte de ses origines et de ses langues maternelles. Toujours selon le chercheur, le pouvoir, son élite politique et intellectuelle se livrèrent à certaines manipulations qui consistaient à occuper la place laissée vacante par les colons en imposant l'arabe écrit comme langue orale, en imitant mal les pays du Moyen-Orient. Car ceux-ci ont tous trouvé un équilibre entre la langue écrite et leurs parlers nationaux : Le Maroc ou l'Egypte, qui fut longtemps le point de mire, en sont des exemples éloquents.
Le drame identitaire algérien peut se résumer dans les positions identitaires de deux personnalités littéraires emblématiques, nées en Algérie. Il s'agit d'Albert CAMUS, prix Nobel de littérature, et d'Assia DJEBBAR, membre de l'Académie française. Pour Albert Camus, le choix entre sa Mère (la France) et la Justice, a été fait, sans hésiter, pour sa Mère. Ce qui est légitime. Pour Assia Djebbar, presque cinquante années après Camus, en 2006, à l'occasion de son admission à l'Académie française et pendant sa prise de parole de remerciement, le choix ne s'est même pas posé, comme pour Camus, entre sa Mère (l'Algérie) et la France, Djebbar a choisie la France. Tragique perte d'identité.
En des mots diplomatiques, pour ne pas écorcher les sentiments de ses nouveaux concitoyens et de sa nouvelle Patrie, la France, Assia Djebbar a dit : " L'Afrique du Nord, du temps de l'empire français a subi, un siècle et demi durant, dépossession de ses richesses naturelles, déstructuration de ses assises sociales, et, pour l'Algérie, exclusion dans l'enseignement de ses deux langues identitaires, le berbère séculaire et la langue arabe dont la qualité poétique ne pouvait alors, pour moi, être perçue que dans les versets coraniques qui me restent chers.".
Dans son allocution, Djebbar, pour l'illustration seulement, a parler de mouvement irréversible mondial de décolonisation , au lieu de colonialisme français, de lourd passif de vies humaines sur les deux versants, au lieu d'incriminer ouvertement et courageusement la France, le colonisateur, l'agresseur. On ne peut mettre les deux parties, l'agresseur et l'agressé (l'Algérie) dans le même " couffin " de la souffrance. Elle pouvait aussi assumée simplement son statut de musulmane. Cela démontre, s'il y a lieu, que quand on perd son identité naturelle, réelle, toute personne, quel que soit son statut, perd ses repères et son courage d'assumer ouvertement ses origines, ses convictions, ses croyances et les souffrances subies par son propre peuple. L'Algérie et sa quête d'identité ressemble au vilain corbeau, voulant imiter la démarche de la perdrix, sans succès, et en perdant la sienne. Aujourd'hui, il y a lieu de constater amèrement que la population est en face d'un épais brouillard quant à ses origines véritables. Une nation identitairement analphabète et ignare. Un peuple tournant délibérément le dos aux valeurs ancestrales. La décadence morale et religieuse, la mauvaise interprétation d'un Islam pur, clairvoyant et tolérant, le refus d'accepter la diversité des préceptes et des convictions de l'autre, différent, ont tous pour cause l'absence du savoir identitaire et la méconnaissance de l'origine.
L'état de la nation amène à constater un déchirement et un déracinement culturel, confessionnel et identitaire, régi par trois grandes tendances politiques contradictoires, mais convergentes dans leur course folle pour le pouvoir : Les National-opportunistes, les Pseudo-démocrates et les Islamo-décadents. Cette fuite en avant conduira inéluctablement vers un désastre identitaire, pire que nous ont légué le colonialisme et l'obscurantisme. L'Algérie par sa géographie, par son histoire millénaire, par sa dynamique démographique, par son potentiel économique et scientifique, par la richesse de son territoire, par ses origines, par sa diversité culturelle et civilisationelles pèse beaucoup plus que tous le monde arabo-musulman réuni. La condition unique et nécessaire est juste de cesser de tourner le dos à ses origines véritables et d'avoir une perception de fierté d'appartenance à une Grande Nation, riche en héritage civilisationnel mondial.
Une société, ses citoyens, sont appelés toujours à défendre leur identité. Une Nation, qu'elle que soit sa situation antérieure, actuelle, ne peut relever d'importants défis, présents et futurs, que lorsqu'elle préserve le respect de sa langue maternelle et défend ses valeurs culturelles spécifiques.
* Phd es-Sciences Aéronautiques


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